(Anthologie permanente) Fanny Lambert, Présent antérieur

Fanny Lambert publie Présent antérieur aux éditions Nonpareilles.
Aujourd’hui, rien ne perd, rien ne gagne
Accepter, dévouer, résigner ?
Attraper à la volée ces gorgées que dessine le réel.
Rentrer dans celui-ci de l’intérieur
et oublier ensuite ce qu’il dit
(13)
Dans la salle d’attente,
De la philosophie temporelle
tirée de la pelote depuis le divan.
Négocier le temps avec l’absence.
Aujourd’hui, n’aurais eu qu’à attendre entre
deux rendez-vous que le temps soit venu.
Contenir les entre. Sustenter le vide.
Et ainsi, appliquer la question à cette découpe si recherchée.
Le fragment de vie aux temps partiels.
(14)
Ne pas oublier le verbe.
Celui qui agit.
Corps en berne –
seule l’idée survie
Cédez le passage au silence
trans-paraître
(18)
Trop de choses que la raison ne compte plus,
il faudrait tout récupérer comme un filet que l’on lancerait au loin.
comme une mouche, apétante, ondulant en leurre.
L’impression peut-être, seulement –
que les élans se trouvent systématiquement
bridés.
Des sédiments, des claques faites de duplicité
   on entrevoit la solidarité
     – ils se chevauchent –
(24)
à l’ouvrage
Une équations à deux inconnus,
encore.
Ce reflet dirigé
Déflagration intempestive.
Je ne peux pas être présente à mon corps, incapable.
Ouater le temps. Animisme verbeux.
Il faudrait dire tous ces sont il faudrait taire toutes les
occurrences, reste toujours
le quotidien
(45)
Il y a quelque chose de très impudique à regarder
quelqu’un lire.
Une intimité, une excuse, comme une défiance d’apparat
au départ.
Une activité civilement acceptée par tous mais qui revêt
en réalité des applications bien plus invisibles.
Presqu’une obscénité sociale.
On se sent à l’autre lorsqu’on l’observe lire.
On imagine
le travail de fiction à l’œuvre,
la substance s’agiter et pénétrer la tête.
Lumière droite, radicale depuis la fenêtre du TGV,
petits scintillements blancs parsemés par les roches
calcaires à droite – flancs et reliefs provençaux en série.
(84)
Fanny Lambert, Présent antérieur, éditions nonpareilles, 2021, 104 p., 13€
« Telle une ligne parallèle longeant l’axe de vie, ces textes, faits de bouts et fragments, forment une errance au travers du temps.
La solitude, l’attente, l’intimité se lovent ici dans cette expérience de l’instant où l’adresse indéfinie et plurielle d’une voix évoque des liens morts. »
(sur le site de l’éditeur)
Les éditions nonpareilles :
* Nonpareille, n.f. | désigne, dans plusieurs arts, ce qu'il y a de plus petit. Il se dit, en mercerie, d'une sorte de ruban fort étroit. |Il se dit, chez les confiseurs, d'une sorte de dragée fort menue. |Il se dit, en termes d'imprimerie, d'un des plus petits caractères, que l'on fond maintenant sur un corps de six points.
En 1989, Denis Roche avouait, dans un entretien avec Gilles Mora dans les ‘Cahiers de la photographie’, qu’il rêvait ‘souvent d’un mot, d’un nom qui aurait donné naissance au mot photographie, mais dans le plus grand secret. D’un mot donc, (...) un mot connu, répertorié dans les dictionnaires, ni savant, ni trivial, mais moins bête. Ce mot est nonpareille*’. Quelques pages avant il rêve encore, il rêve ‘qu’un texte puisse être aux yeux de tous, avec une évidence quasiment pourpre, l’illustration d’une photo. Et non pas – plus jamais – l’inverse. Une page écrite, pure jusqu’à l’abstraction, que les gens ne pourraient que regarder, et dont la photo voisine –  qui, elle ne pourrait qu’être lue –  serait le commentaire. D’un moteur faire l’autre, et poursuivre !’.
Les éditions nonpareilles souhaitent inventer cet endroit qui tendrait à montrer l’envers. Elles sont une maison de papier, une suite de chambres avec vue, un lieu rêvé et sans pareil... Les éditions nonpareilles accueilleront des démarches photographiques, théoriques, poétiques, littéraires et autres, isolées, sensibles, discrètes, œuvrant en sourdine et en marge.
Lecture :
Ce mercredi 29 septembre 2021, à 20 heures.
Librairie l’Atelier, 2 bis Rue Jourdain 75020 Paris
Rencontre-lecture avec Fanny Lambert, accompagnée de Amaury Da Cunha