Cameroun -Yaoundé : Cinq policiers auditionnés à la Dgsn

Publié le 23 septembre 2021 par Tonton @supprimez

Le commissariat de sécurité publique du 18ème arrondissement est situé au quartier Ngousso. Ambiance dans cette unité après la divulgation d'une vidéo montrant ces hommes en tenue en pleine séance de bastonnade d'un individu à la machette.

Le drapeau national flotte dans la cour principale du commissariat de sécurité publique du 18ème arrondissement situé au quartier Ngousso à Yaoundé, en face de l'hôpital général. Cette unité de police, entourée par des villas, affiche une ambiance normale ce 22 septembre 2021. Seul le poste de police d'identification grouille de monde. Dans le secrétariat du chef d'unité, les deux fonctionnaires de police présents sont concentrés sur des dossiers. Le silence règne dans tous les couloirs de ce bâtiment de deux niveaux dont les travaux de construction restent inachevés. Il est 12h30 lorsqu'un individu en détresse arrive dans le commissariat pour solliciter l'intervention des policiers. Ce jeune homme vient d'être tabassé en face de l'hôpital général par un groupe de conducteurs de moto. Il saigne de la bouche. Immédiatement informée, la patronne du commissariat déploie une équipe de policiers pour s'enquérir de la situation du jeune homme. Le policier désigné affirme : " Ce commissariat a beaucoup de problèmes ces jours ci. Nous appelons les uns et les autres à la retenue s'il vous plait. Faites tout pour éviter les problèmes. "

Le commissariat du 18ème arrondissement a fait l'actualité à travers la publication d'une vidéo dans les réseaux sociaux. Ladite vidéo met en action quatre policiers infligeant une bastonnade à un " prévenu " à l'aide d'une machette. Suite à la publication de ces images, Martin Mbarga Nguele, le patron de la police, a confirmé les faits dans un communiqué : " Une vidéo devenue virale dans les réseaux sociaux présente depuis ce matin, les images des fonctionnaires de police en train d'administrer à un mis en cause, dans le cadre d'une enquête pour vol, un traitement inhumain et dégradant, à l'aide d'une machette. Le délégué général à la Sureté nationale (Dgsn) porte à la connaissance de l'opinion nationale que ces faits sont exacts et se sont déroulés dans la nuit du 15 au 16 septembre 2021, au commissariat de sécurité publique du 18ème arrondissement de la ville de Yaoundé. Les fonctionnaires en question ont été identifiés et font l'objet des mesures appropriées pour répondre de leurs actes devant les instances judicaires et disciplinaires " a mentionné le délégué général à la Sureté nationale.

Dans le cadre de notre passage ce 22 septembre 2021, le sujet est mal abordé par certains. " L'affaire est déjà au niveau de la délégation générale à la Sureté nationale où l'enquête a été ouverte. Je n'étais pas sur place au moment des faits. Mais, on m'a expliqué que ce jeune en question avait été interpellé dans une boutique où il a soutiré plusieurs objets de valeur ", explique une source. Un autre informateur affirme que dans le cadre de cette affaire, cinq policiers en service dans cette unité sont en exploitation à la délégation générale de la Sureté nationale.

Traitement inhumain

Pour en savoir davantage, la responsable de l'Unité accepte de nous recevoir. Au niveau de son secrétariat, nous recevons comme consignes de laisser nos téléphones portables et le sac au secrétariat. Une fois dans le bureau de la Commissaire, cette dernière affirme : " L'enquête est ouverte à la délégation générale de la Sureté nationale. Je ne peux rien vous dire davantage sur ce sujet. Notre patron a déjà parlé. Si vous voulez plus d'amples informations, je vous conseille de vous rapprocher du cabinet du délégué ".

Depuis la publication de cette vidéo sur la toile, les organisations de la défense des droits de l'homme exigent des sanctions sévères contre les policiers mis en cause. Certains défenseurs des droits de l'homme dénoncent le caractère vague du communiqué du délégué général à la Sureté nationale. " Mandela Center international note le caractère vague et imprécis du communiqué de la délégation générale à la Sureté nationale qui ne renseigne aucunement sur le nombre de fonctionnaires de police impliqués, ni sur le sort réservé tant aux victimes qu'aux auteurs de ces actes ", note Jean Fogno, secrétaire exécutif de l'Ong Mandela Center.

Me Hyppolite Meli, avocat au barreau du Cameroun, dénonce ce traitement réservé à un jeune dans un commissariat alors que le mis en cause jouit encore d'une présomption d'innocence. Il estime que ce comportement des Forces de maintien de l'ordre (Fmo) est contraire aux dispositions du code de procédure pénal au Cameroun ainsi que les textes internationaux comme : la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et la déclaration universelle. Ces différents instruments juridiques interdisent d'infliger les traitements inhumains et les tortures à tout individu faisant l'objet d'une enquête préliminaire dans une brigade ou un commissariat.

Les dénonciations des cas de traitements inhumains dans les unités de police sont très récurrentes. L'on se rappelle par exemple de l'affaire Ibrahim Belo, ce jeune qui avait vu ses pieds amputés à l'hôpital central de Yaoundé. Dans le cadre de cette affaire qui a défrayé la chronique dans le département du Mbam et Inoubou, deux policiers ont été reconnus de blessures graves par le tribunal de grande instance de Bafia.
Ce n'est pas la première fois que les policiers sont accusés de torture dans les commissariats.

Prince Nguimbous