Saturation
Qu’il me soit permis (merci Poezibao) de refuser le terme de « saturation ». J’avancerais ce désaccord non par spéculation intellectuelle mais en vérité d’expérience.
Les mots sont dans le poème – ou pas. Mon expérience est telle : le poème est immédiat, les mots ne vont pas le faire par leur addition, ils le réalisent par addiction. Par leur logique et ma nature. Aussi bien, mon accompagnement critique porte-t-il toujours sur la question : ces mots (du poème s’écrivant) sont-ils du poème, le servent-ils justement, ou lui sont-ils encore, comme par accident, étrangers, sans intégrité ?
Autrement dit : le poème n’est point l’aboutissement, il est l’émotion de départ. S’il parle d’une expérience, s’il n’est pas un produit mais la clarification de l’expérience. Où le poème appelle en lui sa propre parole.
Le concept de « saturation » vient de l’art du cinéma et de l’art de la peinture : du cinéma, quand toutes les parties de l’écran sont actives et non plus seulement le personnage de l’action centrale ; de la peinture du « all over », du travail sur toute la surface (comme Dominique Fourcade le rêve et le pratique)… Projection, plutôt que linéarité. Or, la linéarité (« avoir une ligne ») a encore, et aussi bien littéraires, ses vertus inattendues (« où je vais ? », où je va ?).
Claude Minière