" Je suis trop libre, je pense. Ma liberté dérange ! " (Ségolène Royal, le 28 septembre 2021 sur France 2).
Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Il est loin le temps de la consécration le 16 novembre 2006 de la candidature de Ségolène Royal par le PS à l'élection présidentielle de 2007, près de 61% face à deux gros éléphants du PS, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn. Les sondages lui promettaient une victoire face à l'incontournable Nicolas Sarkozy !... Et puis la machine est tombée en panne. Cette belle mécanique bien huilée de la communication avec vernis, celle qui montrait son bébé qui venait de naître alors qu'elle était jeune ministre, celle qui a su mobiliser des troupes de jeunes admirateurs sur ce qui allaient devenir les réseaux sociaux. Quand on voit ce qu'est devenue Génération Ségo (ou plus tôt Désirs d'avenir), il vaut mieux que Génération Z reste prudente.
En mal de mandat (cela fait quatre ans et demi qu'elle n'a rien eu à faire à part ambassadrice aux pôles du 1 er septembre 2017 au 24 janvier 2020 où elle n'aurait pas fait grand-chose à part promouvoir ses bouquins, mais c'est vrai qu'une enquête préliminaire du parquet national financier a classé sans suite cette affaire en juin 2021 ; apparemment, si l'on en croit son site Internet, France 2 n'est pas encore au courant qu'elle n'est plus ambassadrice aux pôles depuis vingt mois !), Ségolène Royal a voulu se replier au Sénat, faute de mieux. Et par un concours de circonstances assez exceptionnel, il y avait des élections sénatoriales le dimanche 26 septembre 2021. Il s'agissait d'élire les six sénateurs représentants des Français de l'étranger.
Elles n'ont pas eu l'écho médiatique qu'elles auraient méritées, et elles ont été organisées de manière tout à fait exceptionnelle : elles auraient dû avoir lieu en septembre 2020, comme c'était le cas pour les autres départements de leur groupe (le Sénat est renouvelable par moitié tous les trois ans), mais le collège électoral n'avait pas pu être constitué car les élections consulaires n'avaient pas pu avoir lieu pour cause de pandémie de covid-19. Ainsi, ces élections ont été reportées d'une année pour élire ces six sénateurs pour un mandat écourté de cinq ans au lieu de six.
Pour son 68 e anniversaire, Ségolène Royal a présenté sa liste et voulait l'investiture du PS mais son parti lui a refusé sous prétexte que sa liste était trop à droite (elle aurait pris un proche de François Fillon parmi ses colistiers). Le 6 septembre 2021, PS a préféré investir Yan Chantrel, conseiller consulaire élu au Québec.
Dès le 7 septembre 2021 dans "Le Figaro", Ségolène Royal a fustigé cette décision : " Cette décision de division prise en catimini et au dernier moment par l'appareil du PS est contraire à l'aspiration profonde de l'électorat pour l'union et pour le sérieux. Elle est inutilement humiliante pour l'équipe que je conduis et qui travaille dur. (...) Je suis comme Claudine Lepage, la sénatrice sortante des Français de l'étranger (...). Elle s'est dite effarée de la décision de l'appareil du PS, qui se prétend féministe, d'investir un homme à la place d'une femme, alors qu'on est loin de la parité au Sénat. ".
Un argument à la mords-moi-le-nœud qui montre surtout l'absence d'argument solide. Car ne justifier sa candidature que par le fait d'être une femme est non seulement pitoyable (et insultant pour les femmes en général) mais stupide puisque ces élections sont au scrutin proportionnel et que les listes candidates doivent présenter la parité homme/femme (c'est vrai que pour les listes qui ne peuvent espérer qu'un seul siège, la première place est essentielle).
Résultat, Ségolène Royal a fait un score archiridicule, elle n'a obtenu que 2,1% des voix, soit 11 votes de grands électeurs sur 533, la huitième liste sur les huit qui ont recueilli des suffrages ! Une véritable gifle politique qui n'a rien à avoir avec les appareils de parti, car les grands électeurs ont toujours montré leur indépendance vis-à-vis des partis (élisant souvent des candidats dits dissidents). Ségolène Royal a donc cherché à rendre le PS responsable de ce qui est le résultat de sa propre incapacité à donner des désirs d'avenir.
Probablement que son premier handicap, c'était de ne pas être Française de l'étranger et que les grands électeurs préféraient que leurs représentants les représentent vraiment ! Les parachutages sont rarement appréciés, encore moins chez les Français résidant à l'étranger qui ont besoin de vrais soutiens auprès du pouvoir central et pas juste faire le jeu politicien de personnalité en mal de tremplin.
Pauvre Ségolène Royal qui, depuis le 9 octobre 2011, n'a cessé de subir défaites sur défaites ! Souvenez-vous les larmes, il y a juste dix ans, elle s'est prise une gifle à la première primaire ouverte de l'histoire de France, même pas 7% des voix, et ce fut son ancien compagnon qui fut non seulement désigné candidat socialiste mais élu Président de la République.
Dans cette nouvelle République au visage rose, elle a voulu prendre "sa part" et a préempté le perchoir. Manque de bol, elle s'est fait battre aux élections législatives de juin 2012 après son parachutage sur Niort, pas par une personnalité de droite, non, par le secrétaire fédéral du PS et maire de Niort, Olivier Forlani qui l'a emporté très largement avec 63% ! Elle avait laissé son ancienne circonscription à son ancienne suppléante Delphine Batho (devenue plus tard candidate à la candidature écologiste) qui ne voulait pas y renoncer et celle de Niort était "libre" car le député sortant PS ne se représentait pas. D'ailleurs, plus tard, aux élections législatives de juin 2017, dans cette ancienne circonscription, Ségolène Royal a voté contre Delphine Batho et pour la candidate LREM (qui a été battue).
Pendant trois ans, elle est quand même revenue au gouvernement comme Ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie puis Ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, dans les gouvernements de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve, même si elle aurait voulu le titre de Ministre d'État. Dans ce ministère, elle s'est couchée devant les Bonnets rouges en abandonnant l'écotaxe, ce qui a coûté très cher aux contribuables français. Surtout, elle a raté d'être Ministre des Affaires étrangères en février 2016, quand Laurent Fabius a été nommé Président du Conseil Constitutionnel, alors que François Hollande le lui avait vaguement promis dans un premier temps.
Malgré son soutien à Emmanuel Macron en 2017, ce dernier ne l'a pas reconduite au gouvernement (on imagine sans peine que le nouveau Président n'avait aucun intérêt politique à la reconduire, car elle ne représentait qu'elle-même). L'amertume est toujours mauvaise conseillère et Ségolène Royal a sorti en 2018 chez Fayard un livre (particulièrement mauvais) où elle a craché son venin sur François Hollande et Emmanuel Macron (j'en dirai peut-être quelques mots plus tard sur un sujet bien particulier).
Pour les élections européennes de 2019, elle a voulu faire équipe avec les écologistes mais Yannick Jadot l'a repoussée, considérant qu'il n'y avait pas de projet commun. Sans appareil, elle ne s'est donc pas lancée candidate.
Enfin, dès le début de l'année 2020, après avoir violemment condamné la politique du gouvernement (ce qui lui a coûté son poste d'ambassadrice aux pôles pour rupture de son devoir de réserve), elle a fondé une association, Désirs de France, avenir de la planète (c'est un peu long pour s'en souvenir) dans la perspective ...de se présenter à l'élection présidentielle de 2022 ! Ce qui, il faut bien avouer, ne correspondait pas beaucoup avec sa volonté, au même moment, de se présenter aux élections sénatoriales, si ce n'est pour avoir un lot de consolation.
Alors, dans un entretien typique de l'ancien monde, oubliant que le parti socialiste n'était plus une référence politique et que probablement sa candidate Anne Hidalgo allait se noyer dans des eaux écologistes, Ségolène Royal a payé son honneur en culpabilisant (inutilement) le PS. Cela a surtout permis de faire rire ceux des téléspectateurs qui ont regardé son entretien des "Quatre Vérités" le mardi 28 septembre 2021 sur France 2.
Après tout, c'était très compréhensible que l'appareil du PS n'ait pas soutenu celle qui, ayant quitté le PS de 2017 à 2021 (elle a repris sa carte en été 2021 !), a soutenu la candidature d'Emmanuel Macron contre le candidat officiel du PS à l'élection présidentielle d'avril 2017, et a soutenu également la candidate LREM contre la candidate officielle du PS aux élections législatives de juin 2017 dans sa circonscription où elle vote. Elle a beau avoir été déçue par le macronisme (qui a bien compris qu'il valait mieux se mouvoir vers le centre droit que vers un pôle ségolénestre), son ancien parti n'a aucune raison de venir la consoler.
Gros éclat de rire quand on a entendu Ségolène Royal dire le plus sérieusement du monde : " L'appareil du parti ne lui a pas rendu service parce que la semaine même où le parti me refusait l'investiture et parachutait un candidat contre moi, Anne Hidalgo s'est effondrée dans les sondages pour atterrir à 4%, parce que les gens n'aiment pas le sectarisme. ". Gros éclat de rire car cela donne une idée de son grand narcissisme, nombrilisme, égocentrisme : les sondés ne devaient avoir aucune idée qu'il y aurait quelques jours plus tard des élections sénatoriales partielles au bout du monde ! Et devaient encore moins connaître les coulisses de chacune des listes en présence. Quant au parachutage, elle parlait plutôt d'elle que de son rival socialiste qui réside au Canada.
Pourquoi candidate de l'écologie intégrale ? C'était l'expression de Ségolène Royal le 28 septembre 2021 pour répondre à l'écologie radicale de Sandrine Rousseau : " Je suis pour l'écologie intégrale, c'est-à-dire très ambitieuse sur des objectifs qui soient intégrés dans tous les aspects de la vie économique, sociale et culturelle. ". Cette écologie-là serait " la synthèse entre les deux [Yannick Jadot et Sandrine Rousseau] avec l'écologie qui veut sécuriser es transitions. ". Comme on le voit, il n'y a que de la communication. Ségoléniser un mot de vocabulaire est très habile pour faire sa pub (après tout, Arnaud Montebourg a bien fait cela longtemps avec le mot démondialisation).
Et elle a terminé son entretien avec la journaliste Caroline Roux en assurant qu'elle a encore le soutien " des jeunes " et qu'elle souhaitait poursuivre son engagement politique car : " Ma génération a une responsabilité dans la transmission et je veux qu'une nouvelle génération politique se lève ! ". C'est pourtant exactement ce qui s'est passé aux élections sénatoriales des Français de l'étranger : le candidat investi par le PS (et qui a été élu sénateur) a en effet 42 ans. Ils pourrait être largement son fils ! En fait, on n'a pas eu besoin d'elle pour faire la transmission des générations. Cruel, non ?
Comme disait De Gaulle pour un autre naufragé de la vie (un naufragé "grave" !), la vieillesse, oui, c'est un naufrage. Alors, que pourrait-on bien faire de Ségolène Royal aujourd'hui ? Un poste de Haut-commissaire se libérerait-il ou faudrait-il un poste d'ambassadrice à l'UNESCO ? ou un nouveau siège au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) ? Les avis divergent au sein du pouvoir, à moins que le Conseil Constitutionnel (dont le tiers sera renouvelé en février 2022)... ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Ségolène Royal, candidate de l'écologie intégrale en 2022 ?
Ségolène Royal et la baisse du chômage...
Ségolène Royal, adepte de la castritude aiguë.
Ségolène Royal et l'écotaxe.
Ségolène Royal avant la primaire socialiste de 2011.
Ségolène Royal et la démocratie participative.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210928-segolene-royal.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/02/39160872.html