Dune. Un blockbuster low-tech ?

 

Des duels à l’arme blanche, de la sorcellerie féminine, des vadrouilles à pied dans le désert… Non, nous ne sommes pas dans une œuvre d’heroic fantasy, mais dans la nouvelle adaptation de Dune, qui mêle habilement éléments antiques et futuristes.

Une mise en scène plus sobre…

Il n’est qu’à comparer l’adaptation tant attendue de Denis Villeneuve avec celle, culte et controversée, de David Lynch. Aussi fantasque soit-elle, cette dernière a mal vieilli. Et pour cause : Lynch use et abuse d’éléments certes résolument modernes en 1984, mais dont on sent aujourd’hui la patine de l’âge. Les boucliers qu’utilisent les Atréides ressemblent plus à des amas de pixels qu’à des pièces d’armure. De même, le jeu exubérant des personnages Harkonnen ne passe plus du tout à l’écran : le vieux baron (Kenneth McMillan) voltigeant et hurlant à la fois suscite plus un rire gêné qu’un cri d’effroi.

Bien sûr, seul le temps jugera l’œuvre de Villeneuve, mais on peut cependant déjà pressentir que son esthétique minimaliste la protègera plus que celle de Lynch. En effet, fidèle à la mise en scène qu’il privilégie depuis Enemy et qui a fait le succès de Premier contact et Blade Runner 2049, Villeneuve adopte un style volontiers froid, ascétique, à tout le moins chiche – en apparence – en effets spéciaux. On sent bien qu’il y a du budget derrière – la modique somme de 165 millions de dollars, à comparer aux 356 millions d’Avengers: Endgame – mais l’auteur n’en fait pas étalage. Une seule scène – la destruction de la flotte atréide – sort, littéralement, l’artillerie lourde en matière d’effets pyrotechniques ; mais elle a lieu de nuit, s’amusant plus à jouer des couleurs que des explosions en pleine lumière, à la différence, là encore, de la bataille finale du dernier Avengers, toute en fond vert, promise à une obsolescence prématurée.

Malgré son budget, Villeneuve conserve donc une mise en scène réservée, qui privilégie la caractérisation des personnages et la création d’un univers singulier. Celui-ci détonne en effet dans les productions contemporaines, car il mêle à la fois des éléments antiques et d’autres résolument futuristes. Ainsi, les vaisseaux aux lignes sveltes, typiques de la smart city et de l’érotisme froid qu’étudiait Blade Runner 2049, côtoient les rituels sanglants des Sardaukar, rappelant l’onction des guerriers méso-américains médiévaux. De la même manière, hormis lors de la grande bataille entre Atréides et Harkonnen, les combattants n’usent jamais d’armes à feu et préfèrent s’affronter à l’arme blanche, au travers d’arts martiaux extrêmement sophistiqués.

… à l’image des Fremen

D’une manière générale, la mise en scène suggère plutôt qu’elle n’impose. Pour reprendre la comparaison avec la première adaptation du roman de Frank Herbert, les boucliers que fait figurer Villeneuve sont nettement plus discrets, presque invisibles si ce n’est les flashs bleus et rouges qui révèlent les impacts reçus par les bretteurs. Il en va de même de la bande-originale de Hans Zimmer. Comme a pu l’entendre dans certaines de ses dernières compositions, notamment avec Villeneuve (Blade Runner 2049) et Nolan (Interstellar, Dunkerque), le musicien allemand sait mettre de côté ses envolées pompeusement lyriques pour des nappes sonores où prédominent les basses, conférant ainsi aux scènes leur mystère plein de solennité. Tout aussi remarquable est l’usage de la cornemuse pour marquer le débarquement des Atréides sur Arrakis, à la manière des troupes écossaises allant au-devant du combat ; l’alliance d’un instrument aussi traditionnel avec une armée hautement technologique donne à la scène son caractère atypique.

En somme, l’esth-éthique de Villeneuve adopte celle des Fremen : vivre chichement et tirer profit des ressources de son environnement, qu’il soit désertique ou cinématographique, sans trahir sa présence. Un blockbuster aux airs de low-tech.

 

Dune, Denis Villeneuve, 2021, 2h35

Maxime

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