Pas mal, j’ai penché par-dessus les lignes vigoureuses et salaces de celui qui se fait appeler Andy Verol (via le fameux blog, un des premiers dans mes liens) et trouvant dans l’engagement écorché de ses fragments nombreux comme un frère, mon autre. Et si dans la littérature la plus vive, le réel ne s’énonce plus depuis un narrateur dégagé, mais se joue désormais d
Pas mal, j’ai penché par-dessus les lignes vigoureuses et salaces de celui qui se fait appeler Andy Verol (via le fameux blog, un des premiers dans mes liens) et trouvant dans l’engagement écorché de ses fragments nombreux comme un frère, mon autre. Et si dans la littérature la plus vive, le réel ne s’énonce plus depuis un narrateur dégagé, mais se joue désormais dans l’agglomérat des mots, cette prose hirsute incarne au plus près par le texte ce déplacement expressif avec ses fulgurances, ses pans où ça écorche. Alors, après « le dernier cow-boy français », juste pour le goût, ces quelques paragraphes qui introduisent à son récent bouquin, un noir désir. Et parce que nous aussi, de notre endroit, on a un peu eu rapport au monde similaire, pareillement cons et pareillement tremblants à l’écoute de l’angélique élimée, pareillement porteurs au fond de cette rage sourde qui fait de nous - non pas des partisans - des engagés.
Je suis comme toi, esseulé, un peu naze, bien incapable de porter le moindre avis. Toi et moi avons envie d’y faire un tour chez eux, ces quatre mecs de Bordeaux… Bordeaux, cette ville, j’ai assez peu de choses à en dire. Mais puisqu’il s’agit de commencer quelque part, je vais introduire cette jolie tambouille sur l’un des plus grands groupes de rock authentique français de ces vingt dernières années… Excessif. Oui, je suis toujours dans un excès et une arrogance ostentatoires concernant mon avis sur la « zic »…
C’est en 1991 que j’ai « vécu » ma première et unique expérience physique avec un groupe de quatre p’tits mecs menés par un « beau gosse », (disent toujours ça les filles), qui de fait, n’avait de cesse, en sensuel qu’il était, de piquer toutes les filles avec qui l’on essayait de sortir, nous les keupons trop stylés, trop puants, trop vulgaires, trop jeunes aussi.
Du haut de mes dix-huit années tapées à la Jenlain, à la Valstar (pour parader alcoolisés comme les vrais punks des années 1970) sans super-star, toussant des clopes avec filtre, j’étais allé au Festival de Rock du Vald’Oise avec mon meilleur ami Nico.
Nous avions plutôt des têtes d’insolents et des looks que nous imaginions « underground ». Nous étions, en fait, à la fin d’une époque, celle qui avait vu l’avènement d’un mouvement alternatif en France. Près de quinze ans après l’émergence d’un courant punk hyperactif, les groupes, labels, les collectivités investissaient dans des festivals devenus rentables et populaires.
Il nous était impossible donc, en tant que « gros durs » de la cour de récréation du lycée de Cergy, de ne pas assister au plus grand événement du département depuis… toujours.
Le hall Saint-Martin est un espace gigantesque pouvant accueillir plusieurs milliers de personnes à la fois. Je n’ai plus souvenir des organisateurs de l’événement, et je n’ai même plus en tête tous les groupes programmés sur ces deux journées exceptionnelles.
Nico et moi étions allés acheter un pack de bières. Marina, sa copine punk de l’époque, nous avait rejoints. Cette fille, c’était la pure, la dure. Un look destroy, des piercings (ça faisait encore mauvais genre à l’époque), des cheveux courts roux, d’une gentillesse incroyable mais complètement déjantée… Vraiment déjantée. Je me demandais souvent ce que Nico lui trouvait à cette fille… Qu’est-ce qu’on est naïf lorsqu’on est marmot…
Après nous être fait dépouiller de notre pack de bières par une bande de punks « cool » (Ils étaient plus ivres que révoltés) squattant devant l’entrée, nous sommes allés nous fondre dans ce hall impersonnel, d’un gris béton pathétique, une sonorisation infecte et un air vicié par la poussière de béton. J’étais content d’être là. Nico s’est très vite éclipsé dans la foule avec sa « dulcinée ». La bière n’était pas chère et un Irlandais rouquin, les dents noires en chicots odorants, fumant Gitane après Gitane s’était pris d’amitié pour moi. Je ne comprenais quasiment rien à son anglais postillonné, mais je le trouvais humain, et très convivial. Un vieux de la vieille, un punk des années 1970 d’après ce que je comprenais de son parcours…
Les concerts ne resteront pas mémorables et pourtant, en fan futile de la scène dite alternative, j’étais venu me prendre des rasades de Satellites. Leur morceau « Les Américains » était une sorte de tube du moment, dans le mouvement… Mélodique, sans grande profondeur, et sans intérêt, leur musique devint imbuvable en live… Finalement avec mon Irlandais à l’haleine revêche et le futal tombant juste sous la limite du slip, je n’avais pas grand-chose à attendre de mieux qu’une ambiance de pub, juste avant la fermeture. J’étais moins déçu que ce que j’aurais pu l’être aujourd’hui, simplement parce que j’avais dix-huit ans, que tout est beau, tout neuf, qu’on a souvent l’impression de vivre un tel événement comme s’il n’y avait jamais eu d’équivalent, auparavant. Secrètement, en « keupon » en culotte courte, j’étais tout de même impatient de voir les Noirdez. Pas certain que je ressentais les mêmes choses qu’une jeune fille en fleur qui se rue aveuglément à un concert de navets allemands actuels, mais je n’en n’étais pas si loin. Comme tout petit mec blanc chargé aux copies-cassettes de toutes sortes, j’étais le fruit de ce début des années quatre-vingt dix. Les Majors triomphaient du marché, les labels indépendants crevaient ou se faisaient bouffer par ces mêmes Majors. Les styles musicaux proliféraient, au point que chaque groupe et groupement de groupes suffisaient à créer un nouveau nom de mouvement. C’était sans fin, et pourtant le tout début de la période infernale qui allait suivre…
Un noir désir, Bertrand Cantat - Andy Vérol – éditions Scali (extrait)