Magazine Environnement

Red Bull: symbole d’une société dans le rouge

Publié le 31 juillet 2008 par Anne-Sophie

Bordeaux, vendredi 25 juillet 2008, 21h30. Opération “Street Marketing” dans notre marais local, place Camille Jullian. Deux nanas arrivent dans une mini entièrement customisée au couleur de la marque, déchaînées, petits tops et musique à fond. On les regarde passer, médusés. Dépités.

le blog auto

Crédit Photo: Le Blog Auto

Le Red Bull Energy Drink est une boisson énergisante à base de taurine pour les périodes d’activité intense. Sur le site de la marque, on peut lire que le “Red Bull® Energy Drink est une boisson fonctionelle, spécialement conçue pour les périodes de stress et de tension physique et psychologique. On peut la boire pratiquement en toute occasion: au travail, en voiture, en pratiquant un sport ou une activité de loisir.” Vous pouvez donc l’utiliser “à chaque fois que vous avez besoin de booster votre énergie ou votre concentration ! Pour ressentir au mieux ses effets, il est conseillé pendant l’effort physique ou mental, par exemple lors d’un long trajet sur l’autoroute, d’intenses journées de travail, avant une activité sportive, ou encore avant un examen ou un test. Il est recommandé de consommer une canette entière de Red Bull® Energy Drink avant une épreuve sportive ou de concentration. Red Bull® Energy Drink n’ayant pas été formulé pour délivrer une réhydratation, nous encourageons les sportifs à boire beaucoup d’eau pendant un exercice soutenu.”

Tient tient, “une boisson fonctionnelle“… ça veut dire quoi une boisson fonctionnelle? Eh bien ça veut dire une boisson “contenant des produits enrichis de minéraux, de vitamines ou d’herbes qui permettent aux consommateurs et consommatrices d’inclure dans leur régime les éléments nutritifs dont ils ont besoin et ce, d’une manière saine et commode.” (source) Saine et commode, hum… qui plus est, “spécialement conçue pour les période de stress et de tensions physique et psychologique” mais dont on fait la pub avec des nanas belles en pleine forme à bord de “voiture de riches” afin de promouvoir une forme de “culte de la performance“… Re-hum…

Toujours sur le même site de la même marque, on apprend que Red Bull contient de la taurine (un acide aminé), de la caféine, des hydrates de carbone sous forme de sucres lents et rapides, ainsi qu’un complexe de vitamines B telles que la niacine, l’acide panthoténique et les vitamines B6, B2 et B12 (cf. la liste et la définition des ingrédients ). Naturellement, “toutes ces substances sont présentes naturellement dans notre organisme ou bien dans la nourriture que nous absorbons, mais elles sont réunies sous une formule spéciale dans Red Bull“. Une formule spéciale qui va vous rendre sur-humain, si vous savez lire entre les lignes… Mais ne vous en faites pas, “les personnes actives commencent à se rendre compte que Red Bull est idéal pour faire face à un mode de vie dynamique et exigeant.” Mon gars, je plains trooooop ta life! T’as besoin de t’échapper, alors bouge pas: Red Bull est là, et avec elle, pas de souci, la mini et les nanas, elles seront bientôt pour toi… ça, c’était le second message subliminal. Hum… j’aime. Et comme ils le disent si bien: “Pour le dire plus simplement… Red Bull donne des ailes.

Oui, surtout à ceux à ceux qui en sont morts. En Grande Bretagne il est d’ores et déjà possible de dénombrer plusieurs victimes du cocktail détonnant qui aime cultiver les fantasmes. “Sur le Net, les bavardages autour du Red Bull assurent tout et n’importe quoi : il contiendrait du jus de couilles de taureau, serait aussi aphrodisiaque que l’ecstasy, se transformerait en amphétamines, etc. Le tout sent vaguement le souffre, ce qui plaît à la marque. La réalité est plus banale” soulignait Marie-Joëlle Gros dans un article de Libération fin avril 2008. Goût de l’interdit, ambiguïté de la démarche, forcing pour entrer sur le marché français, voilà la technique… Pour des professionnels du marketing, les termes «énergétique» ou «énergisante» veulent dire quelque chose. Pas pour des scientifiques. Eux concluent plutôt que cette boisson est un excitant, et qu’elle n’est pas sans conséquences sur l’organisme.”

Tout cela me rappelle l’Ecosse. En 2003 j’ai passé un an à Edinburgh: l’alcool y coule à flots (on dit même que le vent souffle fort en Ecosse afin d’aider les écossais à tenir debout!) mais les energy drinks aussi. Je me souviens d’un samedi après midi même, jour des matchs de rugby, où un jeune couple d’une quarantaine d’année était complètement saoul en pleine rue, la femme se traînant littéralement au bras de son mari. Impressionnant. Je n’avais jamais vu ça en France. Je me souviens des energy drinks, consommés comme si de rien n’était (c’est le but d’ailleurs, la consommation de Red Bull étant associée à la consommation d’alcool ou d’autres boissons).

Je me souviens aussi du soir des résultats d’examen ou pour le premier de l’an: “so, you gonna get drunk tonight“? me demandait-on. Heu… non, comment dire, je vais faire la fête oui, picoler un peu c’est certain, mais de là à avoir pour objectif de me rendre saoûl, je ne crois pas non… Quand je repense à ma colloc écossaise maigre comme un clou qui à peine sortie de sa douche de pré-soirée, une serviette sur ses cheveux et en peignoire, avait déjà une bière dans la main… Les jeunes et l’alcool, c’est une histoire là bas… Adultes plus tard aussi, remarque.

Et j’ai bien peur que cette histoire se répète en France, en fait: l’émergence des energy drinks ne fait que le confirmer. Dans cet article de Libé le 17 juillet dernier, le professeur Patrick Fouilland (qui dirige le service d’alcoologie au CHU du Havre et préside la Fédération des acteurs de l’alcoologie et de l’adictologie) explique que si l’âge moyen des premières consommation d’alcool est désormais de 12 ans en France, “on constate un développement du «binge drinking», ou «biture express», qui consiste à boire beaucoup en un cours laps de temps pour atteindre l’ivresse le plus rapidement possible. En général cela se passe en fin de semaine, à tel point que de plus en plus d’enseignants se plaignent de ne pas pouvoir faire cours normalement le samedi matin, lendemain de cuite pour certains élèves. Dans le cas du binge drinking, l’objectif est clairement de se défoncer. Il y a perte de contrôle, mais celle-ci est voulue, prévue à l’avance. De ce point de vue, la France, jusqu’ici plutôt «dans la moyenne» s’agissant de la consommation d’alcool chez les jeunes, se rapproche de pays où ce phénomène est déjà bien installé comme l’Angleterre, l’Allemagne ou les Pays-Bas“.

Et comme ce même professeur le précise ensuite, “il me semble que la question est surtout de savoir pourquoi notre cette société fabrique de tels symptômes, quel est le terreau de cette «épidémie»? Le binge drinking s’inscrit dans une société que l’on pourrait qualifier d’addictée, qui d’une manière générale survalorise les sensations intenses, le «toujours plus fort, toujours plus vite». La question à se poser, c’est comment nous, adultes, pouvons-nous contrôler ça? Il s’agit d’abord de permettre aux jeunes de grandir et de s’épanouir sans qu’ils éprouvent le besoin de se raccrocher à la chimie, qu’elle soit naturelle (l’alcool) ou artificielle (les drogues)“. Enfin, pour ma part la biture express, je l’ai surtout vécu après mes 18 ans, après le bac, dans les soirées d’étudiants avec Open Bar ou autre… Donc interdire la vente d’alcool aux mineurs, ce n’est s’occuper que tu petit arbre qui cache la forêt il me semble…?

A mes yeux, l’arrivée du Red Bull en France confirme simplement une tendance qui n’est pas prête de s’arrêter, alors que des pays comme la Norvège, le Danemark, l’Uruguay et l’Islande l’ont interdite… La consommation d’alcool et d’autres excitants posent des problèmes, le red bull n’est qu’un phénomène les accompagnant, au reflet parfait des échappatoires de plus en plus recherchés dans nos sociétés dites “développées”…

Quelques liens sur le sujet…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Anne-Sophie 401 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazine