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Quand faire, c'est croire (4)

Publié le 10 octobre 2021 par Detoursdesmondes
Nganga533
Pour compléter les exemples pris en Afrique dans les deux derniers volets, tournons nous vers Cuba.
La nganga (un mot hérité du kikongo qui signifie devin, guérisseur) est un récipient de terre ou de fer contenant des éléments de la nature, des métaux ouvragés et des ossements humains. Elles veulent constituer un monde en miniature.
Chaque nganga est unique et possède un nom propre. Elle est dotée d’une personnalité particulière qui est celle de l’esprit d’un individu précis dont le palero est allé choisir le crâne au cimetière et qu’il a introduit dans le chaudron ! Mais ce faisant, l’interaction est mutuelle puisque la nganga permettra au palero de devenir une autre personnalité. Elle modifiera le rapport du palero à lui-même.
L’initié et le chaudron ont échangé des parties de leur personnalité pour ne faire qu’un, le sang du palero donne vie à la nganga.
Si les objets tirent leur pouvoir des éléments qui les composent, leur agencement dans l’espace y contribue aussi : Le palero met en place une scène avec, située au centre, la nganga, et réalise un dessin (la firma) qui se révèle être un "diagramme d’actions" pour l’esprit du chaudron convoqué afin de résoudre le problème. Des flèches partent de la nganga et pointent vers quelque chose ou quelqu’un, on fait ainsi sortir le mort du chaudron et on l’envoie accomplir une mission.
Petwo

En Haïti, un wanga ou "travay maji" fait partie de ces objets bric-à-brac, véritables microcosmes qui permettent de convoquer un esprit dans ce trop-plein de matières ou de choses, mais aussi et surtout pousse ce dernier à agir, à se "mettre au travail". En effet, au cœur du vaudou en Haïti, se trouve la croyance en des esprits qui sont à même d’influer sur notre vie de tous les jours. Ce sont des lwa (ou loa) qui mêlent dieux africains, saints catholiques et esprits liés aux ancêtres haïtiens.
La grande salle du temple vodou où se déroulent les rituels possède en son centre un poteau, le mitan, par lequel les esprits peuvent “descendre".
Des dessins produits sur le sol autour du poteau, sont là aussi des graphiques en acte, et le prêtre (un hougan) ou une prêtresse (une mambo) sont les facilitateurs du passage. Quant aux autels des lwa, ils sont surchargés d’objets et d’offrandes de boisson et de nourriture et arborent des couleurs différentes selon qu’on a affaire à des entités calmes et bienveillantes (Rada Lwa) ou rapides et colériques (Petwo Lwa).
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Les autels vaudou se chargent ainsi de bouteilles, remplies de l’âme des morts et de celle des vivants.
 Des vivants ? C’est là que nous retrouvons une conception particulière de la personne. En effet, pour certains Haïtiens, il semble que notre corps ne soit pas une masse inerte mais animée par un "petit bon ange", en contact avec les lwa et qui peut donc s’extérioriser lors d’une séance de possession, et d’un "gros bon ange" qui correspond à l’intelligence et à la volonté.
Mettre une partie de son bon petit ange dans une bouteille scrupuleusement fermée sur un autel vodou, c’est s’assurer qu’une personne mal intentionnée ne puisse venir le capter à l’occasion d’un désordre (une maladie) dans son corps. Il semble que se déroule dans l’espace rituel une "contraction ontologique” : s’y opèrent ainsi une condensation des espèces en jeu mais aussi (et le mot contraction nous y invite) un accouchement de ce qui constitue pour nous une hybridité, un objet-monde dont l’homme est l’un des composants.
Dans cet espace où différents modes de communication sont à l’œuvre, s’accomplit une véritable création de champ multisensoriel.
Alors croire ou ne pas croire ?
À lire :
Kerestetzi K., 2012, “Un mort pour son chaudron” in Techniques & Cultures 58
Kerestetzi K., 2011, « Fabriquer une ganga, engendrer un dieu (Cuba) » in Images re-vues 8.
Kerestetzi K. & Bonhomme J., , 2015, «Les signatures des dieux. Graphismes et action rituelle dans les religions afro-cubaines » in Gradhiva 22
Mac Alister E., 1995,"A Sorcerer's Bottle : The Visual Art of Magic in Haiti" in Consantino Donald J. (ed.), Sacred Arts of Haitian Vodou, UCLA Fowler Museum.
Photo 1 : Pedro Tomàs et sa nganga © Katerina Kerestetzi in "Fabriquer une nganga, engendrer un dieu (Cuba)" de Katerina Kerestetzi.
Photo 2 : Autel Petwo UCLA Fowler Museum - © Dennis Nervig.
Photo 3 : Bouteille vodou © Fowler Museum.


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