" Personne ne choisit le mal en le voyant mais, séduit par le bien qu'il y voit, il va vers le mal qui s'y trouve et s'y prend au piège. " (Épicure).
Où en est la crise sanitaire ? Jusqu'à la fin de l'été 2021, tout semblait sous contrôle : grâce à l'extension du passe sanitaire, le taux de couverture vaccinale a considérablement augmenté, réussissant à vaincre la quatrième vague épidémique avec le moins possible de "dommages" (de décès notamment).
Mais à ce jour, au milieu du mois d'octobre 2021, il y a deux inquiétudes.
La première inquiétude, c'est que nous en sommes arrivés à un point d'inflexion dans la baisse épidémique. Le nombre de nouveaux cas (autour de 4 600 par jour) semble recommencer à remonter, coïncidant avec le début de la période froide (la deuxième vague avait commencé à monter autour du 15 octobre 2020 l'an dernier). Le taux de reproduction effectif est déjà en remontée, il avait baissé jusqu'à 0,75 et il est au 9 octobre 2021 à 0,89 et semble parti pour dépasser le seuil de 1 à partir duquel l'épidémie recroît. Cette remontée est en train de démarrer ces jours actuels. Si on prend le nombre de cas actifs en France, le soir du 11 octobre 2021, il y en avait 91 950, le soir du 12 octobre 2021, 91 344 et le soir du 13 octobre 2021, 91 367, ce qui situerait le point le plus bas au 12 octobre 2021. Il faut évidemment regarder de près si la remontée même faible est continue ou s'il s'agit d'un plateau.
La seconde inquiétude, c'est que la vaccination patine depuis un mois. Au 13 octobre 2021, il y avait 50 947 545 Français qui ont reçu la première dose et 49 367 087 Français complètement vaccinés. C'est beaucoup mais guère plus qu'il y a mois, à peine 1 million de personnes nouvellement vaccinées.
Certes, le taux de couverture vaccinale a largement dépassé les 75% de la population totale (ce qui, je le répète, est déjà bien et un exploit), mais c'est insuffisant pour éradiquer l'épidémie de covid-19 et ne plus nous en soucier. Cela explique pourquoi le gouvernement a adopté au conseil des ministres du 13 octobre 2021 un nouveau projet de loi qui autorise le gouvernement à recourir au passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022.
Cette loi n'est pas forcément une loi de prolongation mais une loi de possibilité de prolongation car personne ne connaît l'avenir et certaines situations nationales (américaine et britannique notamment) peuvent nous inquiéter. De plus, en raison de la campagne présidentielle, le Parlement ne siégera plus à partir de la fin du mois de janvier 2022 (la session ordinaire est écourtée), et les gouvernements qui seront là au premier semestre 2022, l'actuel et celui qui sera issu de l'élection présidentielle d'avril 2022 avant les élections législatives de juin 2022, devront avoir les outils tant techniques que juridiques pour réagir rapidement en cas de nouvelles vagues (la cinquième voire la sixième). Or, la perspective de prolonger l'utilisation du passe sanitaire est nettement moins contraignante que d'éventuels nouveaux confinements, surtout en forte période électorale.
Certes, cela fait longtemps qu'on dit qu'il faut insister sur faire vacciner les personnes vulnérables et en particulier les personnes âgées. Et c'est fait. Cela progresse, lentement mais sûrement. Il ne reste plus de 630 000 personnes de plus de 75 ans qui ne sont pas encore vaccinées, et 475 000 entre 65 et 75 ans, mais c'est beaucoup trop si on considère que toutes ces personnes pourraient être contaminées et hospitalisées.
La vaccination est une politique de santé publique qui a deux objectifs : se protéger et protéger les autres. Se protéger, pour le covid-19, cela signifie se protéger de la forme grave, et les vaccins à ARN messager sont efficaces à 90% (une étude française vient de sortir sur le sujet, ne l'ayant pas lue, je ne peux rien en dire mais elle confirmerait ce qu'on sait déjà, à savoir que le vaccin protège des formes graves). Protéger les autres, cela signifie surtout, pour le covid-19, freiner la circulation du virus. Selon les observations faites en Israël, l'efficacité du vaccin pour empêcher la contamination diminue au fil du temps, ce qui nécessite une troisième dose au bout de six mois (j'y reviendrai). Le premier objectif est individuel, le second est collectif. Mais le collectif rejaillit toujours sur les individus. En bien ou en mal.
Comme la plupart des Français, du moins ceux susceptibles de participer à la circulation du virus (c'est-à-dire, en gros, les actifs et les jeunes), ont été vaccinés principalement à partir du mois de mai, on peut considérer que l'efficacité du vaccin pour prévenir les contaminations restera satisfaisante jusqu'à la fin de l'année 2021, avant une troisième dose que la France sera capable de fournir à tout le monde.
Notons par ailleurs que parler d'une efficacité contre les formes sévères de 90%, cela signifie quand même que 10% des personnes complètement vaccinées sont susceptibles, si elles sont contaminées, de développer une forme grave, d'être hospitalisées, éventuellement en réanimation, jusqu'au décès le cas échéant.
Si j'écris cela, c'est pour insister sur le fait que l'enjeu le plus crucial, c'est qu'il faut freiner la circulation du virus, empêcher au maximum les nouvelles contaminations, et la France est actuellement au creux de la vague, mais tout laisse entendre que la remontée est là. La question est de savoir si la remontée est faible et reste en fait sur une sorte de petit plateau, auquel cas la situation restera contrôlée, ou si une nouvelle remontée avec une forte pente, comme en novembre 2020, est possible. Probablement que ce sera un mélange des deux.
Il n'y a donc pas de temps à perdre si on souhaite le scénario le plus optimiste. Il faut augmenter au maximum le taux de couverture vaccinale. Ce sont les actifs qui ne sont pas encore assez vaccinés, 2,4 millions de ceux entre 30 et 50 ans et 1,2 million entre 50 et 65 ans ne sont pas encore vaccinés. Paradoxalement, les plus jeunes sont plus vaccinés : seulement 1 million des 18 à 30 ans et 1,3 million des 12 à 18 ans ne sont pas encore vaccinés.
Ce qui est clair, c'est qu'on plafonne, le rythme est ultra lent (autour de 30 000 nouvelles personnes vaccinées par jour, et encore, je majore), ce qui est quasiment stable. Pour améliorer énormément la situation vaccinale rapidement, il n'y a donc qu'une seule possibilité, en dehors de vouloir rendre obligatoire la vaccination (ce qui paraît peu praticable) : c'est de faire vacciner les enfants. En effet, 9,4 millions d'enfants de moins de 12 ans ne sont pas encore vaccinés (il y a une ultrafaible minorité de vaccinés, 20 000 pour des raisons médicales, immunodépression, etc.).
Alors, faut-il vacciner les enfants de moins de 12 ans ?
Des études récentes montrent l'intérêt d'une telle vaccination, confirmé le 30 septembre 2021 par le professeur Bruno Megarbane, chef du service de réanimation à l'hôpital Lariboisière à Paris. Selon des études américaines (dont je n'ai pas lu les résultats), le vaccin Pfizer est à la fois efficace et bien toléré chez les enfants entre 5 et 12 ans. D'autres études antérieures avaient apporté le même éclairage. D'ailleurs, Cuba a déjà commencé, au début du mois, à vacciner les enfants à partir de 2 ans. Les aficionados du régime cubain devraient se réjouir : Cuba est à la pointe de la vaccination contre le covid-19 avec un taux de couverture vaccinale de 85,1% au 10 octobre 2021.
C'est la conclusion essentielle : le vaccin est bien toléré par les enfants. La question de les vacciner se pose donc selon les deux objectifs cités. Protection individuelle : les enfants sont très peu touchés par les formes graves du covid-19, cela arrive mais statistiquement, cela ne justifierait pas, avec ce seul argument, de les vacciner. En revanche, la protection collective est déterminante : leur vaccination protégerait leurs parents, éventuellement leurs grands-parents d'être contaminés et de développer, malgré leur vaccination, une possible forme grave (je le répète, les vaccins ne sont jamais efficaces à 100% et le covid-19 reste une double roulette russe).
L'intérêt de vacciner les enfants de 5 à 12 ans, c'est que cela permet d'augmenter de plusieurs millions le nombre de personnes vaccinées, donc d'augmenter rapidement le taux de couverture vaccinale et réduire d'autant la circulation du virus. J'écris rapidement car si vacciner les adultes, c'est assez long car il faut qu'ils viennent à un lieu de vaccination, eux venant de partout, vacciner les enfants peut être simple et rapide puisqu'ils sont quasiment tous scolarisés et que la vaccination peut donc se faire rapidement et massivement dans le cadre de l'école.
Pourquoi est-il si important de vacciner les enfants ? Parce que les chiffres sur les taux d'incidence montrent ce dont on pouvait avoir l'intuition depuis plusieurs mois.
L'exemple du département de la Lozère est assez frappant. Selon les données de l'ARS de Lozère, le département de la Lozère est le département qui a le plus fort taux d'incidence de la métropole au 8 octobre 2021. Plus que le niveau, c'est son évolution qui inquiète. Le taux d'incidence en Lozère est en effet passé de 29 nouveaux cas pour 100 000 habitants par semaine au 3 octobre 2021 à 102 au 8 octobre 2021 (en cinq jours, cela a plus que triplé !). Et les données suivantes sont encore plus instructives. Entre ces deux dates, le taux d'incidence a augmenté de 1200% chez les enfants de moins de 10 ans (il était à 372 au 8 octobre 2021) et de 549% chez les adolescents de 10 à 20 ans (il était de 151 au 8 octobre 2021).
Ces observations montrent très clairement ce qu'on pouvait prévoir : c'est que les populations les moins vaccinées sont les plus contaminées. Les 10-20 ans ont un taux de vaccination non nul et sont moins contaminés que les plus jeunes (74,6% des 12-18 ans sont déjà vaccinés). Comme il s'agit de populations jeunes, il y a peu de risque qu'ils développent des formes graves, mais cela signifie qu'elles font circuler le virus et, comme on l'a vu à la fin de l'été 2020, après les jeunes, ce sont les moins jeunes qui sont ensuite atteints par cette recrudescence des contaminations. Vacciner les enfants permettrait donc d'éviter que la recrudescence ne passe par les plus jeunes qui sont les beaucoup moins vaccinés de la population.
En résumé, faire vacciner les enfants de moins de 12 ans serait une mesure de salubrité publique pour éviter une nouvelle vague hivernale qui aurait un impact sur les personnes vulnérables. Certains laissent entendre qu'on ne doit pas vacciner pendant une épidémie : quand on ne sait pas traiter la maladie, faut-il laisser périr toutes ces personnes fragiles qui développent des formes graves ? Bien sûr que non ! Il faut faire dans l'urgence, stopper rapidement et au maximum la circulation du virus. Donc, non seulement il faut vacciner mais il faut vacciner beaucoup plus massivement qu'en période endémique. Et il faut avoir conscience de notre double chance : il existe un vaccin qui est très efficace et bien toléré (plusieurs milliards de personnes ont déjà reçu les doses), et la France a les capacités aujourd'hui de s'en procurer autant qu'elle en a besoin (du 26 décembre 2020 au 13 octobre 2021, la France a déjà réceptionné 122 526 210 doses au total, tous vaccins confondus).
Alors, qu'attend-on ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 octobre 2021)
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Pour aller plus loin :
Covid-19 : faut-il vacciner aussi les enfants de moins de 12 ans ?
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Prolonger la possibilité du passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022 ?
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Vers un passe vaccinal ?
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 8 septembre 2021 (texte intégral).
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