Monsieur Ladmiral va bientôt mourir

Par Sylvie

...de Pierre Bost

Récit publié en 1945

Editions Gallimard, L'imaginaire
Pierre Bost ; encore un nom sauvé de l'oubli par la collection L'imaginaire....Né en 1901, cet écrivain a eu un parcourt original ; il a été écrivain et dramaturge pendant l'entre-deux-guerres. Il participa, dans la lignée de  Proust, au renouveau du roman psychologique et fut qualifié  de "peintre de l'âme".

Puis à partir de 1945, il devient scénariste ; avec Jean Aurenche, il signe le scénario de films très connus tels Le diable au corps  de Claude Autant-Lara, Jeux interdits et Paris brûle-t-il de René Clément. Puis vient une étroite amitié et collaboration avec Bertrand Tavernier (L'horloger de Saint-Paul et Que la fête commence .
Tavernier lui rend hommage en 1982 en réalisant Un dimanche à la campagne,tiré du dernier roman de Pierre Bost, Monsieur Ladmiral va bientôt mourir.


Ce texte, simple et magnifique, au charme désuet, est une chronique familiale douce amère.
Monsieur Ladmiral, soixante-treize ans, est un peintre à la retraite qui vient de ses retirer dans la campagne proche de Paris. Ce fut un peintre de tradition, qui reçut tous les honneurs, parce qu'il choisit le classicisme au détriment de toutes les révolutions picturales de la fin du 19e  et du début du 20e siècle (impressionnisme, cubisme...). Maintenant, il regrette un peu. Mais il a compris ce qu'il aurait du faire, c'est le principal...
Il commence à vieillir si bien qu'il met de plus en plus de temps à rejoindre la gare pour accueillir son fils et sa petite famille chaque dimanche. Car c'est un rituel désormais : Gonzague vient avec sa femme Marie-Thérèse et leurs deux enfants rendre visite à leur père. Ils incarnent le devoir filial, le confort petit-bourgeois, les valeurs morales. Monsieur Ladmiral se gausse discrètement de ce fils qui a voulu à tout prix lui ressembler. Il souhaiterait bien que ce fils trop sage, "trop académique" se rebelle un peu...Et puis il y a le regard moqueur et plein d'humour des deux jeunes enfants sur leurs parents...
Ce dimanche va être bouleversé par l'arrivée impromptue d'Irène, la fille cadette, la libérée qui "tient boutique" à Paris et qui collectionne les amants. Elle incarne certes la désinvolture mais aussi une promesse de vie pour son père...même si sa visite est de courte durée...
D'où  vient le charme de ce récit si simple ? C'est d'abord un récit d'une ironie mordante, voire d'une certaine férocité (la chute est incroyable !). L'auteur et Monsieur Ladmiral se moquent des petits bourgeois guindés incarnant les valeurs familiales traditionnelles. Ces dernières appartiennent à l'ancien-monde et ne peuvent que déplaire discrètement à Monsieur Ladmiral, qui lui non plus, n'a pas su apprivoiser la modernité. Quant à la frivolité, finalement, c'est un chemin vers la vie, vers l'inconnu.
Bost saisi avec une infinie justesse toutes les petites jalousies familiales, les rancoeurs et les regrets d'une vie. C'est bien un peintre de l'âme...
C'est aussi un peintre impressionniste. En lisant ce récit au charme désuet, nous avons l'impression de passer un après-midi en compagnie de Renoir et de Monet. Il y a ce chevalet qui attend que le vieux peintre veuille bien saisir un éclat de soleil sur les champs...Puis il y a ce jardin, cette tonnelle où la famille se retrouve, discute autour d'un thé...
Un beau voyage entre autrefois et aujourd'hui que j'ai très envie de découvrir en film...