en des millénaires sans espoir. (Jack Kerouac)

Par Jmlire

" Perchée sur une barrière de bois, attendant - pour voir si une idée viendrait du dehors lui dire quoi faire

Jack Kerouac

ensuite et pleine de portée et de promesses car il fallait que ce soit bien et une fois seulement - "Un seul faux pas dans le mauvais sens..." le sens de son impulsion, devrait-elle sauter d'un côté ou de l'autre de la barrière ? l'espace sans fin s'étendait dans quatre sens, des hommes morne-chapeautés allaient à leur travail dans des rues luisantes sans se soucier de la jeune fille nue cachée dans la brume, ou, s'ils s'étaient approchés et l'avaient vue, ils auraient fait cercle autour d'elle sans la toucher en attendant simplement que vienne la flicaille pour l'emmener et de tous leurs yeux las, indifférents, éteints par la pâle honte détaillant chaque partie de son corps - l'enfant nue. - Plus elle reste perchée sur sa barrière, moins elle aura le pouvoir à la fin de vraiment en descendre et de se décider...

La nuit pluvieuse clapote sur tout, embrasse partout hommes, femmes et villes en un flot unique de poésie triste -... Elle est juchée sur la barrière, la pluie fine pose des perles sur ses épaules brunes, des étoiles dans ses cheveux, ses yeux farouches indiens-à -présent regardent fixement le Noir avec un peu de brume qui se dégage de sa bouche brune, la détresse comme des cristaux de glace sur la couverture des poneys de ses ancêtres indiens, la bruine sur le village autrefois et la fumée-de-misère qui sortait en rampant de sous le sol et quand une mère mélancolique pilait des glands pour faire de la bouillie en des millénaires sans espoir..."

Jack Kerouac, extrait de " les souterrains ", 1958. Éditions Gallimard, 1964 pour la traduction française.