[02h26] Et je sculpte dans le miroir un nouveau visage, épuisé, plus mince et lisse. Mes muscles et mon esprits sont douloureux alors que je jette dans un verre quatre Efferalgans et me sert un Pastis tassé. Cinquante-cinquante. D'un coup voilà qu'éclatent toutes les émotions refoulées depuis quelques temps. Je dispose d'une heure seulement pour changer de monde parallèle et l'alcool va me servir une fois encore de carburant et de passeport. D'un coup les lignes jaillissent en une fontaine d'encre noire sans que j'éprouve le besoin de les canaliser ou de les contrôler. Les doigts n'ont plus qu'à agir d'eux-mêmes, alors que la voix intérieure sait déjà ce qu'elle va produire la seconde suivante. Le claquement des touches sonne comme mes funérailles alors qu'un air des Doors s'échappe lentement par la fenêtre.
La codéine commence rapidement d'envahir les vaisseaux sanguins et de détendre soudainement le corps. Pour précipiter les choses, j'avale une gorgée de l'autre verre, en cristal, qui tinte lorsque je le repose sur le bureau, où gisent malheureuses quelques feuilles de papier raturées et des paquets de cigarettes. Vide.
L'écran m'avait ensorcelé tout ce mois de Juillet, tant et si bien qu'une question avait le temps de naître et de nager à la surface des yeux. "Et si je n'étais véritablement rien de plus qu'un imposteur? Et si j'entretenais volontairement cette souffrance, qui ne serait à la base que de la poudre aux yeux?"
Et les réponses sont apparues d'elles-mêmes comme sorties des lampadaires, au gré des battements d'ailes des papillons. Depuis toujours je me bats pour rester debout, quitte à provoquer ma fin. Ce que je prenais il y a des années pour de l'autodestruction n'est finalement qu'un désir de curiosité. Connaître ses limites. Les repousser. Les tenter à nouveau. S'adapter. Alors que les autres s'appropriaient une époque qui doit être propre à chacun, je profitais quant à moi de la souffrance. D'ailleurs, l'on peut aisément affirmer que celle-ci, quelles qu'en soient les sources et les démonstrations, prennent toujours racines dès les premières années. Sans doutes que la réponse est proche. Je n'ai pas de tableau de chasse ou de noms à oublier, ni même d'exploits divers dont je pourrai m'enorgueillir. Oui, quant à moi, je m'occupais de faire mienne chaque seconde. Ils se posent tous dans un coin pour se reposer, je continue les fouilles des puits. Mon désir de liberté et mon orgueil auront peut-être bel et bien ma peau. Je m'appartiens au moins, et n'ai pas besoin d'aide.
Finalement, plongeant entre deux secondes, l'on y trouve un interminable espace-temps.
The Doors "Hyacinth House"
"What are they doing in the Hyacinth House?
What are they doing in the Hyacinth House?
To please the lions in this day
I need a brand new friend who doesn't bother me
I need a brand new friend who doesn't trouble me
I need someone and who doesn't need me
I see the bathroom is clear
I think that somebody's near
I'm sure that someone is following me, oh yeah
Why did you throw the Jack of Hearts away?
Why did you throw the Jack of Hearts away?
It was the only card in the deck that I had left to play"