" La difficulté n'est pas de monter, mais en montant de rester soi. " (Jules Michelet, 1846).
Qui va être le candidat soutenu par Les Républicains à l'élection présidentielle de 2022 ? La question se pose de plus en plus pour ce parti qui fut l'un des premiers et grands courants gouvernementaux pendant soixante ans. Comme j'expliquais il y a quatre mois, ce parti qui a si souvent adoré "plumer la volaille centriste" s'est retrouvé en 2017 dans la position ...des centristes plumés, dont l'électorat est écartelé entre Emmanuel Macron d'un côté et Marine Le Pen de l'autre.
Puisque aucune personnalité ne s'impose dans ce parti, et même pire, les rares qui pouvaient s'imposer, comme François Baroin, se sont bien gardés de concourir. Les Républicains sont devenus un champ de ruines, et comme la plupart des ruines, il y a encore de nombreux trésors, quelques pépites. Comme le PS, LR est très implanté localement, mais au niveau national, ils ont encore tout à prouver qu'ils peuvent revenir au pouvoir après dix ans d'opposition.
À la fin de l'été 2021, la situation était catastrophique : certaines personnalités se sont présentées mais les deux principales ne sont plus membres de LR qu'elles ont quitté en 2017. Et celui des deux qui aurait le plus de potentiel électoral (ce qui reste à démontrer) refuse obstinément de se faire désigner dans un processus équivalent à une primaire : Xavier Bertrand est candidat au-delà des partis et ne veut aucune désignation intermédiaire (en revanche, il aura quand même besoin des militants et surtout, du trésor de guerre de LR).
De son côté, l'autre personnalité solide, Valérie Pécresse, joue à fond le collectif et accepte de se prêter au jeu de la désignation. Mais après l'abandon de Laurent Wauquiez, l'enjeu a perdu de son importance car elle n'aura en face d'elle que des candidats de moindre importance, voire inconnus du grand public, comme Philippe Juvin, Éric Ciotti et aussi, Michel Barnier qui a la particularité d'être probablement le candidat le plus expérimenté politiquement (au niveau local comme au niveau national voire international) mais aussi d'avoir une très faible notoriété (et un charisme pas évident).
Ce qui est clair, c'est que les thématiques abordées par les candidats LR ne leur sont pas très favorables. Soit ils parlent d'économie et ils justifient la politique du Président Emmanuel Macron, soit ils parlent d'immigration, et ils consolident les idées non seulement de Marine Le Pen mais aussi d'une sorte de créature politique non identifiable, Éric Zemmour. Leurs propos démagogiques sont même affligeants : Michel Barnier qui veut arrêter toute immigration, Valérie Pécresse qui propose d'inscrire dans la Constitution des quotas migratoires (sur LCI le 29 septembre 2021, le lendemain de la conférence de presse de Marine Le Pen qui proposait un référendum sur l'immigration), Xavier Bertrand n'est pas en reste... bref, cette course à la surenchère fait que LR, ce parti prétendument originaire de l'UDF et du RPR, n'est plus qu'un commando de plagiaires qui ne sécrète plus aucune idée novatrice.
Pas de candidat "naturel", donc problème de méthode pour désigner un candidat qui puisse rassembler... au moins sa famille politique. Le choix devait se faire entre une primaire ouverte (de type 2016) et une désignation classique (dans l'ancien monde) par les adhérents au cours d'un congrès. Le problème de la primaire ouverte, c'était que Xavier Bertrand refusait de s'y soumettre et que se passerait-il si Xavier Bertrand, le mieux placé dans les sondages, se retrouvait avec le candidat désigné par une primaire ouverte et auréolé par cette consécration ? Forcément une humiliation, celle de l'un des deux candidats conduits à renoncer, ou pire, un suicide collectif, dans le cas où aucun ne renoncerait.
Le 25 septembre 2021, les adhérents du parti LR ont approuvé par 58% la méthode de désigner leur candidat au sein d'un congrès, par eux-mêmes. Qui s'en étonnera ? Des membres d'une instance doivent dire si leur champion doit être désigné par eux-mêmes ou par les autres ? La réponse était évidente. Cela peut résoudre le problème insurmontable de Xavier Bertrand : il pourrait être choisi par eux sans vraiment se présenter à eux. C'est un rétropédalage en douceur, dans la moiteur ouatée des arrière-boutiques du parti, comme dans l'ancien temps, en espérant que ce ne s'ébruitera pas trop fort.
Et soudain, l'intérêt de la primaire EELV de 2021 revient en flèche. Pourquoi ? J'avais relativisé l'intérêt démocratique de cette primaire car seulement 122 000 s'y étaient inscrites, ce qui est peu pour choisir celui qui voudrait diriger un pays de 67 millions d'habitants. Et la comparaison était la primaire LR de 2016 à laquelle plus de 4 millions de personnes ont participé, loin des 122 000. Mais si LR s'en remet à son congrès, le candidat désigné par LR risque d'avoir obtenu moins de voix que celui désigné par EELV (les 52 000 voix de Yannick Jadot). En effet, atteindre déjà 100 000 votants pour cette élection au congrès sera un exploit même si ce parti avait pu atteindre jusqu'à 300 000 adhérents revendiqués dans la période faste de Nicolas Sarkozy. L'enjeu sera donc là : inciter les anciens adhérents de LR à reprendre leur carte pour faire du nombre. Mais ils sont peut-être déjà partis dans d'autres cieux.
La méthode des écologistes aurait pu servir de modèle à LR : ne pas proposer d'adhérer au parti, mais de s'inscrire spécifiquement pour participer à une primaire semi-ouverte, avec l'approbation d'une charte qui ne mangerait pas de pain. L'intérêt y aurait été grand, car dans le choix de LR d'en faire une affaire interne, les centristes et autres alliés sont définitivement exclus de la procédure, et certains n'hésitent pas à dire qu'il existe déjà un autre candidat, Emmanuel Macron ! Effectivement, un élu centriste, sous couvert d'anonymat, enrageait auprès de LCI : " Gérard Larcher était un peu grognon. Mais puisque LR se replie en congrès, ça nous donne la liberté de choisir notre candidat. Y compris Emmanuel Macron oui ! Il y a des gens chez nous qui ne sont pas complètement étrangers à cette idée ! ".
Concrètement, LR a défini le 28 septembre 2021 son calendrier interne. Le 13 octobre 2021 seront examinées les candidatures qui devront recueillir leurs parrainages avant le 2 novembre 2021. Les nouvelles adhésions seront ouvertes jusqu'au 16 novembre 2021. Les différents candidats seront auditionnés au cours d'un conseil national le 20 novembre 2021. Enfin, le vote des adhérents LR réunis en congrès aura lieu le 4 décembre 2021.
Certains évoquent la date tardive du choix, encore deux mois, laissant ainsi le terrain libre aux autres candidats, mais les électeurs ne sont pas encore dans la campagne et ne pas partir trop tôt peut aussi être un avantage. En revanche, celui qui sera désigné aura intérêt ensuite à partir très rapidement et à présenter une proposition originale et importante qui fasse débat avant Noël.
Pour l'heure, les dirigeants de LR sont inquiets du dernier sondage Harris Interactive publié le 28 septembre 2021 pour "Challenges" : Éric Zemmour, Xavier Bertrand et Marine Le Pen feraient quasiment jeu égal. En effet, face à Emmanuel Macron qui resterait avec 23% d'intentions de vote, le polémiste grimperait jusqu'à 13%, faisant chuter Marine Le Pen à 16% et Xavier Bertrand stagnerait à 14% d'intentions de vote. En revanche, Jean-Luc Mélenchon ferait un bond à 13% tandis que Yannick Jadot (pas encore désigné candidat) et Anne Hidalgo pataugeraient encore dans les eaux troubles de la gauche respectivement à 6% et 7% d'intentions de vote. Un sondage qui pourrait n'être qu'un épiphénomène consécutif au débat Zemmour/Mélenchon sur BFM-TV le 23 septembre 2021 qu'avaient regardé 4 millions de téléspectateurs.
Plutôt qu'Emmanuel Macron, Éric Zemmour est prêt à faire imploser la droite modérée en France. Au moins idéologiquement. Jacques Chirac a de quoi se retourner dans sa tombe.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (7) : l'impossible candidature LR.
Les Républicains et la tentation populiste.
Le testament de Jacques Chirac.
Édouard Philippe.
Lucette Michaux-Chevry.
Michel Jobert.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210928-les-republicains.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/20/39065696.html