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Quand faire, c'est croire (3)

Publié le 26 septembre 2021 par Detoursdesmondes
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Le rituel apparaît comme le moyen d’inciter le fétiche à l’action, il ne consiste pas à “nourrir” un dieu mais à sceller une alliance, celle de l’homme et du fétiche. Les modes de communication non verbaux y sont largement mobilisés (gestes, libations) parallèlement aux chants, aux psalmodies.
En Afrique de l'Ouest, les fétiches se composent de substances fort diverses : terre, bois, sang animal et humain, eau, éléments minéraux et végétaux bouillis, séchés ou réduits en poudre, plumes, griffes, cornes et ossements, produits d’artisanat, etc. De forme conique, oblongue, ou encore s’apparentant à un tas d'amalgames hétéroclites, certains sont transportables tandis que d’autres restent immobiles. Leur composition fait appel à toute une pharmacopée que le ritualiste se doit d'entretenir, et ce par l'“arrosage” opéré lors des sacrifices.
Boli-clippel

Nos conceptions sur les matériaux sont certainement à interroger : ceux-ci ne sont pas inertes, figés, mais bien plutôt en formation continue. Avec eux, le fétiche est capable de créer son propre environnement.
Lors du rituel, le fétiche et son maître deviennent intimement unis pour que leurs corps ne forment qu'un continuum. L'homme, en lui déléguant sa capacité d’action et se soumettant à des interdits, se chosifie d’une certaine façon alors que le fétiche se réifie au cours de la pratique rituelle.
Alors peut-on envisager le fétiche comme une “quasi-personne” ?
Nous ouvrons là une véritable boite de Pandore lorsque nous voulons aborder la question de personne.
En effet, si l’on prête au fétiche une capacité d’action, que lui manque-t-il pour être une personne ?
Notre tendance à vouloir balayer cette hypothèse nous conduit à suggérer qu’il a un intérieur différent du nôtre, qu’il n’est pas capable de se tourner vers lui-même… mais n’est-ce pas là une conception héritée du christianisme qui nous pousse dans cette voie ?
La notion de personne a bien varié à travers les âges depuis la persona latine qu’était le masque tragique, à celle, romaine, où elle devient un fait fondamental de droit… Les Stoïciens vont lui ajouter un sens moral, celui d’un être conscient, indépendant, libre autonome, responsable ; les Chrétiens la considèreront comme une entité métaphysique, et elle prendra son sens moderne et occidental avec Fichte et Kant pour devenir une substance individuelle de nature rationnelle.
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Mais qu’en est-il du critère d’identité personnelle ? Psychologique pour les uns, c’est alors la conscience qui fonde l’identité ; corporel pour les autres, on a une personnalité psychique tandis que l’on est son corps.
Au-delà de ces définitions et dans une perception proprement occidentale, les relations qu’une personne entretient avec son environnement social sont extrinsèques à son moi : la personne existe en soi. Le corps constitue le minimum garant de la continuité de la personne en tant qu’une et indivisible. Ce n’est absolument pas une conception partagée par de nombreuses sociétés !
Pour certaines, on parlera de personne disséminée (cf. Gell A.), et c’est probablement Marilyn Strathern qui, la première dans les années 60, va révolutionner l’approche de la personne et du genre grâce à ses études de terrain en Mélanésie. À ses yeux, la personne apparaît être un “microcosme de relations”.
Si les relations sont internes aux personnes, M. Strathern en déduit que la personne, dès lors “divisible”, est à même de disposer des parties d’elle-même et peut substantialiser la relation qu’elle entretient avec une autre.
Si la personne est définie par ses relations, elle est une somme de ses actions qu’elle performe, elle n’est donc pas donnée, il ne s’agit pas d’une catégorie ontologique mais du résultat d’un processus.
Mais, dans cette définition pour un “centre d’action” (comme le fétiche), a-t-on une pensée dotée de réflexivité ? Une entité dotée d’un for intérieur ?… Certains diront d’une âme ? Et si la conscience se situait dans les relations, si elle n’était pas conçue de l’intérieur ?
Beaucoup de questions...
À suivre...
Photo 1 : Boli © Musée du Quai Branly- Jacques Chirac 71.1902.12.11.
Photo 2 : Procession avec transport des boliw autour du village, Namporompela, 1985. Photo © Catherine De Clippel in "L'alliance, le dieu, l'objet" de Jean-Paul Colleyn.
Photo 3 : Objet wahu de type nazii. Clan Coulibali, village de Bouéré, utilisé ici pour une ordalie concernant un clan d’un autre village, ce qui est un cas exceptionnel © Michèle Coquet in "Une esthétique du fétiche", 1987.

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