Cameroun : Que peut Dion Ngute dans le conflit anglophone?

Publié le 23 septembre 2021 par Tonton @supprimez

Le Premier ministre est descendu dans les régions troublées du pays pour faire les chemins de la paix, avec le Projet présidentiel de reconstruction et développement. En a-t-il les coudées franches?

Le chief Dr Joseph Dion Ngute, le chef du gouvernement du 4 janvier 2019, a commencé son périple par le Sud-Ouest, sa région natale. Il y arrive sur pointe des pieds car il n'est pas du tout en terrain totalement conquis. Pour la petite histoire, à la veille de sa nomination, les sécessionnistes avaient incendié sa maison, prémonitoire à la tâche herculéenne qui l'attendait au sommet du gouvernement. La dernière fois où il y était officiellement, avec l'arbre de la paix entre les mains, sillonnant la contrée, il avait été copieusement humilié par un membre de son gouvernement qui l'avait violemment contredit sur un plateau de télévision en France, en déclarant qu'on ne devait pas discuter de la forme de l'État au Grand dialogue.

Première grosse couleuvre avalée en mondovision, car effectivement au cours de la grand-messe qui s'était tenue à Yaoundé du 30 septembre au 4 octobre, le débat sur la forme de l'État fut occulté. Au sein de l'opinion, il n'y avait plus de mystère sur la place véritable de Joseph Dion Ngute au sein du sérail. Et là encore, le chapelet des faits qui entament la virginité de l'homme politique immaculé, s'égrène. Dans la Covidgate, on a vite fait de montrer à l'opinion publique un Premier ministre engoncé jusqu'au cou dans les affaires floues de détournement des fonds Covid-19. On a ressassé à suffisance qu'il a déposé son audition devant le Tribunal criminel spécial (Tcs). C'est donc un homme affaibli par la pratique du pouvoir qui revient vers les siens avec le Plan présidentiel de reconstruction et de développement (Pprd)des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Il revient au moment où les séparatistes ont toujours une grande emprise sur la population car le mot d'ordre de ville morte " lockdown " est toujours autant respecté les lundis dans les deux régions.

Le Pprd conditionné par les armes

L'effectivité du Plan présidentiel de reconstruction et de développement du Noso dépend intimement de la situation des armes dans les deux régions. On ne peut rien construire quand les armes crépitent. Les évènements de Bamesing sont venus faire toute la lumière sur la capacité réelle de nuisance des bandes armées et indique par ricochet le long chemin de la paix à faire. Sur le coup, déterminée, l'armée a fait savoir toute sa détermination d'éradiquer toutes formes d'entraves à la mise en place du plan présidentiel. La descente du ministre délégué à la présidence chargé de la Défense (Mindef) ce 22 septembre 2021 à Bamenda, le chef-lieu de la région du Nord-Ouest, est de ce point de vue explicative de cette décision affichée du gouvernement d'en finir avec toute la violence séparatiste. Une autre chose qui montre la fragilité du chef du gouvernement dans cette région, est le rôle très ambigu de la population qui n'a pas toujours pris fait et cause ouvertement pour l'armée.

Toutes les bandes armées sont supposées camerounaises dont constituées des combattants bien connus au sein de la population. Que ces entrepreneurs tiennent le coup depuis des années signifie que la population dans une grande frange leur accorde un certain soutien. En troisième lieu, si à Buéa, Joseph Dion Ngute a été ovationné, il est curieux que cette même population ne brise pas le verrou des villes mortes les lundis. Et ceci devient d'autant fort qu'à l'approche du 1er octobre, les séparatistes envisagent certainement des actions d'éclat pour narguer le pouvoir. Dion Ngute est sur le terrain aussi pour réduire à néant de tels projets. Pour finir, le Premier ministre sera dans le Nord-Ouest. On se demande dès lors si les
antagonismes politiques entre les leaders anglophones au sein du sérail ne viendront pas prendre le devant de la scène. Quoiqu'il en soit, la clé de la réussite de la mission de Dion Ngute, dans le schéma tracé par le gouvernement, dépendra inéluctablement de la détermination de l'armée à taire la violence dans les deux régions, définitivement.

Léopold DASSI NDJIDJOU