" Ma foi, sur l'avenir bien fou qui se fiera :
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. "
(Racine, 1668).
La politique du passe sanitaire du gouvernement a été un grand succès (j'y reviendrai). Grâce à elle, les Français ont pu franchir la quatrième vague épidémique sans confinement et sans fermeture de certains commerces ou activités collectives. À partir du 30 septembre 2021, les jeunes de 12 à 18 ans devront également montrer un passe sanitaire valide. Mais cette contrainte, qui est réelle, ne remet pas en cause nos libertés : au contraire, elle les consolide en évitant les confinements.
Cette contrainte est devenue une "habitude" de quotidienneté, pas plus intrusive pour la vie privée, et même plutôt moins, que présenter son Pass Navigo ou une carte bancaire ou utiliser son GPS dans sa voiture ou encore surfer sur facebook ou même ailleurs en indiquant qu'on "aime". Il faut rappeler que ceux qui contrôlent les passe sanitaires, c'est-à-dire potentiellement tout le monde (il suffit d'être bénévole dans une activité associative), n'ont pas accès aux données médicales du porteur de passe sanitaire et peuvent encore moins les transférer et les stocker.
Du reste, la contrainte devient très faible pour la population qui est déjà vaccinée à 50,3 millions de personnes, soit 75% de la population générale, mais surtout, plus de 88% des Français qui ont plus de 18 ans. Cela signifie qu'il n'y a que 6 millions d'adultes qui ne sont pas encore vaccinés.
La loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et le décret n°2021-1059 du 7 août 2021 ont prolongé la possibilité d'état d'urgence sanitaire et d'obligation du passe sanitaire jusqu'au 15 novembre 2021 (à l'origine, le gouvernement voulait aller jusqu'au 31 décembre 2021).
La situation épidémique actuelle est plutôt rassurante (5 400 nouveaux cas quotidiens en moyenne sur les sept derniers jours, soit en baisse de 20% par rapport à la semaine précédente), à la baisse même si cette baisse a une pente très faible avec une dérivée seconde qui remonte très légèrement (le R0), d'où le risque d'un plateau (à un niveau nettement inférieur à celui de janvier à mars 2021). La situation s'améliore au point que certains imaginaient la semaine dernière de lever l'obligation du passe sanitaire dans les départements où le taux d'incidence serait faible.
Mais une telle mesure de territorialisation ne paraît pas pertinente. La territorialisation se conçoit plutôt en cas de hausse épidémique, surtout pas en cas de baisse épidémique. Pourquoi ? Parce que la différentiation par département ne serait valable que s'il n'y avait aucun échange humain entre les départements. Dès lors que certains, pour de nombreuses raisons, doivent franchir une frontière départementale, faire des règles différentes entre deux départements n'a pas de sens car dans ce cas, un département "sain" (sur le plan épidémique) reviendrait alors rapidement à l'état épidémique du département le plus "infecté". La levée des contraintes sanitaires ne peut se concevoir que sur l'ensemble du territoire, du moins physique (métropole vs îles d'Outremer). Cela explique pourquoi aucune restriction sanitaire n'a été à ce jour levée, et c'est une chance d'être aussi raisonnable, car lorsqu'on voit la situation en Grande-Bretagne ou en Israël, on se rend bien compte que la vaccination seule n'est pas suffisante pour éviter la circulation du virus.
L'étape essentielle reste donc que le reste du monde soit aussi bien vacciné que les pays en pointe dans la vaccination, puisqu'on a vu dès janvier 2020 qu'il n'y avait aucune "étanchéité humaine" au virus. La France renforce son aide aux pays pauvres, mais elle n'est pas du tout suffisante. Il faut absolument renforcer ces aides et rapidement. C'est autant de l'intérêt de ceux qui sont aidés que de ceux qui aident.
Cependant, ce virus a créé bien des surprises depuis près de deux ans. En particulier le variant alpha qui a surpris l'hiver dernier, et le variant delta qui a surpris cet été. Tant que la couverture vaccinale est faible dans de nombreux pays, il y a un risque non négligeable de nouvelles surprises, de nouveaux variants, avec ces comportements indéterminés sur une population massivement vaccinée.
C'est ce risque, plus le risque saisonnier (c'était patent en 2020-2021), sur lesquels le gouvernement veut se focaliser dès maintenant. C'est la raison de l'annonce par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, à l'issue du conseil des ministres de ce mercredi 29 septembre 2021 : un nouveau projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 13 octobre 2021 pour permettre l'éventualité de l'état d'urgence ou du passe sanitaire jusqu'au 31 juillet 2022.
Pourquoi une période aussi longue ? Ce qui a été décidé le 12 juillet 2021 n'était pas "évident", à savoir, personne ne pouvait savoir avec certitude que cette politique allait être couronnée de succès (ce qui fait d'ailleurs les bons sondages actuels du Président Emmanuel Macron). Or, le risque politico-sanitaire, je place les deux considérations, c'est qu'il y ait une cinquième vague en plein hiver, c'est-à-dire en pleine campagne présidentielle. Le gouvernement doit donc avoir préparé cette éventualité pour ne pas polluer les débats de la campagne présidentielle par des débats d'ordre sanitaire qui n'ont d'ailleurs plus lieu d'être.
C'est pourquoi le gouvernement veut initier ce débat dès octobre 2021 et pas, par exemple en février 2022, d'autant plus que la session parlementaire ordinaire va être écourtée, se clore dès février pour laisser la pleine place à la campagne électorale (c'est-à-dire que le Parlement ne pourra plus légiférer). Si une nouvelle vague épidémique survenait pendant cette période, il faudrait bien quand même prendre ses responsabilités pour lutter contre celle-ci. La période entre février et juin 2022 n'a pas de Parlement en état de légiférer, et un bon gouvernement, c'est de savoir prévoir toutes les éventualités.
Cela ne préjuge pas de la durée réelle du passe sanitaire : si, comme je l'espère, la situation épidémique continue comme actuellement, il est possible qu'on n'ait plus besoin de restrictions sanitaires à brève échéance, mais dans tous les cas, il faut que le gouvernement, quel qu'il soit, et en particulier celui qui sera issu de l'élection présidentielle, avant les élections législatives, puisse agir le cas échéant. Et en dehors de toute pression électoraliste.
D'un point de vue politique, ce sera d'ailleurs intéressant à avoir le retour des parlementaires qui s'étaient opposés au passe sanitaire cet été et à voir si leurs prédictions apocalyptiques ont eu lieu. Cette nouvelle loi de prolongation, c'est un peu comme le budget militaire : si tu veux la paix, prépare la guerre. Quant à nos libertés, qui franchement peut dire qu'il n'a plus de liberté de s'exprimer ou de râler ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Prolonger la possibilité du passe sanitaire jusqu'en été 2022 ?
50 millions de vaccinés contre le covid-19 en France !
Vaccination : des soignants face à leurs responsabilités.
Vers un passe vaccinal ?
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 8 septembre 2021 (texte intégral).
Covid-19 : comprendre la situation épidémique en Israël.
Covid-19 : est-il pertinent de faire payer les tests de dépistage ?
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La vaccination contre le covid-19, ça marche !
Rapport de la DREES du 6 août 2021 (à télécharger).
Covid-19 : les Engagés et les Enragés.
Le passe sanitaire validé par le Conseil Constitutionnel.
Décision n°2021-824 DC du 5 août 2021 du Conseil Constitutionnel sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire (texte intégral).
Couverture vaccinale : la France dépasse les États-Unis et l'Allemagne.
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4e vague : passe sanitaire ou reconfinement ?
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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210929-covid-em-passe-sanitaire.html
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