Tous les étés c’est la même rengaine. Au premier rayon de soleil venu, les recettes minceur pullulent dans tous les kiosques du village global. Une piqûre de rappel : “tu ne corresponds pas aux normes de beauté actuelles”. Je ne parle même pas de “canon de beauté”, non, pour être “normale” il faut être mince, voire maigre. Tout le monde le sait, tout le monde en parle, quel que soit l’angle de la discussion, mais qu’est-ce que ça change au final : rien ! J’entretiens toujours la même relation haineuse avec mon miroir, la même sensation de terreur à l’approche de la balance.
Alors quand on est une faignasse comme moi, scotchée à son bureau 8 heures par jour et allergique à toute forme d’effort physique (enfin pas tous, j’ai des besoins tout de même), quelle est la solution ? On a tendance à croire à la solution miracle. On commence par les crèmes pleines de promesses (moins X cm de tour de cuisse en Y semaines). On scrute les notes attribuées par le sacro-saint 60 millions de consommateurs pour, au final, laisser le tube passer sa date de péremption sur le bord de baignoire parce que le massage recommandé est trop fastidieux.
Après ce premier échec, suivi de cures de thés et autres boissons diurétiques qui vous flinguent les reins mais pas les cellules graisseuses, on investit dans du lourd : on se celluM6se on se power plate puis on repasse devant le miroir. Après deux mois de ce “régime” on finit par comprendre qu’on a toujours pas la silhouette de Kate Moss. On maudit les slims, on pense liposuccion, mais ça fait mal, ça coûte cher, c’est dangereux (surtout si on tombe sur un médecin dont le diplôme est plus périmé que ma crème anticellulite) et le résultat n’est visible qu’après plusieurs mois durant lesquels on est enfermé dans une gaine plus repoussante que n’importe quelle gaine de Bridget Jones. Parce qu’à la base, il faut rappeler que la célibataire que je suis s’est mise en tête qu’il faut rentrer dans du 36 pour rencontrer le prince charmant (je sais, si on en croit les couples Jake-Amy Winehouse, Kate Moss/Pete Doherty, y a de quoi se poser des questions sur la définition du terme ‘prince charmant’, mais bon, c’est une légende urbaine).
Dépitée après un énième printemps de culpabilité mêlée d’angoisses existentielle et nutritionnelle, je me jette sur le frigo pour dégoter tout ce qui peut contenir un max de lipides et de glucides. Affalée sur le canapé, je n’ose sortir de peur de voir les enfants rire aux éclats en voyant passer ma bedaine de trentenaire esseulée. Obnubilée par les programmes les plus avilissants du paysage audiovisuel (la programmation de M6 en somme) je m’enfile des cookies, des glaces, du fromage, en faisant glisser le tout avec du coca. Je pourrais même planter une perf qui m’éviterait de dégainer la bouteille de coca, ou de bière à haute dose, et je ne réponds surtout pas au téléphone, au cas où quelqu’un me proposerait de sortir mon garde-manger géant et de m’arracher à la somnolence de l’inspecteur Derrick.
Résultat de cette quête insensée de maigreur : quelques kilos en plus, quelques amis en moins, une vie sociale plus plate que l’encéphalogramme de David Beckham et l’irrémédiable envie de me jeter par la fenêtre (j’habite au rez-de-chaussée).
Une tranche de vie qui n’a rien d’original, c’est justement là que le bât blesse. Quand cesserais-je enfin de suivre cette quête du Graal insensée qui pousse des millions de femmes dans un profond désarroi ? Qu’est-ce qui fait que l’on est assez bête pour subir cet asservissement sans rechigner ? Je n’ai que des questions, avez-vous des réponses ?