En mai dernier, le gouvernement britannique admettait que plus d'1/2 million de mineurs avaient leur ADN enregistrés dans les fichiers de la police du Royaume (sur 1 total de 4.11 millions d'enregistrements, dont 1/3 sans raison criminelle/innocents, et +1 million en 1 an !). Une augmentation très rapide avec près de 100,000 nouvelles entrées rien que l'an passé.
"Police can take a DNA sample without consent from anyone they arrest and can keep it whether the individual is charged with a crime or not [...]. Officers can request a DNA sample to eliminate a youngster from their inquiries about a crime or confirm involvement. The Home Office said that parents or guardians could request that a child’s details be removed from the database but the final decision was at the discretion of chief constables." timesonline
Et en France ? Pas de ça chez nous ? Et bien si j'en parle c'est justement que si, avec les lois Sarkozy de 2003 tout est maintenant possible, comme le montre Maitre Eolas dans un article sur le fichage génétique des enfants (et que je reprends en grande partie ci dessous). Pour résumer l'affaire dont la presse s'est (peu) fait écho, deux gamins de 8 et 11 ans auraient pu se voir prélever leur ADN par la gendarmerie pour avoir volé deux tamagotchi et deux balles rebondissantes (ensuite payés par la mère) dans un hypermarché. Les échantillons étant conservés dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Selon le père, un gendarme aurait même déclaré au plus âgé "qu'il serait photographié, qu'on lui prendrait ses empreintes digitales et aussi ses empreintes génétiques, ajoutant même que mon fils ne pourra pas forcément faire le métier qu'il veut plus tard car il sera fiché !"
Ce fichage génétique, ou plus exactement des empreintes génétiques, a été créé par la loi du 17 juin 1998 (gouvernement Jospin), loi de circonstances suite à l'affaire Guy Georges, "le tueur de l'est parisien". Il visait à réunir les empreintes génétiques des personnes reconnues coupables du meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, ou d'un viol ou d'une agression sexuelle, y compris sur majeur. La loi sur la sécurité quotidienne, article 56, réécrit les articles consacrés au FNAEG et élargit leur domaine : ce ne sont plus seulement les infractions originelles qui entraînent le fichage au FNAEG, mais les crimes d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie et de violences volontaires ayant entraîné une mutilation sur un mineur, ou le crime de violences habituelles sur un mineur, les crimes de vols, d'extorsions et de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes, et les crimes constituant des actes de terrorisme. Dans la phrase disant que les personnes suspectes de ces crimes verront leurs empreintes prélevées : il suffit désormais d'indices graves ou concordants, et non plus graves et concordants. Le fichage des suspects devient donc le principe, et n'est plus l'exception.
Et le vol de tamagotchi dans tout ça ? Et bien on y arrive presque. Il suffit de deux coups de buttoirs supplémentaires de la droite : le 18 mars 2003, la loi sur la sécurité intérieure, proposée par Nicolas Sarkozy, a juste rajouté quelques lignes à la liste des infractions donnant lieu au fichage. Et il n'a après tout fait que continuer sur la route empruntée par le législateur précédent : puisque des infractions donnent lieu à fichage quand elles sont qualifiées de crimes, pourquoi n'en irait-il pas de même pour les délits ? Après tout, c'est assez grave pour justifier la prison. Et voici donc ajoutés à la liste la quasi totalité des délits d'atteinte aux biens et aux personnes (liste complète à l'article 706-55 du code de procédure pénale), dont le vol simple commis par nos deux Arsène Lupin en culottes courtes. [...] L'article 122-8 du Code pénal, modifié par la loi Perben I du 9 septembre 2002, a supprimé la responsabilité pénale à treize ans pour lui substituer le critère de la capacité de discernement. Un enfant de huit ans peut donc commettre un vol, s'il a assez de discernement pour comprendre que les caisses d'un hypermarché ne sont pas réservées à ceux qui ne sont pas assez malins pour dissimuler des objets sur eux. Dès lors qu'un enfant de huit ans peut commettre un vol, il peut être fiché au FNAEG.
CQFD, des deux cotés de la Manche, même combat ! (il me semble juste qu'ici, en Angleterre, la presse, se faisant l'écho des parlementaires, s'émeut beaucoup plus de ces pratiques sécuritaires)
Autre chose qui n'a rien à voir (quoi que) : les nouvelles sont plutôt rassurantes concernant la nouvelle loi sur les peines plancher.