LA phrase qui arrivait à me donner l’air intelligent sur les 20 dernières années. Vraie, claire, nette, essentielle pour arriver à expliquer des notions barbares comme l’intelligence économique. Le rapport Martre, 1994, souvenez-vous (ou pas, ce rapport ayant véritablement lancé l’intelligence économique en France n’ayant qu’une notoriété toute relative…), formidable, la France sortant de son innocence économique, pour retomber dans sa candeur nombriliste tout de suite après, et continuer à se faire souffler des contrats de sous-marins à 56 milliards d’euros 27 ans après (tiens, des sous-marins, ça me rappelle quelque-chose, mais quoi ?).
L’intelligence économique, où comment transposer en France la “competitive intelligence” anglo-saxonne, arriver à la rendre institutionnelle, et la déconnecter sournoisement de l’aspect compétition qui en faisait tout l’intérêt outre-Atlantique. Un bonheur pour les institutions s’étant bombardées spécialistes, vendant des prestations et des formations théoriques, et une catastrophe pour les praticiens du privé devant expliquer l’intérêt d’une notion de plus en plus ronflante à des clients attendant du concret.
Bientôt 20 ans que Christophe rame à bord de Blueboat pour arriver à faire comprendre l’intérêt de la démarche, abandonnant vite la notion pour un terme plus générique et compréhensible, la veille. Veille e-réputation, veille concurrentielle, l’intérêt était plus naturel une fois associé à un objectif plus tangible. Se tenir au courant de ce qu’il se dit sur sa marque, de ce que font les concurrents, les profils marketing ayant les pieds bien sur terre comprenaient la démarche.
Bientôt 20 ans de “veille” pour Christophe et moi, avec des parcours différents, mais les mêmes galères pour faire comprendre aux interlocuteurs qu’être à l’écoute de son environnement est essentiel pour prendre les bonnes décisions. On ne prend pas de décisions pour savoir vers où on veut aller sans avoir les bons indicateurs, on ne prend pas de virage en moto sans regarder vers là où on veut aller, on ouvre les yeux quand on marche, bon sang vos doigts de pieds le savent bien pour s’être pris dans ce pied de table un nombre incalculable de fois…
L’intelligence, c’est la capacité à s’adapter à son environnement.
Cela implique de surveiller les évolutions de son environnement, pour ensuite prendre les bonnes décisions. Et en matière d’évolutions de l’environnement… Vous voyez où je veux en venir ? Il s’est passé plus de choses en 18 mois qu’en 10 ans. Et je suis large, on pourrait partir sur 30 ans sans souci. Parce que les impacts de la crise sanitaire ne font que commencer, parce que la crise sanitaire ne fait que camoufler les mouvements de fond géopolitiques, environnementaux, sociétaux et digitaux qui se sont accélérés de manière drastique sur la période.
“Le changement c’est maintenant” disait Hollande en 2012. Il n’avait pas tort, il avait juste interverti les deux derniers chiffres de l’année. En 2021, le monde change. Vite. Les comportements des clients changent et deviennent de plus en plus spécifiques (il n’y a plus une cible, ni 3 ou 4, mais une dizaine de typologies de clients bien différentes à prendre en compte en moyenne), les modes de distribution changent, les canaux de communication se complexifient, les projets d’innovation au placard depuis 10 ans sortent au forceps sous les impulsions de directions aux abois. Des entreprises essaient, se plantent, réussissent, recommencent. Des chaînes logistiques craquent. La mort d’une société actuellement, ça n’est pas l’échec. C’est l’immobilisme.
Observer son environnement, identifier les courants porteurs, les mouvements des acteurs, décider, choisir des directions, se positionner, poser des objectifs, choisir les bons indicateurs, des basiques, mais un exercice à nouveau essentiel dans un monde en crise qui se cherche de nouveaux repères.
Il y’aura ceux qui se seront adaptés, et les autres, qui rejoindront Kodak dans les livres de marketing pour les plus chanceux, et les bases publiques des entreprises radiées pour les autres.