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J’ai déjà lu quelques romans qui évoquent « La guerre d’Algérie », tel que l’excellent « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, mais sans véritablement m’intéresser à ce sujet plus étroitement lié à l’histoire de la France qu’à celle de la Belgique. Mais bon, les critiques étant dithyrambiques et le père de Laurent Mauvignier étant lui-même un ancien d’Algérie s’étant suicidé, je me suis finalement attaqué à ce roman qui raconte certes cette guerre, mais à hauteur d’hommes. D’ailleurs, Laurent Mauvinier n’en parle pas vraiment de cette page sombre de l’histoire de la France car personne ne veut en parler…même pas ses personnages. Pourtant, Bernard et d’autres jeunes ont été appelés durant la guerre d’Algérie, y ont participé en tant que bourreaux, tueurs, violeurs, victimes, voire juste témoins impuissants face à l’imbécilité des hommes. Mais bon, ils sont vieux maintenant et même si l’Algérie hante encore leurs cauchemars, nourrit encore leurs regrets, s’invite parfois même au cœur de non-dits que l’on passe au plus vite sous silence, ils ressassent leurs pensées… Jusqu’au jour où… Bernard a d’ailleurs quitté sa femme et ses enfants, tourné le dos à sa famille, ruminant son passé dans la solitude et noyant ses regrets dans l’alcool. Pourtant, lors de l’anniversaire de sa sœur Solange, la seule qui le comprend encore un peu, un incident met subitement le feu aux poudres. Les vieilles rancœurs familiales font irruption et le passé ressurgit… Au fil des pages, Laurent Mauvignier délivre les pensées de ces hommes abimés par les ravages de la guerre d’Algérie. D’un style hachuré, il partage des phrases inachevés, sans ponctuation distinctive, des mots qui se bousculent et tentent de refaire surface, un silence qui ponctue les non-dits d’une honte révélatrice. Le lecteur, lui, colle son oreille aux pages du livre, filtre les pensées et les mots qui remontent à la surface, se fait progressivement une idée du drame vécu, mais gardé sous silence, entrevoit progressivement tous les traumas enfouis au fond des mémoires. Au-delà du silence, les voix étouffées au fond de gorges nouées deviennent subitement assourdissantes, la porte de la guerre d’Algérie vient de s’entrouvrir… Des hommes, Laurent Mauvignier, Les Editions de Minuit, 280 p., 17,75€ Ils en parlent également: Matatoune, Mumu, Bénédicte, Chantal, L’oeil fertile, Sylvie, Charlie, Fanny, Hecate, Denis, Jean-Luc, Alex, Krol, Clara
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