On sait depuis longtemps qu'une partie de notre activité psychique échappe à notre contrôle. Quand elles affleurent à la conscience, les images qui sont la manifestation de ce phénomène se caractérisent par leur insaisissabilité, leur propension à se dissoudre. Les tableaux de Luisanna Quattrini sont issus d'une attention sensible à cette évanescence.
Ce qu'on y voit ou, plus souvent, ce qu'on y entrevoit semble sur le point d'apparaître ou de disparaître. Son univers visuel est celui d'une instabilité fondamentale, celle de l'aquatique. Au flou initial succède chez le regardeur l'idée d'une image, d'une scène qui s'esquisse, d'une allusion qui s'évapore.
Des personnages quasi informes, animaux ou silhouettes humaines, émergent des légers voiles de couleurs diaphanes qui flottent sur la toile. Ce sont des créatures à peine élaborées, de fugaces " émergences-résurgences " (Henri Michaux), d'étranges situations oniriques. Leur brève coalescence permet de les apercevoir sans les cerner, de croire les reconnaître sans les identifier.
Avec Luisanna Quattrini, la peinture procède d'une expérience mentale qu'elle propose au regardeur de partager. Elle s'adresse à une communauté de rêveurs à l'affût sur les lisières de l'inconscient, là où l'imagination franchit le gué vers l'insu. Parfois, la peinture semble prendre le dessus sur l'image. Ce sont des piles ou des amoncellements qui bâtissent alors les tableaux. On dirait qu'il s'y joue une joie du premier jour. Comme si l'inquiétude des rêves avait cédé place au simple éclat des couleurs, à une conscience éblouie.