Pour vous résumer ma rentrée : ascenseur émotionnel au plus bas, prise de recul, agression dans le métro, incompréhensions, interrogations, satisfaction professionnelle, écrire.
Pour vous résumer mes vacances : rencontres, familiarité, dépaysement, vulnérabilité, surprenantes, une intention.
Entre les deux, il y a eu comme un subit claquement de doigts avec le passage d’un état reposé et serein d’après vacances à des moments intérieurs terrifiants de rentrée.
Je n’arrive pas à comprendre et je ne sais même pas si je dois donner un sens à tout ça.
Une rentrée terrifiante, parce j’ai été agressée dans le métro.
C’était le premier lundi de septembre, sur la ligne 7 que j’empruntais quotidiennement pour travailler. Il est 8h30. Un homme, très grand, rentre et commence à faire la manche. Je suis assise sur les strapontins. Arrivé à ma hauteur, il s’assoit par terre et touche mon pied gauche ainsi que celui de la dame assise à côté de moi. Toutes les deux, nous retirons le pied, il insiste et remet ses mains sur nos pieds. Nous refusons de lui donner de l’argent. Il se relève et s’éloigne. De près, il m’a semblé être dans un état de manque.
Il va au bout de la rame et revient subitement à notre niveau. Il me parle de manière très véhémente, j’ai encore mon casque sur les oreilles, je m’apprête à le retirer, mais il se met à hurler dans ma direction en tendant la main de manière beaucoup plus menaçante cette fois. J’ai senti, qu’un truc n’allait pas, que la situation partait en couille. Je lui dis non une nouvelle fois, il recommence à hurler (j’ai saisi le mot salope) et il me crache dessus.
Il y a huit sièges strapontins et ils sont tous occupés. Les gens ont fait ooh ! et je revois l’expression choquée des deux personnes en face. Quelques jours après, j’ai entendu ce ooh surpris d’une foule réagissant à un truc impromptu, mais drôle sur une vidéo instagram. J’ai été angoissée pendant plusieurs minutes, ce son m’a rappelé la scène du métro.
Hyper choquée, j’ai crié dans sa direction. Il continuait à hurler et s’est approché de moi. J’ai voulu me lever pour sortir du métro tout en me disant que s’il avait le temps d’arriver jusqu’à moi, j’allais devoir me défendre. C’est fou ce qui nous traverse l’esprit en quelques secondes. Mais la femme assise à côté de moi m’a retenu sur mon siège, je m’interroge encore sur son geste, est ce qu’elle l’a fait pour me protéger et m’empêcher d’aller dans la direction de cet homme ou est ce qu’elle m’a empêché de me lever car elle avait peur pour elle.
Ensuite et là c’était très clair, une jeune femme blonde s’est interposée et lui a crié dessus. Les portes du métro sonnaient et je me suis dit pourvu qu’il descende, putain, pourvu qu’il se barre. Il est parti en gueulant et est descendu à la station, Stalingrad.
J’ai sorti mon gel hydro-alcoolique de mon sac. Je me souviens que la jeune femme s’étant interposée m’a demandé : comment allez-vous, comment vous vous sentez ?
J’ai répondu que je me sentais comme quelqu’un qui venait de se faire cracher dessus un lundi matin, mais que je la remerciais vraiment, vraiment de s’être interposée et de me poser cette question. Parce que personne d’autre n’avait bougé ou ne m’avait posé la question de connaître mon état.
Je me souviens avoir frotté frénétiquement tous les endroits qui avaient été « touchés ». Mon t-shirt, la bride de mon sac, mon casque du côté gauche. J’ai frotté longtemps, longtemps. Je me disais : pourquoi, pourquoi moi putain. J’étais en rage contre ce type et contre les gens qui me regardaient avec pitié ou détournaient le regard parce qu’ils n’arrivaient pas à soutenir mon regard furieux et fébrile, eux qui avaient assisté à la scène. Puis j’ai pris mon portable en tremblant et j’ai envoyé un message : putain, un mec vient de me cracher dessus dans le métro.
J’ai hésité à rentrer chez moi. J’ai décidé d’aller au travail, retrouver mes collègues, qui je le savais allaient se montrer pleines de bienveillance et de compassion.
J’ai envoyé un message à l’appli 3117 (appli ratp, sncf permettant de signaler tout incident sur un trajet). J’ai eu une grimace crispée quand en cherchant sur l’appli, la catégorie de l’incident j’ai vu écrit : mendicité agressive, ça m’a perturbé de voir que c’était une catégorie (ça voulait dire que c’était une récurrence). J’ai été en contact avec une personne auprès de qui j’ai décrit l’homme, la situation, l’heure, la station. Ils ont indiqué envoyer une équipe mobile.
J’ai porté plainte ensuite.
J’ai parlé longuement à mon thérapeute dans la journée.
Depuis je vivote, intérieurement, parfois je me dis courage, ça va aller, à d’autres moments je me repasse le film de ces dernières années, le fait que j’ai déjà été agressée gravement plusieurs fois et que je m’interroge sur ma capacité à pouvoir surmonter tout ça. Je me demande à quel moment les forces vives qui nous habitent nous lâchent et nous laissent dans un état de déprime intense et absolu.
J’ai vu le monde pendant plusieurs jours dans une sorte de persistance rétinienne faite d’anxiété et de moments de terreur panique. Tout était menaçant. Tout le monde. Tout le temps. Le Monde Était Menaçant. En hypervigilance quasi constante. Stress Post traumatique. Je connais bien.
J’ai essayé de reprendre la 7. J’ai réussi à faire de micros-trajets. Mais j’ai croisé beaucoup trop de personnes au comportement erratique, manifestement sous emprise de drogue. Ce mercredi, à ma station de métro, j’ai repéré tout de suite une personne qui brûlait du crack sur le quai et qui l’a sillonné en long en large et en travers. Et au retour, j’ai vu un homme à Gare de l’Est, sur le quai qui demandait agressivement de l’argent aux personnes. Quand je l’ai vu commencé à menacer physiquement des gens qui sont partis précipitamment, j’ai changé d’itinéraire. Je me suis faite une promesse, je me suis dit : si tu ne le sens pas, tu bouges. J’ai choisi une autre route en termes de transport ces derniers temps, je ne peux plus cette ligne. Je ne peux plus.
Moi qui n’arrêtais pas de dire à des amies cet été que Paris était devenue Gotham city, je mesure combien cette « boutade » montrait déjà mon inquiétude face à ce que j’ai pu voir dans le métro et les récits de certaines personnes lus sur les réseaux ou de mes ami.e.s.
Ce qui est à la fois terrible, mais c’est ce qui m’aide aussi c’est que je sais ce qui se passe en moi. Il y a bien sur de l’inconnu, c’est avec le temps que je m’apercevrais de certaines choses, de changements en moi. Que je verrai des différences. Des zones d’inconnues que je ne peux percevoir pour le moment. Mais pour le reste, je suis consciente et lucide de ce que je traverse, des pensées, des émotions qui débarquent. J’ai déjà vécu des moments similaires, cet « après » habité de désespoirs, de pleurs, d’incompréhension, de COLERE, de RAGE, de HAINE accolés à un champ des possibles, une confiance, une bienveillance, une vulnérabilité bienfaitrice et du courage. Concrètement, tous les jours, je sais que j’avance et que le temps fera son œuvre. J’ai repris des séances EMDR, j’ai parlé de l’incident autour de moi sans chercher à le minimiser ou en faisant semblant que non ça va je gère. Je prends mes émotions et sentiments pour ce qu’ils sont au jour le jour. Un pas après l’autre.
Et mes vacances me direz-vous ? Eh bien elles ont été sacrément bonnes ces vacances. La bonne énergie de ces moments m’a permis d’affronter cette rentrée. J’ai bougé, à Aix les Bains, en Ardèche et dans la Drôme. J’ai passé du temps avec mes ami.e.s. J’ai aimé être dans l’eau, cela n’a pas toujours été le cas. J’ai fait du paddle sur un lac (où je ne voyais pas le fond), je me suis jetée quasi sans réfléchir dans une eau froide, très froide et j’ai nagé sans trop penser au fond en fait (un voisin de mes ami.e.s a dit que le fond pouvait être de plusieurs mètres par endroits) et j’ai rejoint une rive avec un peu d’appréhension, mais sans trop paniquer, en m’encourageant moi-même. J’ai plongé dans une piscine et j’ai fait des concours de saut dans une bouée, j’ai chialé de rire de m’être loupée ou de voir les autres tombés à côté ou rebondir sur la bouée pour ensuite se scratcher. Pour certains aguerris de l’eau, ça vous fera rire, ou lever un sourcil, mais pour moi, ces choses simples qui ne l’étaient pas forcément avant ,#anciennesphobiesdespiscinesetautreslieuxaquatiques, ça m’a fait plaisir. J’ai fait un stage créatif et thérapeutique aussi. On était 16 personnes avec deux thérapeutes, je ne connaissais personne (hormis mon thérapeute) et ça a duré une semaine. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant, enfin non en vrai quand on me l’a proposé, j’ai opposé un non catégorique en mode ah ah, mais et puis quoi encore je n’ai pas besoin de ça. En vrai, je faisais style que…mais j’étais surtout en panique de partir dans ce cadre artistique et thérapeutique avec des inconnus. Qu’allaient-ils penser de moi ? Est ce que j’allais être rejetée . ET finalement, j’ai eu l’intuition que cela pouvait être hyper intéressant. Mon intuition ne m’a pas trompé et ça a été une expérience complètement dingue, remuante, bouleversante, sensible et belle. J’ai touché encore plus du doigt mon intériorité et être en relation avec ces personnes pendant une semaine m’a amené sur des chemins de réflexions inédits et de transformation dans mon lien avec les autres.
Ça a secoué, aussi, mes élans créatifs et mon énergie artistique.
Sur ce plan là, je continue mon bonhomme de chemin, cela me semble lent, pas suffisamment rapide. Et en même temps, je trouve qu’il faut du temps pour murir les choses. Du moment qu’il y a du mouvement, que j’avance
Un pas après l’autre.
Ça ira bien.
éé