Voilà de quoi est fait le chant symphonique de l'amour qui bruit dans la conque de Vénus
Il y a le chant de l'amour de jadis
Le bruit des baisers éperdus des amants illustres
Les cris d'amour des mortelles violées par les dieux
Les virilités des héros fabuleux érigées comme des cierges vont et viennent comme une rumeur obscène
Il y a aussi les cris de folie des bacchantes folles d'amour pour avoir mangé l'hippomane sécrété par la vulve des juments en chaleur
Les cris d'amour des félins dans les jongles
La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales
Le fracas des marées
Le tonnerre des artilleries où la forme obscène des canons accomplit le terrible amour des peuples
Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté
Et le chant victorieux que les premiers rayons de soleil faisaient chanter à Memnon l'immobile
Il y a le cri des Sabines au moment de l'enlèvement
Le chant nuptial de la Sulamite
Je suis belle mais noire
Et le hurlement précieux de Jason
Quand il trouva la toison
Et le mortel chant du cygne quand son duvet se pressait entre les cuisses bleuâtres de Léda
Il y a le chant de tout l'amour du monde
Il y a entre tes cuisses adorées Madeleine
La rumeur de tout l'amour comme le chant sacré de la mer bruit tout entier dans le coquillage
Guillaume Apollinaire, le 7 décembre 1915, dédié à Madeleine Pagès
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