Une série de déconvenues et quelques échecs retentissants ont mis fin, pendant un temps, à la vague de modernisation observée dans le secteur durant la première décennie de ce siècle. Malheureusement, pour l'immense majorité d'institutions qui n'ont pas franchi le pas et continuent à fonctionner sur leurs socles historiques, hébergés sur des machines plus récentes mais à l'architecture aussi ancienne, l'horloge n'a pas arrêté de tourner et les risques d'obsolescence n'ont fait que croître, exponentiellement.
Aujourd'hui, la pression devient telle qu'il n'est plus possible de reculer, quels que soient les dangers encourus, toujours plus élevés, à engager une transformation en profondeur. À tout le moins pour JPMorgan Chase, qui profite de l'occasion pour réaliser un véritable saut quantique et envisager sereinement son entrée dans le XXIème siècle. Voilà qui devrait tout de même conduire quelques dirigeants de banques, au quatre coins de la planète, à s'interroger sur la politique de l'autruche qu'ils assument depuis des années.
En effet, l'américaine ne se contente pas d'une remise à niveau technique. En adoptant une des plates-formes du marché les plus abouties du moment, flexible et modulaire, conçue nativement pour l'infonuagique, elle franchit simultanément plusieurs frontières inhabituelles pour un acteur de sa dimension. Et, à l'énumération des motivations du chef de produit porteur du projet, Rohan Amin, on ne peut s'empêcher d'y retrouver absolument tous les problèmes qui préoccupent ou guettent l'ensemble de l'industrie.
Il est ainsi question, en premier lieu, d'accélération de l'innovation : outre sa propre capacité à supporter les modifications et les ajouts rapides, un cœur évolué – dont le périmètre est relativement large selon la définition qu'en prend Thought Machine – facilite l'implémentation de fonctions additionnelles au-dessus de ses fondations et permet de la sorte de répondre au mieux et au plus tôt aux besoins et attentes mouvants des clients.
Viennent ensuite, sans surprise, les sujets de performance et de résilience. Une des manifestations les plus tristement répandues du vieillissement des systèmes existants est l'augmentation des incidents et des indisponibilités, extrêmement dommageables auprès des clients. Sans prétendre à la perfection, les constructions matérielles et logicielles atteignent de nos jours des niveaux de fiabilité et de disponibilité sans précédent. Et il en est de même pour la montée en charge avec des millions d'utilisateurs.
Les arguments suivants répondent plus directement à des enjeux métier, entre la nécessité d'abattre les cloisons entre silos fonctionnels afin d'améliorer l'expérience client (l'exemple cité, classique, se situant entre les dépôts et les crédits) et l'impératif du temps réel sur la totalité des opérations, en passant par l'anticipation de la transition vers la banque enfouie (grâce aux API généralisées), qui reflète une vraie vision d'avenir.
Naturellement, le coût et la durée prévue de l'initiative de Chase ne sont pas dévoilés officiellement et il est aisé d'imaginer qu'il ont de quoi faire peur. Mais, quand il en va de la survie de l'entreprise, comment hésiter ? Cependant, le plus difficile est probablement de faire les meilleurs choix, en évitant les ajustements à la petite semaine, qui paraissent prudents mais n'emmènent pas loin, et en optant au contraire pour une approche stratégique audacieuse, susceptible d'accompagner les ambitions à long terme.