Critique de Cerebro, de Matthieu Villatelle, vu le 5 septembre 2021 au Théâtre de Belleville
Avec Matthieu Villatelle, mis en scène par Kurt Demey
C’est un peu par hasard que je suis tombée sur Cerebro. J’épluchais la programmation de théâtres faisant la part belle à l’émergence, soucieuse de les intégrer davantage à mon agenda cette année, et j’ai donc découvert cette proposition, entre théâtre pédagogique et spectacle de mentalisme, et ça m’a plutôt intriguée – je suis très curieuse de l’utilisation du mentalisme au théâtre et ai déjà mes places pour Que du bonheur (avec vos capteurs) de Thierry Collet, avec qui Matthieu Villatelle a d’ailleurs travaillé.
Cerebro, c’est un programme de développement personnel développé par Jack, ce personnage aux contours un peu caricaturaux qui semble nous accueillir dans le spectacle. Mais est-ce vraiment lui ? Il y a tout de suite une grande ambiguïté dans le rôle que joue Matthieu Villatelle : est-il le magicien qui s’adresse à nous ou le créateur de Cérébro au sourire Freedent ? Je n’aurais pas vraiment le temps de me décider car à peine quelques minutes après le spectacle, me voilà appelée à le rejoindre sur scène pour une première expérience.
Mettre la magie et le mentalisme au service d’une démonstration sur les processus d’embrigadement, c’est vraiment un super projet. Et il y a des choses qui fonctionnent complètement, notamment tout ce qui a trait à la confiance un peu aveugle qu’on accorde au personnage. Les expériences proposées au spectateur sont de plus en plus dangereuses mais en même temps on a envie de lui faire confiance : après tout on est dans un cadre sécurisé, il est censé savoir ce qu’il fait, il ne nous mettrait pas délibérément en danger… et pourtant le doute subsiste. Et ce « j’ai confiance parce que c’est lui », si on l’analyse un peu, c’est un peu le miroir de notre vie. J’ai confiance parce que ce sont mes parents, parce que c’est mon professeur, parce que c’est mon supérieur, parce que c’est mon médecin, parce que c’est mon ministre. J’ai confiance parce que c’est un comédien au théâtre. Et ensuite ?
Mais je reste quand même un peu sur ma faim. Le côté gourou de notre Jack ne m’a pas totalement convaincue. Il faut dire aussi que connaissant rapidement le thème du spectacle, j’étais peut-être trop vigilante pour être totalement captive. Et si l’aspect « confiance » m’a bien retourné le cerveau, je suis davantage dubitative sur le processus d’embrigadement en lui-même. Scéniquement, même si l’évolution est bien travaillée, on voit trop les changements d’atmosphère qui sont contraints par la durée du spectacle : j’ai peur que l’ensemble soit un peu court pour l’ambition de départ, ce qui oblige à utiliser quelques grosses ficelles pour atteindre le but final.
Je reste aussi un peu frustrée par certains « tours » qu’il m’aurait semblé très intéressant de pousser jusqu’au bout ou de relier davantage au thème du spectacle et que je n’ai pas réussis à vraiment associer à l’évolution de l’embrigadement – même si j’étais toujours bluffée par les démonstrations. Néanmoins, il faut prendre tout cela comme un retour à froid car j’ai globalement été captivée et très réceptive pendant l’ensemble du spectacle, et j’ai vraiment apprécié l’échange proposé avec le comédien à la fin du spectacle pour essayer de nous donner davantage de clés autour de son travail – travail que je suivrai à l’avenir avec attention.
Quand le mentalisme apprend aussi au spectateur à voir, on ne peut que saluer l’ambition