Candyman ressuscite sous la houlette de Jordan Peele en forme de suite spirituelle au film incontournable de Bernard Rose sorti en 1992. D'un spectre aux résonnances tristement contemporaines, le film de Nia DaCosta en tire un essai dont la beauté se trouve malheureusement étouffée par sa froideur.
Candyman est l'un des boogeyman les plus cultes et adorés du cinéma d'horreur. Adapté d'une nouvelle de Clive Barker, à qui l'on doit également Hellraiser, ce spectre au crochet perpétuellement entouré d'un essaim d'abeilles puise sa force maléfique dans un climat social teinté de racisme qui en font encore aujourd'hui un héros tristement contemporain. Directement attaché aux récentes violences policières, le retour de Candyman sous la houlette de Jordan Peele qui a fait de l'horreur sociale sa marque de fabrique dépassait donc sur le papier la suite opportuniste censée relancer une nouvelle franchise. Et si Nia DaCosta parvient à signer un objet à la mise en scène soignée, jamais cette nouvelle mouture n'atteint cependant l'impact émotionnel du film culte de Bernard Rose.
Le poids de l'héritage
Sur les terres du premier opus, dans un Carbini Green dont le ghetto a été rasé pour laisser place à un quartier qui s'est gentrifié, Anthony McCoy, un artiste en panne d'inspiration ( Yahya Abdul-Mateen II) va puiser dans le mythe de Candyman pour relancer sa carrière, entre opportunisme et égo, ce dernier va hélas s'apercevoir qu'il a réveillé tous les maux d'une société qui vont peu à peu le dépasser et toucher sa propre histoire. Ainsi, le scénario de Nia DaCosta et de Jordan Peele égratigne d'abord le milieu d'un art contemporain en manque de sensations fortes, reliant ainsi le destin d'Helen, protagoniste principal du film de Bernard Rose et de la nouvelle de Clive Barker, à celui d'Anthony McCoy, répétant ainsi la quête initiatique de deux êtres qui se trouvent plongés de plein fouet dans un climat d'horreur social qui les mènera peu à peu vers la folie.
Cependant, si le film de Bernard Rose instillait avec brio un climat d'horreur qui n'atteignait ses premiers éclats de sang qu'au bout d'un heure, mis en exergue par la bouleversante partition de Philip Glass, le film de Nia DaCosta sublime ici l'horreur, qui même si filmée à distance se trouve emprunte d'une beauté graphique aussi visuellement marquante que vaine. Cette impression d'objet d'art, aussi beau que dénué d'émotions, s'étend également aux personnages, dont l'opportunisme et la vision désabusée ne rend jamais leurs destinées aussi émouvantes et marquantes que le film de 1992, ici écrasés par un héritage dont ils ne pourront jamais se tirer.
Relecture manquée
Le film de Nia DaCosta tente ainsi maladroitement d'étendre la mythologie du film de Bernard Rose en offrant au personnage campé par Yahya Abdul-Mateen II une filiation, seul intérêt notable d'un personnage finalement sous-écrit. Là où cette nouvelle version de Candyman arrive à retranscrire ses belles intentions, c'est dans ses petites animations faites de marionnettes de papiers instillant ainsi la poésie macabre qui fait pleinement honneur au Candyman, que l'on pourra admirer lors d'un poignant générique final invitant les spectateurs à s'engager dans la lutte contre le racisme. Il est ainsi dommageable que l'impact soit plus fort au travers de ses petites animations que dans l'entièreté du long-métrage.
Raccordant ses belles intentions lors d'un final dont la résonnance actuelle sert enfin un film qui ne s'était jusque-là jamais extrait du lourd poids de son héritage, Candyman laisse ainsi l'impression d'une relecture manquée. L'intelligence d'une renaissance ne transparaît que trop tard, ne rattrapant hélas pas une relecture esthétiquement réussie mais trop froide pour toucher, à cause d'un récit en pilote automatique qui se trouve écrasé par sa trop imposante filiation. De belles intentions ne font malheureusement pas un bon film, et ce Candyman en demeure une fois de plus le parfait reflet.