A l'hôpital central de Yaoundé et au Centre hospitalier universitaire de Yaoundé, les poches de sang sont disponibles en quantité insuffisante.
Les responsables font face au manque de donneurs et parfois de moyens financiers. L'état des lieux au plan national fait apparaître un besoin de 400.000 sachets, les capacités actuelles ne permettent de couvrir que près de 100.000 sachets ; soit un déficit de 300.000 sachets.
Ce jeudi 23 septembre 2021, il y a rupture de stock de produits sanguins (poches de sang, plasma et concentrés plaquettaires) à la banque de sang de l'hôpital central de Yaoundé. A notre arrivée aux environs de 8h 30 min, les bancs de la salle d'attente souvent pleins à craquer sont vides. Les va et vient se multiplient, par petits groupes, des personnes arrivent. Certaines accompagnées des infirmières, avec des glacières, pour d'autres, des petits seaux, facture et bon de sang en main se rendent au service de distribution. Elles repartent aussitôt avec la mine serrée, parce qu'une fois là-bas, elles sont informées de la rupture.
Les provisions faites sont également arrivées en rupture. " Nous faisons des provisions, mais vous savez qu'il y a des moments où il y a plus de besoins. Nous sommes par exemple en période de rentrée scolaire, il y a eu des accidents de circulation etc... Il y a eu plus de demandes et notre stock de réserve est épuisé ", laisse entendre le responsable de cette banque de sang, le Dr Françoise Ngo Sack.
Nous étant rapprochés du personnel de santé en poste au service de distributions, nous sommes informés que la trentaine de poches de sang encore présente dans le réfrigérateur médical est réservée. " Les personnes qui vont subir des opérations les réservent en amont. C'est le cas des six personnes qui ont récupéré des poches de sang ce matin. Elles les avaient déjà payées ".
Donneurs et moyens financiers
Le responsable de cette banque de sang, le Dr Françoise Ngo Sack explique les raisons pour lesquelles les produits sanguins manquent. Selon elle, de prime à bord, les raisons sont essentiellement financières : " Une banque de sang ne produit pas de l'argent. Pour produire une poche de sang, l'hôpital dépense plus de 50 000 F cfa, parce qu'il faut par exemple acheter des réactifs pour faires des tests et la poche de sang revient à 18 000 F cfa aux patients. Sur cette base, vous pouvez comprendre qu'il y a un déficit et il doit être comblé ".
En dehors des moyens financiers limités, le manque de donneurs de sang volontaires, reste le plus gros souci aujourd'hui. " Nous sommes donc obligés de dire aux patients et leurs proches que s'ils veulent une poche de sang, ils devraient amener deux personnes, en espérant qu'elles soient disposées à donner du sang. Parce que le plus souvent, l'on peut avoir parmi ces deux donneurs, un qui n'est pas éligible au don de sang ; dans certaines circonstances, les deux donneurs peuvent ne pas être éligibles ".
Le problème de manque de donneurs volontaires est vraiment crucial. Comme le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, le rappelait le 14 juin dernier, lors de la journée mondiale de la transfusion sanguine, plus de 90% du don de sang actuel provient des familles ou des remplacements, et à peine 10% provient des personnes volontaires et bénévoles. Cela est palpable sur le terrain. Nous avons fait un tour dans la salle de prélèvement, les six chaises sont vides. Il y a quelques deux donneurs assis sur les chaises. Ce jour, les seuls candidats au don de sang et donneurs sont ceux des familles, nous confirme une infirmière.
Un business
Parmi ces donneurs, certains sont des proches des familles, tandis que d'autres sont payés. L'on n'a pas de statistiques de ces personnes qui se font payer, mais nous avons rencontré des proches de patients ayant monnayé pour avoir des donneurs. Simone raconte. " Pour mon grand-père, nous avons lancé des alertes et un voisin s'est proposé de ramener d'autres personnes du quartier. 3 000 Fcfa, c'est la somme qui a été remise à chacun avec frais de transport pour venir nous aider ". L'autre histoire, nous l'avons vécue à l'hôpital central de Yaoundé. Un parent à la recherche de trois poches de concentré plaquettaire depuis trois jours raconte : " Je sors de la banque de sang de l'hôpital central. Il n'y a pas de concentré plaquettaire. J'étais même au Centre hospitalier de recherche et d'application en chirurgie endoscopique et de reproduction humaine (Chracerh) à Ngousso, je n'ai rien trouvé. Et l'état de santé de ma fille est grave, elle souffre d'un cancer. Ces plaquettes sont attendues ", dit-il, les yeux rougis par l'anxiété. Il regarde, l'air perdu et commence à passer des coups de fil. 45 minutes après, il nous revient. " Ma soeur, j'ai trouvé une solution, puisqu'avec des donneurs sous la main, je peux facilement obtenir le concentré plaquettaire au Chracerh. J'ai appelé un frère et il m'a proposé de m'aider en cherchant des donneurs pour moi et je leur donnerai 7000 Fcfa, chacun ".
Au centre hospitalier et universitaire de Yaoundé (Chu), où nous nous sommes rendus par la suite, il y a dans le réfrigérateur médical une vingtaine de poches de sang prêtes pour les patients. Il est 15h. Depuis la matinée, les infirmiers ont déjà sorti une dizaine de poches. Infirmiers et techniciens de laboratoire se tuent à la tâche. Une autre cinquantaine de poches est disposée, attendant les tests. Une douzaine de personnes ont donné du sang. La moitié de ces donneurs provient des familles. A en croire le Pr. Claude Tayou Tagny, le vrai problème de la transfusion sanguine est le manque de donneurs. Pour le ministre de la Santé publique, les populations doivent faire preuve d'empathie, d'altruisme et de compassion, car donner du sang revient à sauver une vie.