QI (Master class)
Quand la réussite a un prix
Auteur : Christina Dalcher
Traduit de l’anglais par Michael Belano
Éditions : Nil (7 octobre 2021)
ISBN : 978-2378910235
416 pages
Quatrième de couverture
Le potentiel de chaque enfant est régulièrement calculé selon une mesure standardisée : le quotient Q. Si vous obtenez un score élevé, vous pourrez fréquenter une école d'élite avec à la clé un avenir en or. Si votre score est trop bas, ce sera un internat fédéral n'offrant que des débouchés très limités. Le but de cette politique ? Une meilleure société où les enseignants se concentrent sur les élèves les plus prometteurs. Elena Fairchild, enseignante dans un établissement d'élite, a toujours soutenu ce système. Mais lorsque sa fille de neuf ans rate un test et part pour une école au rabais à des centaines de kilomètres, elle n'est plus sûre de rien.
Mon avis
« Nous ne sommes pas tous les mêmes. »
Quel parent n’a pas un jour râlé contre le niveau de la classe de son enfant, niveau trop faible ou trop haut qui ne lui convenait pas et l’empêchait de progresser à son rythme ? Et les évaluations, mal dosées, mal placées dans le calendrier ou la journée, qui font paniquer les élèves, qui stressent les familles car on compare, on fait des groupes …
Dans ce roman, Christina Dalcher pointe du doigt les dérives auxquelles la société s’exposerait en voulant faire trop de tri, en choisissant des écoles d’élite en fonction des tests réussis ou pas autant par les enfants que les parents. Cela nous interroge. Qu’est-ce qu’un élève parfait ? Celui qui a toujours de bonnes notes ? Celui qui s’épanouit dans ce qu’il fait ? Celui qui a choisi la voie qu’espérait sa famille ? Que faire face au handicap, à la différence, aux troubles dys etc ?
Une famille ordinaire, un père, Malcolm, qui travaille au département de l’Éducation, une mère, Elena, enseignante, deux filles, Anne et Freddie. Tout pourrait aller pour le mieux mais la pression est permanente, les tests mis en place par le gouvernement pour classer les personnes au mérite, pèsent de plus en plus sur l’ambiance familiale. Surtout sur la maman et Freddie. Elena sent une certaine fragilité chez sa petite qui ne supporte plus toute cette charge mentale, bien trop lourde.
Pour l’instant, tout va encore à peu près bien mais ce matin-là, Freddie ne veut pas, son corps dit stop, son esprit sature, elle ne peut pas aller dans son établissement scolaire passer ce fameux examen. Elle est à bout et Elena, qui dans un premier temps, essaie de la persuader qu’elle va s’en sortir, que tout ira bien, ne sait plus que faire. Elle finit par mettre sa fille dans le car de ramassage. L’angoisse la prend, a-t-elle fait les bons choix ? Avant et maintenant ?
Ce qui est intéressant, c’est le cheminement d’Elena. Au départ, elle est enseignante pour le « haut du panier » et n’est pas contre le système. Elle observe les voisins dont les enfants, baissant de régime, changent de car et d’établissement scolaire. Elle regarde tout ça de loin même si on sent un peu d’énervement. Mais lorsque c’est sa propre gosse qui est rétrogradée, qui souffre, elle prend en pleine face la détresse de quelqu’un qu’elle aime plus que tout. Et ça fait mal, très mal….
J’ai trouvé le fonctionnement de l’éducation, des relations humaines, présenté avec beaucoup de doigté, de finesse. Les éléments sont amenés petit à petit, les interrogations, l’angoisse monte face à ces choix qui ont été faits. Que peut faire une pauvre mère de famille face des bulldozers humains qui pensent avoir raison ? Qui peut lui apporter du soutien ? Comment agir sans se faire prendre ?
C’est avec une écriture fluide (merci à la traductrice), sans temps mort, que l’auteur nous entraîne dans ce qui pourrait devenir le pire cauchemar de l’école. Les êtres humains ont déjà fonctionné de cette façon. Christina Dalcher nous rappelle l’eugénisme, ce contrôle sur les naissances pour ne faire que de « bons » enfants, a existé et que cette théorie qui ne visait qu’à avoir des gens de « valeur » était très dangereuse. Que serions-nous sans la richesse de nos différences ? Soyons vigilants, prudents dans nos actes et nos propos. Gardons une place privilégiée à l’enfance, aux rêves, à la vie mouvementée avec ses hauts, ses bas…
Ce roman se lit d’une traite, il est fascinant, sans temps mort, on serre les poings, on sent la colère monter en nous, on espère … on est dedans, à fond …. Et quand on est dans l’enseignement (comme moi), on sait encore plus pourquoi on ne veut pas de classe homogène avec des élèves pantins tous pareils !