elle va se rompre. Mais je remarque aussi
inévitablement : l’heure n’est pas venue
encore de se hâter, on peut prendre son temps.
Avant j’avais peur, j’allais vite :
aujourd’hui je suis, serai-je à nouveau ?
Je condamnais ma bougie à mort
au nom du sens vain de la nuit.
Je me sentais plus intelligente
que personne. La neige s’égrenait.
De cette époque me reste une bosse
sur le médius perclus de labeur.
Je lis ce qu’il a su extraire
avec ennui et sans compassion,
et je pardonne : on aime la jeunesse
et j’étais jeune alors.
Je suis revenue de cette vie hâtive.
Dans mon âme affluent des vérités simples.
Le moyen de conscience est déjà choisi
et ne dépend plus de mon bon vouloir.
Et l’an viendra, et cet instant viendra tout seul :
sens inopiné, tendresse, sommet de l’âme…
Il ne manque qu’un rien dérisoire.
Tout le reste déjà s’est accompli.
***
Bella Akhmadoulina (1937-2010) – Histoire de pluie et autres poèmes (Buchet-Chastel, 2009) – Traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs.