Zone militaire s’indigne, à juste titre, des propos méprisants que le Président de la République aurait tenus à l’encontre des militaires (à qui il faut « botter le cul ») et qui sont rapportés en page 2 de la dernière édition du « Canard Enchaîné ».
Je ne reviens pas sur le fond de la petite phrase en elle-même : chacun a pu se faire une idée relativement claire, semble-t-il, de l’estime dans laquelle le PR tient les porteurs d’uniformes lorsqu’ils dépendent du Ministère de la Défense. Le fait qu’elle soit reproduite dans le Volatile (pour reprendre le vocable gaullien servant à désigner l’hebdomadaire satirique) m’inspire plusieurs remarques sur la forme et le vecteur choisi.
1. Quelques « faux scoops » lâchés ces derniers mois par des journalistes un peu trop pressés de faire parler d’eux (le plus souvent, d’ailleurs, sur des sites internet, ce qui doit nous rappeler au passage à la plus grande prudence sur ce qu’on lit parfois sur la Toile), incitent légitimement certains citoyens à la méfiance sur ce qu’ils peuvent lire ou entendre en provenance des médias.
Si cette circonspection est légitime, elle ne doit pas s’étendre à tous et, en particulier, au Canard. Celui-ci est véritablement le Journal Officieux de la République Française et les informations qu’il publie dans sa page 2 (« la mare aux canards ») sont lues comme parole d’évangile par tout ce que le pays compte de décideurs, en particulier politiques. Donc, le PR a réellement tenu les propos rapportés, n’en doutons pas. Du reste, je ne me souviens pas qu’un démenti ait été demandé…
2. Plus important que le fait qu’il l’ait dit, à mon avis, est le fait qu’il ait voulu que cela se sache. En effet, ce type de propos n’était pas anodin et se trouvait d’ailleurs inséré dans un argumentaire pro domo destiné à vanter le style du PR et son réformisme aigu. Le volatile offre en fait à l’homme politique (ou aux autres d’ailleurs : on se souvient de certains propos de hauts gradés particulièrement critiques sur l’engagement français en A-stan rapportés par le même journal) l’opportunité de pratiquer une communication non institutionnelle qui permet à la fois de toucher un public choisi (les décideurs plus que, disons, le citoyen qui se contente du journal de 20 h de TF1) tout en s’affranchissant de certaines règles de la langue de bois.
3. Donc, pour en revenir aux propos du PR, et si on admet qu’ils sont à la fois exacts et qu’il a lui-même souhaité qu’ils soient diffusés tel quel, on peut en conclure qu’il ne va pas changer sa manière de « dialoguer » avec l’Institution. Son message est clair et intervient d’ailleurs peu après l’annonce de l’arrêt de la procédure engagée contre les Surcouf : je ne céderai pas, mes réformes sont bonnes, si vous n’êtes pas d’accord c’est le même tarif et, cerise sur le gâteau, je n’hésiterai pas à envoyer valser les récalcitrants éventuels.
4. Sur le vecteur lui-même : le Canard est une excellente source d’informations, mais sa lecture requiert un décryptage bien particulier, encore plus complexe que pour les autres titres de la presse classique. Le volatile est une arme particulièrement puissante dans la bataille pour l’information et les citoyens qui le lisent doivent être bien avisés de ce fait. Les propos qui y sont rapportés, en particulier lorsqu’ils le sont de manière « autorisée », sont souvent à double ou à triple sens. Savoir identifier les cibles, l’objectif du propos, les raisons, aussi, qui poussent le journal à publier celui-ci plus qu’un autre, permet souvent de comprendre au-delà du fait brut.
Pour finir sur le côté cavalier des paroles présidentielles, on ne peut pas vraiment dire que cela soit une surprise, non ? Tout le blabla sur le côté « j’ai changé », etc. (de la pure communication superficielle) ne doit pas tromper : en matière de Défense, les réformes, les bonnes comme les moins bonnes, iront à leurs termes.
Du moins jusqu’en 2012…