La première chose que l’on constate en discutant avec Thomas Boullault, c’est que le Chef est incontestablement à l’image de sa cuisine : authentique, généreux et plein des surprises. À l’occasion de la réouverture des restaurants au mois de juin dernier, la rédaction de L’Homme Tendance a eu le plaisir de s’entretenir avec le Chef de l’Arôme, restaurant gastronomique proche des Champs Elysés à Paris, pour mieux comprendre sa vision de la cuisine, ses objectifs et ses challenges…
Interview du Chef Thomas Boullault
Bonjour Thomas, pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes pris de passion pour la gastronomie ?
Bonjour, c’est tout simplement auprès de mon père, qui était traiteur et charcutier, que je suis tombé amoureux du métier de cuisinier. Je n’ai pas le souvenir d’avoir voulu faire un autre métier ! Pour tester ma motivation, mon père m’a envoyé faire un essai à l’Auberge à la Tête de Lard, le soir du 31 décembre. Je pensais que l’expérience allait me décourager, mais au contraire, j’ai tout de suite accroché.
Dans votre parcours, quelles ont été les étapes ou les rencontres marquantes, qui ont participé à définir votre cuisine aujourd’hui ?
Toutes ! En Sologne, j’ai appris les fondamentaux de la cuisine dans de beaux établissements, que cela soit à l’Auberge à la Tête de Lard, où j’ai fait mon apprentissage auprès de Jean-Marie Benni, ou chez Philippe Valin à l’Auberge de Lanthenay.
À Paris, ce que j’ai appris auprès de Philippe Legendre au George V, c’est un tout autre métier. De 4 ou 5 en cuisine, on passe à une brigade de 100 personnes, on voit défiler des kilos et des kilos de truffes… C’est une autre façon de cuisiner, et une autre vision de la cuisine dans son ensemble. Au Royal Monceau, le palace de l’avenue Hoche, avec Christophe Pelé, j’ai découvert une cuisine qui détonne un peu plus, qui bouscule les codes… C’est le mélange de ces expériences, avec ma propre conception de la gastronomie et du plaisir, qui ont construit ma démarche.
Après les palaces, qu’est-ce qui vous donne envie d’opter pour une adresse plus confidentielle telle que l’Arôme ?
À l’époque, le Royal Monceau allait fermer pour travaux, et je connaissais bien Éric Martins, le propriétaire de l’Arôme. Il m’a offert la place de Chef en me laissant une totale liberté pour repenser la carte. On a poussé sur un côté gastronomique et ça a rapidement payé, puisqu’on a obtenu une première étoile Michelin en moins de deux ans.
Alors justement, quelle est la vision de la gastronomie que vous partagez à l’Arôme ?
La première chose, c’est de s’adapter au rythme des saisons. Sur le papier, cela paraît évident, mais finalement, il y a assez peu de restaurants qui s’y tiennent vraiment. À part quelques classiques, la carte change plusieurs fois par an, en fonction des saisons.
Ensuite, c’est de mettre l’accent sur le produit. Et pour ça, forcément, il faut de beaux produits ! On choisit des producteurs de proximité, qu’on connaît bien, et à qui on peut faire confiance les yeux fermés. Pour les légumes, on a eu l’opportunité de créer notre propre potager à Douchy, dans le Loiret, qui est cultivé en bio et pour lequel on bénéficie des conseils de Joël Thiebault…
Enfin, la troisième chose, c’est de savoir être créatif, sans que ça soit déroutant pour le client. Mon idée de la cuisine, c’est de conjuguer bases classiques et inspirations contemporaines, de mettre en valeur la qualité du produit avec des belles sauces, des beaux jus. Il faut que ça soit compréhensible, et que les clients ne se sentent pas perdus quand ils redécouvrent la carte. Tout l’enjeu, c’est de réussir à mêler tradition et créativité, pour que tout le monde y trouve son bonheur.
Amuse Bouche Couteaux de mer XXL Douceur ananas Fraîcheur de Thon mi-cuit
Depuis plus d’un an, comment faites-vous face aux fermetures successives ?
Quand l’annonce de la fermeture des restaurants a été faite au mois de mars 2020, on est tombés de haut. Je venais à peine de racheter l’Arôme à mon associé, donc ça ne pouvait pas plus mal tomber ! Il nous a fallu rebondir vite, et cela faisait un moment que j’avais en tête l’idée d’une offre gastronomique à emporter… Au bout de quelques semaines, j’ai fait revenir les équipes en cuisine pour lancer « L’Arôme à emporter ». Il nous a fallu ajuster un peu la carte, car forcément, certains plats gastronomiques ne pouvaient pas être adaptés pour la livraison, mais on a pu garder les iconiques. Et l’offre a cartonné ! Ça nous a permis de garder les équipes dans le jus, et de continuer à faire tourner la boîte.
Et la réouverture ?
Je crois que la salle n’a quasiment pas désempli depuis le 9 juin ! Les clients sont là, on a de très bons retours, et des clients qui avaient testé l’offre à emporter et ont voulu tenter l’expérience en restaurant.
Aujourd’hui, est-ce le Covid a fait émerger de nouvelles difficultés ?
Déjà, on est confrontés à une hausse des prix sur certaines matières premières. Ensuite, le secteur manque cruellement de personnel. C’était déjà une problématique avant, mais la pandémie a donné envie aux gens de changer de vie, changer de métier, déménager dans le Sud… Heureusement, avec la vente à emporter, on a pu faire travailler tout le monde, ce qui fait qu’on ne subit pas trop de pertes de ce côté-là.
Le Fameux pressé de tourteaux Rouget Soufflé Grand Marnier Turbot sauvage, rubarbe et Sakura
Et du côté des nouveautés ?
Je pourrais vous parler de notre carpaccio de dorade « Ikéjimé ». Il s’agit d’une méthode de mise à mort des poissons ancestrale au Japon, qui permet de ne pas stresser les poissons, et de conserver tous leurs arômes. Au goût, ça fait vraiment la différence ! On le sert avec un vinaigre fruité, aromatisé avec du kalamansi, un agrume asiatique très parfumé. Je pourrais aussi vous parler d’une langoustine qu’on a fait griller au binchotan, et qu’on a travaillé avec un gaspacho tomates-fraises et quelques notes de vinaigre…
Après le retour à la normale, une prochaine étape en vue ?
Rien de concret pour le moment, mais avec d’autres Chefs, nous gardons en tête l’idée d’une offre gastronomique à emporter…
Retrouvez Thomas Boullault au restaurant l’Arôme
- 3, rue Saint-Philippe du Roule – 75008 Paris
- +33 (0) 1 42 25 55 98
- www.larome-paris.com