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Les Eyzies

Publié le 31 juillet 2008 par Argoul

La grotte de Font-de-Gaume n’est pas loin de la ville ; d’ailleurs tout y est tout près ! Le brouillard matinal, assez épais, estompe les poteaux télégraphiques et les toits de tuiles des maisons. Il laisse imaginer le paysage à l’état sauvage. C’en est prenant, la végétation touffue monte à l’assaut des falaises, laissant une impression de vigueur des premiers temps du monde. La région a été décrite telle qu’en ces temps reculés dans la série des ‘Enfants de la Terre’ de Jean M. Auel, une américaine obsédée féministe mais consciencieuse et vivante pour évoquer la préhistoire madgalénienne.

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La visite guidée de la grotte dure presqu’une heure. Pas plus de 200 visiteurs par jour. Les peintures magdaléniennes sont en mauvais état, visitées dès le 18ème siècle, sauf quelques-unes situées plus haut et plus profond. La grotte a été redécouverte par Peyrony au début du siècle, décrite par l’abbé Breuil en 1910 et fouillée par Prat en 1958. Les peintures la dateraient d’une époque intermédiaire, après Lascaux. Le couloir fait 120 m. Il faut imaginer, une fois de plus, le silence de la grotte sans les jacasseries des groupes du 20ème siècle, les couleurs encore vives sans calcite ni graffiti, la lumière chaude et dansante des lampes à graisse ou des torches de résineux plutôt que la fixité froide de l’électricité, pour se laisser pénétrer d’un sentiment qui devient proche du religieux.

Lorsque l’on réussit à faire abstraction du présent, ce qui est difficile et ne peut survenir qu’à de brefs instants, le sentiment de sacré prend alors tout son sens. Les figures peintes s’animent au regard. Les reliefs des parois et les modifications de la lumière font bouger les animaux peints que l’on aurait dit figés pour l’éternité. Les artistes ont utilisés les reliefs de la roche pour modeler les cuisses et les ventres des animaux, les creux et les bosses pour les yeux, le cou, les épaules. La surface prend une troisième dimension, elle s’éloigne et s’approche, les lignes remuent pour nos regards stéréo. Brusquement, les bisons en troupeau se meuvent lentement de concert, un cheval galope alors qu’un autre, hiératique, reste figé dans les draperies de la calcite, resté par contraste « essence » de cheval dans sa beauté abstraite. L’œil noir d’un bison vous regarde, la corne aiguë, l’oreille dressée, la crinière hérissée. C’est une figure puissante, une massive image de mâle au sexe bien dessiné sous le ventre, une force de la nature qui impressionne encore aujourd’hui. Nous avons un moment d’émotion : deux rennes se font face, le noir aux longs bois, sans doute un mâle, la femelle en rouge aux bois plus courts, agenouillée sur ses pattes antérieures. En suivant attentivement le tracé gravé des museaux, l’on s’aperçoit que le mâle dépose un baiser sur le front de la femelle ! Et de plus près encore on distingue – mais oui ! – un petit bout de langue qui sort de sa gueule. Le cerf mâle lèche le museau de sa biche. Cet instant est souligné par la guide qui veut nous montrer que les hommes du Madgalénien qui ont peint ces figures étaient des humains semblables à nous, et non pas ces brutes épaisses imaginées par la culture scientiste et contente d’elle-même de la bourgeoisie du 19ème siècle – et qui court encore  certaines vulgarisations actuelles.

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Après cette plongée dans les millénaires et dans les sentiments d’un autre temps, il nous faut bien un quart d’heure pour revenir au présent.

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Nous choisissons d’aller visiter une seconde grotte ornée, celle des Combarelles. Un jour prochain ces grottes fragiles, précieux témoignages de la plus haute antiquité, seront fermées au tout venant car la conservation des œuvres et incompatible avec le tourisme de masse. Seul le fric qu’elles génèrent empêche encore l’Etat de le décréter, faute d’alternative touristique pour faire vivre une économie au pays. Dans l’avenir, nous verrons peut-être des « parcs » comme les Américains savent le faire où ces grottes seront reconstituées et visitables sans danger d’abîmer leurs peintures, avec parcours pédagogique et « coins sacrés » où l’on n’entre qu’à quelques-uns à la fois (en s’acquittant d’un supplément) pour ceux qui désirent approfondir, alors que les gosses, préférant retourner jouer au soleil, iront dans un centre aménagé pour jouer aux sauvages… Un jour.

La grotte des Combarelles, découverte en 1901, est à gravures. Elles sont disséminées sur les parois d’un couloir de 250 m de long, mais à 120 m de l’entrée. Les rares restes peints sont recouverts de calcite ou presqu’effacés. Nous ne sommes que trois visiteurs. Le guide, voyant notre intérêt, se prend au jeu et nous montre les gravures les plus difficiles à distinguer. Il y a quelques 300 animaux, des chevaux, des bouquetins, une lionne aux naseaux finement dessinés, des mammouths, un loup – et des figures humaines. L’une d’elle serait une scène de pré-accouplement ; une autre un « sorcier » (c’est ce que l’on dit lorsque l’on ne sait pas), du moins un homme à tête de mammouth. Une main est peinte en négatif, au pochoir, la paume appuyée sur la paroi et l’ocre projeté au chalumeau soufflé par la bouche. Elle se situe avant que ne s’ouvre un boyau étroit qui ne se visite pas. Les illustrations des Combarelles sont moins prenantes que celles de Font-de-Gaume, mais elles demeurent d’un grand intérêt pour qui s’intéresse un tant soit peu aux témoignages de nos lointains ancêtres. Car les peintres et les graveurs qui ont œuvrés là avaient atteints le stade de l’évolution humaine où nous sommes.

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Il est 12h30. Jusqu’à 14h, horaires latins, tout est fermé fors les restaurants. Il faut bien faire marcher le commerce pour encourager la vie locale. Il y a une autre raison, plus technique : cela permet de respecter les quotas d’entrée maximaux de visiteurs par jour, et encore d’empêcher qu’un passage trop fréquent durant les heures chaudes de l’été (les plus encombrées) ne change trop vite la température à l’intérieur des grottes. La pause méridienne permet à l’équilibre thermique de se reconstituer. Nous déjeunons donc à l’auberge face au Musée où un éphèbe blond prénommé François nous sert le menu promotionnel. Deux verres de Bergerac standard et un déjeuner de rillons, de porc sauce Périgueux, de chèvre chaud en salade. C’est assez bon et l’éphèbe est sympathique, il nous apporte même deux tuiles avec le café, au lieu d’une seule. Elles sont aux amandes.

 

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Le musée de Préhistoire est aménagé dans les ruines d’un château fin 16ème et offre en pâture aux regards amusés du 20ème siècle sa statue de brute néandertalienne vue par le sculpteur Paul Dardé en 1930. Il  contient des blocs gravés et sculptés, des outils et parures en os, des reconstitutions d’animaux disparus et des sépultures d’enfants. La tombe magdalénienne de Saint-Germain–la-Rivière fait l’objet d’une vitrine archéologique impeccable. Ce musée rappelle utilement la chronologie de l’outillage lithique dont une très riche collection tirée des sols de la région couvre les murs en vitrines.

L’Abri Pataud s’ouvre à 200 m en longeant la falaise. Des fouilles franco-américaines ont eu lieu jusqu’en 1964 dans cet espace sous roche de 90 m sur 15 m. Nous visitons le musée, fort bien fait, qui retrace les restes de faune et d’humains trouvés dans l’Abri. Il reconstitue le climat et le visage d’une femme de 16 ans d’il y a 20 500 ans dont le crâne et quelques os subsistent en vitrine. Le site des fouilles montre 15 000 ans de couches archéologiques superposées sur 9m25 de hauteur comme dans un millefeuille, de l’Aurignacien au Solutréen.

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Du sentier qui descend au parking la vue s’ouvre sur le château de Laussel. Il date des 15ème et 16ème siècle, remanié au 19ème mais sa vue élégante réjouit le regard. La ‘Femme à corne’ célèbre en préhistoire (elle est d’époque gravettienne), a été trouvée à quelques centaines de mètres. Nulle part, en ce lieu, on ne peut échapper aux restes préhistoriques.

La sculpture de l’abri du Cap Blanc a été découverte par Raymond Perille en 1909 dans la vallée de la Beune tout près des Eyzies. Il l’apprend au docteur Lalanne, de Bordeaux par une lettre qui commence ainsi : « mon cher Monsieur Lalanne, je vous aprend par sette lettre La Découverte d’un beaux vidé sur les paroi de La bri Mandalénien… » Le « beau vidé » est daté par analogie avec les restes trouvés au pied des roches : du Magdalénien moyen, soit de 15 000 ans d’âge. L’animal dont les os dominent sur le site est le renne. Au pied de la frise des bisons a été trouvée une sépulture humaine. Les sculptures en elles-mêmes sont assez abîmées. Elles montrent de grands chevaux de Prjewalski à l’échelle (ils ont leur taille normale). Les corps et les têtes sont finement dégagés en ronde bosse du calcaire de la paroi. Un bovidé est aussi représenté. Nous avons ainsi vu aujourd’hui un panorama complet des techniques de représentations préhistoriques : les peintures de Font-de-Gaume, les gravures des Combarelles et la ronde bosse du Cap Blanc.

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Le Centenaire est « le » restaurant chic des Eyzies. L’addition s’en ressent, mais quels plats ! Encore une fois, je suis époustouflé par cette magie qui consiste à laisser s’exprimer simplement les saveurs des aliments. Le pavé de foie gras poêlé aux mangues et au Montbazillac associe le gras et l’acide, le croquant et le doux, sans que le fruit contamine le foie, chaque saveur complémentaire servant à l’inverse de faire valoir à l’autre. La suite était aux truffes : ris de veau, pommes de terre, châtaignes, crème, additionnaient leurs consistances et leur faculté de capturer la saveur pour composer une symphonie, une truffe entière étant tout uniment râpé sur la préparation. La fin était aux fraises : fraise écrasée fraîche, boule de sorbet fraise avec une boule de vanille pour le contraste des saveurs. Le fond du gâteau, mi-soufflé mi-brioché, exprimait la vanille. C’était un délice, même pour moi qui apprécie moins les desserts. Tous ces plats étaient bien sûr précédés et suivis de hors d’œuvres et de mignardises afin de montrer, comme par jeu, la virtuosité du cuisinier du lieu : velouté de cèpe, caramel au chocolat, à la meringue, à la pistache. Nous avons bu une bouteille de Bergerac rouge de 7 ans d’âge à prix raisonnable. Un Château de la Jaubertie, très bon cru d’un bon domaine. Découvrir un pays, c’est l’aimer aussi autrement que par le regard et les jambes, c’est le respirer, le goûter, en tester les saveurs. La cuisine participe au plaisir de tout voyage surtout lorsqu’elle s’accorde à la région.

Les Eyzies office de tourisme
Les Eyzies grottes ornées
Les Eyzies, Musée National de Préhistoire

  • restaurant “Le Centenaire”
  • une critique négative du Bottin Gourmand 2007
  • le cuisinier Roland Mazère

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