Selon Reuters, l'enquête sur Apple Pay entamée au milieu de l'année dernière par la Commission Européenne aboutirait à une sanction pour pratiques anti-concurrentielles, en lien avec les limitations d'accès à l'interface sans contact des téléphones de la marque à la pomme. La fin de sa position dominante sur le paiement mobile serait-elle en vue ?
Le contentieux est presque aussi ancien que le produit : peu de temps après son lancement et pendant qu'il faisait ses tout premiers pas en France, les banques australiennes déposaient déjà un recours auprès des autorités locales afin d'obtenir la possibilité de déployer leurs propres applications de paiement sur l'iPhone. Déboutées à l'époque, elles reviennent à la charge depuis peu à l'occasion d'une consultation parlementaire portant plus généralement sur les porte-monnaie numériques.
C'est que, entretemps, la crise sanitaire est passée par là, déclenchant une adoption massive du paiement sans contact, en particulier via le téléphone. Les mêmes causes entraînant les mêmes conséquences, quoique avec un certain retard, la Commission Européenne s'était donc emparée du sujet en 2020, recentrant ensuite ses investigations sur la question primordiale de l'exploitation par des acteurs tiers de la puce NFC présente sur les iPhones, indispensable pour interagir avec les terminaux d'encaissement.
En effet, le constructeur ne met à la disposition des développeurs qu'une partie des fonctions de ce composant et se réserve l'exclusivité des plus « précieuses », qui autorisent le fonctionnement d'Apple Pay. Les arguments avancés en guise de justification, évoquant des risques pour la sécurité et la protection des données, sont, de longue date, jugés spécieux par les experts (mais pas, à ce jour, par la justice), d'autant que l'archi-rival Google n'impose pas de telles restrictions sur son système.
Si la décision européenne est confirmée, Apple devrait se voir infliger une amende potentiellement sévère et, surtout, être contrainte de lever les obstacles dressés aux solutions de paiement de la concurrence. Les banques et autres établissements habilités pourraient de la sorte proposer sur l'iPhone les instruments qu'ils ont conçus (en France, on pensera immédiatement à Paylib, notamment) et qui ne peuvent aujourd'hui être installés (avec toutes leurs capacités) que sur des appareils équipés d'Android.
Mais ce n'est pas tout : les fournisseurs d'outils d'encaissement logiciels, pareillement exclus de l'écosystème d'Apple, pourraient profiter de l'ouverture et envisager de prendre pied dans ce segment important du marché dont ils sont écartés jusqu'à maintenant. Ce domaine actuellement en pleine expansion, toujours pour les mêmes raisons, aurait de la sorte une chance de percer, alors qu'il se trouve lui-même sous la menace d'une intrusion directe du fabricant depuis son acquisition de Mobeewave il y a quelques mois.
Il reste toutefois à s'inquiéter du délai qui se sera écoulé entre la création d'Apple Pay et le moment où les régulateurs prennent (enfin) formellement conscience de son caractère monopolistique. Quand les blocages techniques seront abolis, ne sera-t-il pas bien tard pour que des plates-formes tierces parviennent à briser l'emprise désormais considérable de la pomme ? Les banques auront certainement des difficultés à dénoncer les accords en place et elles ne pourront vanter un quelconque avantage pour leurs alternatives…