Deux jours plus tard, le 19 juillet 2008, cette menace était mise à exécution. Deux ressortissants helvétiques étaient arrêtés en Libye. Sans l’arrestation d’Hannibal Kadhafi et de sa femme Aline, pour maltraitance envers deux domestiques, il est bien évident que ces deux citoyens suisses n’auraient jamais été inquiétés. L’inculpation portée contre eux sentait son bidon de pétrole. Ils auraient prétendument enfreint la législation sur l’immigration et le séjour (sic).
Pour que Hannibal et Aline soient libérés, il leur avait fallu verser une caution de 500'000 francs. Pour que les deux suisses emprisonnés sortent de leurs geôles insalubres le 29 juillet 2008 au soir, leurs entreprises respectives ont dû verser une caution de 9'000 francs. Je note au passage que si les réactions de l’« ami » de Sarkozy sont complètement disproportionnées, il a le sens des proportions en matière de caution. Son fiston et sa belle-fille valant bien plus que deux misérables cadres d’entreprises, ayant le seul tort d’être suisses et de s’être trouvés là.
Dès que des représailles ont été prises contre la Suisse, à savoir l’emprisonnement de deux Suisses et l’arrêt des livraisons de pétrole en direction de la Suisse, celle-ci a engagé ses ressortissants à ne pas se rendre en Libye pour ne pas devenir des proies faciles aux mains de l’Etat libyen, qui est tout sauf un Etat de droit. De son côté le 29 juillet 2008 le ministère libyen des affaires étrangères déconseillait aux citoyens libyens de se rendre en Suisse où ils risquaient, comme Hannibal et Aline, de faire l’objet de mesures arbitraires (sic).
Le parallèle s’arrête là. Sitôt versée leur caution Hannibal et Aline ont pu quitter la Suisse et regagner le sable chaud de leur pays. Sitôt versée leur caution les deux cadres suisses n’ont pas été autorisés à quitter le territoire libyen et ont dû se réfugier à l’ambassade de Suisse à Tripoli. Les premiers ont été retenus 48 heures et les seconds 10 jours. Et les geôles libyennes ne possèdent certainement pas le confort des cellules genevoises. De plus les motifs d’inculpation des premiers étaient graves, ceux invoqués contre les seconds des motifs de circonstance.
Certes le dictateur fou a lâché du lest en autorisant de nouveau les livraisons de pétrole brut en direction de la Suisse. Mais, pas si fou que cela, il sait très bien qu’il se faisait peut-être plus de mal qu’il n’en faisait. Il ne faut pas oublier que la raffinerie de Collombey dans le Valais (photo ci-dessus) est propriété de la société libyenne Tamoil qui aurait été la première à pâtir de cette mesure de rétorsion, alors que la Suisse aurait pu très bien se faire livrer par ailleurs.
Pas si fou que cela Muammar. Il garde en effet des atouts dans la manche de sa djellaba. Il a encore moyen de faire plier les plaignants contre son fils. En effet le frère du Marocain molesté, et sa mère, se trouvent sur le sol libyen. Le frère se terre pour qu’on ne se saisisse pas de lui; la mère, après avoir été arrêtée à l’aéroport de Tripoli, d’où elle s’apprêtait à rejoindre Casablanca, a été relâchée mais n’est pas autorisée à quitter le pays.
Pour le moment, sauf information contraire – je ne suis pas dans le secret des négociations diplomatiques en cours entre la Suisse et la Libye – il ne semble pas que la Suisse ait eu besoin de baisser son pantalon pour que la crise se désenfle un peu (voir mon article Affaire Khadafi : baisser son pantalon en étant dans son bon droit ). Mais dans cette partie d’échecs il semble bien que, pour le moment, ce soit le Führer libyen qui détiennent le plus de pièces. Il n’est pas encore trop tard pour que la Suisse, d’une manière ou d’une autre, lui tende humblement les fesses.
Francis Richard