Avant chaque génocide, quelqu'un met le feu aux poudres et en accuse l'ennemi.
Difficile de Tenir sur les talus, quand on voyage au bord de tels abîmes...
C'est pourtant ce à quoi s'efforce Pascal Rebetez. En préambule, il raconte ce qui est comme un génocide: la crémation de guêpes qui ont squatté un trou de gazon au milieu du jardin. Il y avait danger. Son frère s'était fait piquer en y marchant pieds nus et les petites-filles de celui-ci venaient y jouer: Il fallait donc agir, sans haine, mais avec conviction.
Les génocides, il connaît. Il s'est ainsi rendu au Rwanda où il a visité le mémorial de Kibuye. Dans ce musée de l'horreur, ce qui le frappe le plus, c'est l'empilage des habits des victimes. Aussi ne se fait-il pas d'illusions sur la nature humaine, ni d'ailleurs sur lui-même. Du temps des luttes séparatistes, en 1975, à Moutier, dans le Jura, il se souvient:
Il eut suffi d'une étincelle pour que ce soit l'enfer. Oui, j'aurais pu tuer ce soir-là.
Mais il ne l'a pas fait...
Aujourd'hui les Rwandais vivent ensemble comme un vieux couple, par commodité davantage que par désir. À la bibliothèque de Kigali la responsable du domaine francophone lui a dit: Personne ne peut faire notre bonheur à notre place. Il faut s'en occuper soi-même. Il faut aimer et faire le bien autour de soi. Conseils qu'il appliquera autant que possible.
Maxime et lui voyagent dans les Balkans et se retrouvent sur les hauteurs de Dubrovnik où, en 1994, plus de la moitié des habitations ont été pilonnées. À l'issue de leur périple, au cours duquel ils ont été plusieurs fois refoulés de Bosnie, ils ne peuvent assister aux commémorations des vingt-cinq ans du massacre de Srebenica, une année après le Rwanda.
Il faut croire que, là où il va, il est poursuivi par la déraison humaine puisque son lieu de villégiature, dans l'est crétois, a été le théâtre d'un génocide mineur, mais génocide quand même en février 1897. Des bandes armées chrétiennes s'y sont rués sur des villages mixtes, chrétiens et musulmans, ou musulmans, et y ont massacré tout le monde, de sang-froid:
Il n'y a pas de réponse à la barbarie humaine, il y a des interrogations.
Dès l'enfance, la stratégie d'évitement de l'auteur fut de lire jusqu'à l'aveuglement, jour et nuit, nuit et jour. Ses heures furent plus nombreuses sur la page que dans la rue: Des wagons d'histoires pour faire avancer [son] train. Aujourd'hui, Nouchka et lui ont un peu de temps désormais afin de créer [leur] propre et dernière histoire, sans bourreaux ni victimes...
Francis Richard
Tenir sur les talus, Pascal Rebetez, 80 pages, Éditions de l'Aire
Livre précédent aux éditions d'autre part:
Poids lourd (2017)