Le directeur général du Laboratoire national vétérinaire donne la raison pour laquelle, les firmes pharmaceutiques s'intéressent de moins en moins à ce produit. Il pense qu'il peut être fabriqué au Cameroun.
Le nombre de victimes de morsures de serpents qui sollicitent les soins dans les formations sanitaires varie certes selon les saisons, mais depuis plus d'une décennie il y a une carence en antivénins. Quelles en sont les raisons ?
Les sérums antivenimeux que nous utilisons proviennent de l'Europe. Or, le Cameroun n'est pas le seul demandeur, d'autres pays en ont aussi besoin. Ce qui fait qu'il y a souvent des périodes de rupture. Ces produits ont des dates de péremption ; généralement, après un an voire deux ans, ils se périment en fonction du système de production. Quand nous commandons les produits en grande quantité et qu'à la fin, ils se périment, nous sommes obligés de les jeter. C'est du gaspillage. Alors que si nous avons une production locale, nous allons produire au fur et à mesure, en fonction du besoin. C'est-à-dire avoir juste un stock de sécurité et dès que ce stock diminue, l'on produit encore, et cela évitera les pertes. Produire localement nous éviterait trop de protocoles et de procédures comme à l'importation.
Selon des sources, les bailleurs de fonds et l'industrie du médicament s'intéressent moins à la production des antivénins. Pourquoi ?
Les bailleurs de fonds ou bien les industriels ne s'intéressent pas trop aux antivenimeux parce que leur production coûte cher et leur commercialisation est difficile. Aujourd'hui, la dose coûte 80 000, 100 000, 150 000 Fcfa. S'il faut produire et vendre une dose à 100 000 Fcfa, combien de personnes pourront avoir accès au sérum antivenimeux à ces prix ? Combien de victimes peuvent débourser 100 000 Fcfa pour un flacon ? La conséquence est qu'elles se réfèrent aux produits du village. Alors que si nous produisons par exemple ces produits au Cameroun avec une subvention de l'Etat, le pauvre citoyen pourra y avoir accès, parce qu'ils sont vendus à moindre coût. Pourquoi ne pas en produire et vendre par exemple le flacon à 1 000 Fcfa ?
Que faut-il pour fabriquer des antivénins et quelles sont les différentes étapes ?
Aujourd'hui, le Cameroun dispose de toutes les capacités et tous les plateaux techniques nécessaires pour produire les sérums antivenimeux. Le laboratoire national vétérinaire (Lanavet), vu son statut, peut produire les vaccins, les médicaments à usage humain et à usage animal, et même au-delà certains produits comme les biofertilisants. Le Lanavet a déjà produit le sérum antitétanique avec la collaboration de l'Onudi (Organisation des Nations unies pour le développement industriel). Si la production s'est arrêtée aujourd'hui, c'est parce qu'il n'y a plus de subvention. Je crois qu'il y a de la ressource humaine et matérielle pour produire des sérums antivenimeux made in Cameroon, pour usage dans toute la zone Afrique centrale. Avec la décision et la volonté du gouvernement, l'on peut commencer. Nous avons juste besoin d'un serpentorium (élevage des serpents venimeux), des chevaux et une chaine de production de vaccins avec répartition automatique, d'une lyophilisation, des capsules, de l'étiquetage et d'un laboratoire de contrôle qualité des produits.
Si ce médicament est disponible au Cameroun, quel sera son coût et comment procéderiez-vous pour sensibiliser les populations à l'utiliser au détriment de leur pierre noire ?
Si ce sérum antivenimeux est disponible, on va passer par la sensibilisation de la population. Le ministère de la Santé publique (Minsanté) a une très bonne structure au niveau du territoire national. Nous avons des hôpitaux au niveau des régions, des départements, des arrondissements, des villages et même des centres de santé. Le personnel du Minsanté est par exemple très dynamique sur le terrain. Ils vont souvent de porte en porte pour faire les vaccinations. Donc, ce n'est pas la sensibilisation sur le sérum antivenimeux qui sera difficile au Cameroun. Nous allons sensibiliser la population pour lui dire qu'en cas de morsure de serpent désormais rapprochez- vous du chef du centre de santé, des experts en santé humaine, des infirmiers, des médecins dans les hôpitaux ou les cliniques. Ce sera très facile. Dans les médias, un accent sera mis là-dessus pour interpeler la population pour leur dire que le sérum antivenimeux est disponible dans nos centres de santé et subventionné à moindre coût et à une somme accessible. Je crois que ce sera une équation très facile qui peut porter beaucoup de fruits. Malgré le fait que la pierre noire produise des résultats, le sérum antivenimeux demeure la meilleure solution spécifique.