Grégoire Delacourt – L’Enfant réparé

Par Yvantilleuil

Ce dixième roman de Grégoire Delacourt aux allures de biographie est celui qui apporte un nouvel éclairage sur tous les précédents et en particulier sur «Mon Père», où l’auteur livrait un huis-clos écœurant entre un prêtre pédophile et le père de sa victime, tout en donnant une voix aux enfants abusés qui se murent dans le silence.

D’entrée, l’auteur de «La Liste de mes envies» et d’ «Un jour viendra couleur d’orange» nous glace en annonçant que le père de «Mon Père» et l’enfant abusé sont en fait la même personne. Si l’homme qu’il est devenu allait en effet à la recherche de l’enfant abusé qu’il était, dans ce roman il va de surcroît tenter de le réparer…  

« Je regarde mon corps et je me demande où cela a commencé. Quelle partie a d’abord été touchée. Engloutie. Caressée peut-être. Les caresses ne laissent pas de trace. Les baisers non plus. Seules les morsures des affamés cisaillent la chair. Je n’ai pas été mordu. Je n’ai pas été brûlé, ni coupé. C’est pire. Il ne reste rien. Aucune preuve. »

Cinquante ans plus tard, le traumatisme est tellement profond que l’esprit en a effacé toute trace consciente. Au fil des pages de cette introspection, les souvenirs longtemps enfouis refont surface et les mots viennent progressivement nommer ce mal qui le ronge depuis l’enfance. En remontant le fil de sa vie, Grégoire Delacourt se met à nu avec beaucoup de franchise, revient sur son enfance, ses amours, le décès de ses parents, sa psychanalyse et finit par comprendre son incapacité d’aimer, ses lâchetés, les traumatismes de ses personnages lors de précédents romans et son incapacité à vivre heureux à cause de cet enfant mort qu’il trimbale depuis le début !

Ce chemin de croix qu’il mène la plume à la main ne révélera pas seulement les abus d’un père, mais surtout l’amour invisible d’une mère qui le changeait de chambre et l’envoyait en pension, non pas pour lui tourner le dos comme il l’a toujours cru, mais pour le protéger comme toute mère se doit de le faire…

Un roman émouvant, bouleversant qui jette un nouvel éclairage sur toute l’œuvre de cet auteur !

L’Enfant réparé, Grégoire Delacourt, Grasset, 240 p., 19€

Ils en parlent également : Matatoune, Aude, Karine, Caroline, Lili 

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