Médéric Collignon Quartet joue Miles Davis au Sunset

Publié le 03 octobre 2021 par Assurbanipal

Médéric Collignon par Juan Carlos HERNANDEZ

Paris, Ile de France, France

Samedi 2 octobre 2021, 21h30

Médéric Collignon: cornet, voix

Yvan Robillard: piano, Fender Rhodes

Stéphane Kerecki: contrebasse

Fabrice Moreau: batterie

Lectrices Cool, lecteurs Jazz, il n'a pu vous échapper que le Sorcier, le Prince des Ténèbres, Mr Miles Davis est mort le 28 septembre 1991. 30 ans après, la presse est remplie de sélections d'albums indispensables (j'en possède une vingtaine) & les clubs organisent moult concerts en son hommage. " Il paraît qu'il existe des gens qui ne possèdent pas d'album de Miles Davis chez eux. C'est quelque chose que je ne peux pas comprendre " (Charlie Watts, batteur des Rolling Stones).

J'étais au concert de Miles Davis à Saint Brieuc (22) pour le festival Art Rock le 26 octobre 1990. J'avais 19 ans et j'y emmenais mon frère Benoît Lagrée (1978-2013) dont c'était le cadeau de 12e anniversaire. J'ai encore l'affiche du Miles Davis World Tour 1990 peinte et signée par Miles Davis à mon domicile adoré.

Médéric Collignon, interprète prodigieux, va jouer Miles Davis à sa façon. Il n'a jamais été à un concert de Miles Davis mais il est imprégné de sa musique.

" Fran Dance ( put your little foot right out)" composition de Miles Davis dédiée à sa compagne Frances Taylor, danseuse. A retrouver notamment sur les enregistrements des concerts du Miles Davis Quintet en Europe en 1960 avec John Coltrane ou Sonny Stitt au saxophone ténor. Ces Français jouent avec beaucoup de respect. Même mort, le Sorcier, le Prince des Ténèbres (cf album " " de Miles Davis) impressionne toujours. Le piano sonne comme un vieux piano de club de Jazz. Est-ce dû au piano, à la sono ou aux 2? Enfin, ça sonne vintage. Stéphane Kerecki & Fabrice Moreau se prennent pour Paul Chambers & Jimmy Cobb. Ils sont crédibles. Médéric chante le solo de trompette de Miles. Là, il ajoute sa touche personnelle. Sa voix est plus libre que son jeu au cornet. Little white motherfucker! aurait dit Miles Davis en souriant.

" So near, so far ". Tiré de l'album " Seven steps to Heaven " (1963) de Miles Davis. " So near, so far " (1992) c'est aussi le titre d'un album hommage à Miles Davis du saxophoniste ténor Joe Henderson. Ce n'est pas une composition de Miles Davis. Yvan Robillard passe au Fender Rhodes alors que Miles Davis l'a enregistré avec Herbie Hancock au piano. Ca balance tranquille. Quand il chante, Médéric Collignon est plus libre. Il chante, scatte, éructe, grogne, souffle, comme lui seul sait le faire. Ca groove bien aussi en instrumental.

" Frelon brun " tiré de l'album " Filles de Kilimanjaro " (1968) de Miles Davis. Cf extrait audio au dessus de cet article. Morceau déjà diffusé dans un épisode de mon émission " Détours de France. La France à la lumière du Jazz " sur Couleurs Jazz Radio. Le feuilleton se poursuit en octobre 2021 et pour plus d'un an encore. Fender Rhodes contrebasse comme sur l'original. Une petite funkerie comme dit Médéric.Funk + Tuerie = Funkerie. Logique. Ca groove terrible. Mon pied gauche bat la mesure plus énergiquement que sur les précédents morceaux. Yvan Robillard fait fumer le Fender Rhodes bien chauffé par la pulsation de la contrebasse et de la batterie. Solo de batterie où le temps est découpé par les baguettes sur les tambours. Fabrice Moreau a bien assimilé Tony Williams. Le quartet repart. Bella ballade hantée.

Le Fender reste en place. Batteur aux balais. Une ballade. Ce morceau là ne me dit rien. Belle ballade hantée. Miles aurait mis à sa trompette une sourdine Harmon surnommée aujourd'hui sourdine Miles tant il en fit bon usage. " Tout de suite " extrait aussi de " Filles de Kilimanjaro ". Tous les titres sont en français sur cet album de Miles Davis. Médéric Collignon reprend ses prouesses vocales et Fabrice Moreau ses baguettes. Erreur de me part. En réécoutant la version de Miles Davis, il n'a pas mis de sourdine si mes sens ne me trompent pas.

" Joshua " (Victor Feldman). Extrait de l'album " Seven steps to heaven " (1963) de Miles Davis. Figure aussi sur l'album " So near, so far (musing for Miles) " (1992) de Joe Henderson. Toujours au Fender Rhodes alors que Miles l'a enregistré avec Victor Feldman lui même au piano. Bonne tension. La contrebasse en ajoute encore. Tout en souplesse et en relâchement. C'est du Miles Davis, sacrebleu! Médéric ne joue pas les grands classiques jusqu'ici. C'est un choix stylistique respectable. Médo scatte et tape des mains en réponse au clavier. Retour au piano avec un son plus heurté. Puis au Fender Rhodes avec un son plus velouté. Médéric chantonne superbement l'air de Joshua porté par la rythmique.

PAUSE

" Directions 2 ". Ce morceau ne fut jamais enregistré en studio mais figure dans tous les concerts du Lost Quintet de Miles Davis en 1969 & 1970. Avec cette pulsation si particulière en boucle du Fender Rhodes et de la contrebasse. Mes deux voisins de droite vivent leur premier concert de Jazz à plus de 40 ans. Ils ne sont pas déçus du voyage. La preuve, ils restent au 2e set. L'un d'eux fut un étudiant de mon père, Michel Lagrée, à l' université Rennes II, il y a plus de 20 ans Moment de partage inattendu. Bons roulements de tambour. Maintenant, c'est l'ombre de Jack de Johnette qui surgit du solo de batterie.

" All Blues " issu de " Kind of Blue " (1959), l'album le plus vendu de l'histoire du Jazz. A juste titre. Médéric a décidé de le jouer en mode mineur. Le détournement de majeur est légal, notamment en musique. Solo de contrebasse en pizzicato pour commencer. Rien à voir avec le thème mais bonne vibration. Mêmes les auditrices bavardes finissent par écouter. Le batteur arrive et le thème aussi. Yvan Robillard reste au Fender Rhodes alors que Bill Evans (compositeur du thème mais non crédité sur l'album. " Les artistes médiocres copient. Les grands artistes volent ". Pablo Picasso. Miles Davis était un grand artiste) le jouait au piano. Joué en mode mineur et au Fender Rhodes et au cornet à pistons, ça change vraiment le thème mais cela reste beau.

" Eighty One " un thème de Miles Davis & Ron Carter. Tiré de l'album " " (Extra Sensorial Perceptions.1965) avec Frances Taylor en photographie sur la pochette de l'album. Celle de " Fran Dance ", joué au début du concert. Test pour savoir si vous suivez bien la chronique, lectrices Cool, lecteurs Jazz. Si vous n'avez pas suivi, reprenez la chronique au début. Solo de contrebasse bien puissant pour commencer. Normal pour un thème cosigné par Ron Carter. Fender Rhodes alors qu'Herbie Hancock l'a enregistré au piano sur l'album de Miles Davis. Ca marche. La demoiselle devant moi hoche sa tête blonde en mesure. Le son du cornet, dans l'aigu, vrille et transperce. Le jeu se calme et le groove se maintient. Hachures de basse et de batterie.

" C ircle " tiré de l'album " Miles Smiles " (1967) où Miles Davis sourit sur la pochette. Médéric le renomme " New Circle " avec un arrangement personnel de ce Blues flottant. Duo piano cornet pour un morceau située à la fin de la période acoustique de Miles Davis (1945-1967). Médéric pose la ligne de basse avec sa voix pui passe au cornet. Dialogue entre un piano qui reste calme et une voix plutôt agitée. Médéric nous fait le solo de contrebasse avec la voix.

" Petits machins " (Miles Davis & Gil Evans). Tiré de l'album " Filles de Kilimanjaro " (1968) à nouveau. Retour au Fender Rhodes. Médéric chantonne l'air puis le quartet le joue. Haché, nerveux comme il faut. Ca attaque bien que Médéric le joue ou le chante.

Minuit est passé. Certains spectateurs sont déjà partis craignant que leur carrosse ne se transforme en citrouille. C'est l'heure du boeuf ( jam session in english) du samedi soir au Sunset-Sunside. Musiciens et spectateurs doivent céder leur place aux nouveaux arrivants. Chacun dans son rôle respectif. Pas de rappel. Cette relecture de l'oeuvre de Miles Davis de 1959 à 1969 par Médéric Collignon et ses hommes est donc finie.

Dans la vidéo ci-dessous, accompagné d'autres musiciens, en 2010, aux Victoires du Jazz, Médéric Collignon joue et chante " Mademoiselle Mabry " dédié à Betty Mabry (1945), mannequin, chanteuse et 2e épouse de Miles Davis après la danseuse Frances Taylor, celle de " Fran Dance " mentionnée au début de la chronique, lectrices Cool, lecteurs Jazz ( " Ma femme est trop jeune et trop sauvage pour moi " déclara Miles Davis au juge lorsqu'il divorça au bout de 2 ans de mariage avec Betty Mabry), celle qui lui fit changer de vêtements et de musique le faisant passer des costumes italiens aux vêtements hippies et du jazz modal au blues cosmique de Jimi Hendrix. " Mademoiselle Mabry " est aussi extrait de l'album " Filles de Kilimanjaro " (1968). C'est elle dont le visage orne la pochette de l'album. Rien à ajouter.

Les photographies de Médéric Collignon & Stéphane Kerecki sont l'oeuvre de l'Irréductible Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de ces oeuvres sans l'autorisation de leur auteur constituent une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales .