Source : https://podtail.com/podcast/floraisons/l-ecofeminisme-de-francoise-d-eaubonne/
L'écoféminisme de Françoise d'Eaubonne
Fiche de lecture de Françoise d’Eaubonne et l’écoféminisme, publié aux éditions du Passager clandestin en 2019.
Françoise
d'Eaubonne est une théoricienne et activiste incontournable de la
seconde moitié du XXème siècle. Elle s'engage contre un projet mortifère
et écocidaire ainsi que contre l'oppression des femmes. Fille d'une
rare femme scientifique dans les chaires universitaires, elle est très
jeune sensibilisée à la difficile place des femmes dans la société
publique. Son engagement commence avec la lecture de textes fondamentaux
pour elle, comme la lecture du deuxième sexe de Simone de Beauvoir, et
elle est scandalisée par l'hostilité que le livre suscite. Elle en fera
même un livre pour le défendre contre ses détracteurs et approfondir
certains points.
D'après ses propres dires, toutes les luttes ne
font qu'une : elle défend donc un féminisme intersectionnel au
croisement de l'écologie, des luttes sociales, du féminisme et de la
cause homosexuelle. Elle est l'une des personnalités qui ont préparé et
signé le manifeste des 343 paru le 5 avril 1971 dans le Nouvel
Observateur. Féministe radicale c'est une forte personnalité qui
appartient au féminisme du creux de la vague : trop jeune pour avoir
connu le mouvement suffragiste du début du siècle et plus âgée que la
plupart des militantes du mouvement de libération des femmes. Elle est
donc une figure pour le moins hors normes dans le mouvement, c'est un
électron libre qui participe à certaines actions, certaines revues, sans
pour autant revendiquer une appartenance à un groupe plutôt qu'à un
autre, rendant parfois son message peu lisible ou pour le moins
inclassable. C'est grâce à l'effervescence et aux rencontres faites au
MLF que Françoise d'Eaubonne initie un groupe de réflexion non mixte
baptisé "écologie féminisme centre".
À la lecture des différents
rapports scientifique paru dans les années 70 qui alertent sur la
dégradation de l'environnement, elle s'engage dans la dénonciation du
système capitaliste et dans le développement de la pensée écoféministe.
C'est en 1974 que sort son ouvrage Le féminisme ou la mort, où elle
expose les premiers jalons de sa théorie féministe. Elle écrit : « Dès
lors que les hommes se sont emparés de la fécondité par la découverte du
mécanisme de reproduction et de la fertilité des sols par l'agriculture
les femmes et la terre ont été parallèlement exploitées ». Elle propose
alors de muter totalement de société et contribue ainsi au mouvement
décroissant et notamment à travers le concept de décroissance
démographique.
Pour Caroline Goldblum, l'écoféminisme défendu par
d'Eaubonne est un véritable projet de société dans lequel la lutte
contre le capitalisme rejoint le féminisme et l'écologie. A la
différence des féministes modernistes, d'Eaubonne ne considère par le
travail salarié comme une libération pour les femmes. Il ne s'agit pas
de pouvoir masculiniser les femmes, car elles seraient capitalistes et
donc écocidaires. Elle écrit que « l'oppression plus subtile et plus
massive que celle qui consiste à manipuler les désirs et les besoins de
l'autre, à lui dicter jusque dans sa révolte le modèle de sa conduite,
en lui inspirant les appétits qu'il doit tantôt occultés tantôt
assouvir, en luttant pour y accéder mais qu'il ne distinguera jamais de
ceux de son oppresseur. Quelle possession plus totale qui oblige
l'opprimé à prendre l'oppresseur pour modèle et à reconduire ce qu'il
veut renverser ». Selon elle il faut muter de société vers un projet de
société écologiste et féministe.