un joyeux anniversaire à pa' hier
je ferai ça tantôt
par email et via ma'
il a eu quatre-vingt-deux ans
et dire qu'en deux mil douze
il a failli mourir
cela fait neuf ans déjà de rémission
neuf ans qu'ils continue
à accompagner ma'
à être l'objet de ses soins constants
c'est fou comme on oublie nos vieux
surtout lorsqu'ils sont loin
on en parlait justement avec elisabeth
il y a quelques semaines
elle qui est quasi assurée
que sa mère sera accueillie
chez sa soeur aînée
c'est écrit dans le sang dans le ciel dans le coeur
il ne faudrait pas
que sa soeur décède avant sa mère
ce ne serait pas dans l'ordre des choses
vous qui me lisez
savez que je suis persuadée
que pa' mourra avant ma'
et je ne sais absolument pas
ce qui arrivera à ce moment
le contraire serait bien terrible
je n'ose même pas y penser
je vis dans le déni
j'aime que mes parents soient loin
je n'y pense pas
des fois je me demande
s'ils ont réglé toutes leurs affaires ici
avant de partir dans les années quatre-vingt-dix
si leurs liens de résidence canadiens
sont bel et bien coupés
ou s'ils doivent un million
en impôts impayés et intérêts
des fois je me demande
s'ils m'ont désignée exécutrice testamentaire
et comment ça fonctionne là-bas
aux états-unis
une déclaration d'impôt d'un décédé
des fois je me demande
si ma' viendrait vivre avec nous
et puis je lis édouard louis
qui tombe à point avec geneviève
et un rapport ambivalent
avec sa mère et son milieu d'origine
et moi je dis que je ne suis pas mieux
je ne veux pas vivre avec ma'
et encore moins avec pa'
ils doivent être terribles en vieillissant
même s'ils sont beaux ensemble
vus de l'extérieur
même s'ils sont les parents idéaux
même s'ils sont de fantastiques personnes
dès que ça se mettra à dégénérer
je n'aurai aucune patience
des fois je me demande
comment on paiera pour des soins
s'ils sont malades aux états-unis
il y a déjà pa'
dont la survie est couverte
par le protocole de recherche de l'université
djieu merci on est bien entouré
et ma'
de quoi souffrira-t-elle
va-t-elle radoter
elle qui adore parler
se souviendra-t-elle des visages et des noms
ou deviendra-t-elle muette
devra-t-on la torcher
va-t-elle pleurer
ou sera-t-elle plus sage que pa'
je n'aime pas penser aux vieux
je ne suis pas équipée pour ça
j'haguis les malades
je ne suis pas dotée de compassion
il me semble pourtant
que la responsabiliité m'incombe
en tant qu'aînée
de prendre soin de mes parents
j'aimerais penser
que je voudrais leur faire une place dans notre foyer
absorber leur sagesse par osmose
écouter leurs histoires
leur prodiguer les soins
qu'ils m'ont donnés enfant
subvenir à leurs besoins matériels et émotifs
les mettre en valeur
les porter dans mon coeur et à mon bras
au milieu d'un univers âgiste
de continuer à être fière d'eux
mais puisque ma' prend le soin quotidien
de nous informer
de leur bonheur simple américain
je n'ai pas besoin d'y penser pour l'instant
je repousse à plus loin
cette angoisse qui gruge mes os
je m'achète un chalet
je fuis à la campagne
et je continue
à chercher le bonheur
puis je fais le voeu secret
qu'un jour ils meurent ensemble
doucement durant leur sommeil
j'espère la mort
avant la vieilleisse
mais bientôt je me réveillerai à la réalité
je deviendrai meilleure
je prendrai mes responsabilités
et je leur parler d'avenir
sinon je vais frapper un mur.
la toune de brel ici .