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Exposition «Épuisement du paysage» Marc Brunier-Mestas – Rodez

Publié le 04 septembre 2021 par Philippe Cadu

Artiste Graveur polymorphe, j'ai choisi la voie de l'art contemporain, en inscrivant ma démarche dans le domaine de la gravure. Je revendique cette pratique pour plusieurs raisons.

L'estampe comme marge des pratiques plastiques.

La première raison est celle qui édicte que l'estampe reste en marge des pratiques plastiques dites majeures. Mais la marge est justement cet espace privilégié des possibles, cette latitude lui permet d'être conjuguée aisément avec les autres domaines artistiques. C'est déjà l'une des premières techniques artistiques qui développe le concept de la transversalité. Souvent le statut de graveur est relégué alors qu'il est une pratique essentielle dans la composition que ce soit en deux dimensions et surtout en trois dimensions. Dans l'espace de la toile comme de la sculpture, c'est un savoir-faire qui procède par soustraction de la matière. La gravure peut être la métaphore de la " Cité " lorsqu'elle est imprimée, la marge qui la fait vivre devient " la périphérie " tandis que l'image produite devient " le centre historique ".

Un art de la révélation

L'estampe est un art de la révélation et de la surprise. L'image produite est le résultat d'un processus qui part d'une pensée et passe par la création d'une matrice avant d'aboutir au projet final imprimé, sans toutefois contrôler entièrement le résultat voulu. La création de la matrice est un véritable jeu de transformation, retrait, ajout, inversion, effet de miroir, négatif. La pensée occidentale qui convoque essentiellement le plein est déroutée. En gravure c'est le vide qui est acte créateur de l'œuvre. Sur linoléum ou sur bois, je dessine le modèle et je grave avec une gouge : c'est le vide que je soustrais, ce qui n'apparaitra pas à l'impression. Conduit par ma pensée, l'action qui régit ma main est celle finalement de voir et de dessiner par le vide. C'est par le plein que les vides vont se révéler et ce sont les vides qui seront qualifiables pour le public.

Cette pratique induit une analyse objective des lieux, de leurs histoires afin de pouvoir problématiser un concept lié au vécu du territoire. Il s'agit d'une immersion totale dans un espace. Tout peut alors prendre sens et provoquer chez le visiteur des connections avec son vécu, sa culture, son imaginaire et ses savoirs. La plupart du temps, le public s'invente sa propre vision. Je ne suis là que comme catalyseur du monde qui m'entoure. Les propositions plastiques chargées d'un présent et d'un passé renvoient le voyeur à sa propre actualité.

La technique ne fait pas tout

L'estampe est le point d'ancrage de toutes mes proliférations, dessins, sculptures, installations ou environnements. Elle est ma signature éthique, morale et artistique. C'est un élément fondamental et fédérateur qui inscrit mon travail dans une histoire globale des pratiques artistiques et des pratiques plus générales de la représentation. L'estampe condense en moi une concentration liée à de multiples contraintes techniques. Celles-ci sont lentes et complexes mais restent essentielles du processus d'introspection fondamentale pour l'ouverture de mon univers aux autres. L'humilité garantie par la difficulté du labeur quotidien me dispense une fraîcheur vitale, nécessaire à l'épanouissement des formes produites. Les manipulations techniques libèrent des forces qui ne sont pas mises en valeur lors de l'exécution beaucoup plus simple du dessin. Le processus mécanique de l'impression réunit les diverses phases du travail dans un acte unique.

De l'épuisement de l'image

A la recherche constante d'un travail visant à l'épuisement de mes codes graphiques, je pousse depuis 1999 par un work in progress permanent, ma démarche de graveur vers les limites de la représentation et de l'image. Le même format 8x8cm, le même médium : le linoléum, imprimé à sept exemplaires, plus de 1700 estampes, ce travail s'achèvera à 1881ème gravure, date de naissance de Picasso, de mort de Billy the Kid et de la loi sur l'affichage publique. Ce travail reste à la marge de ma production de grands bois gravés, puisqu'elle s'articule entre division et multiplication par 9 elle entraînera finalement une remise à zéro, pour que tout soit à refaire.

Avec l'édition, les pages tournent

Le design graphique ainsi que mes participations à diverses éditions, (de la microédition aux éditions nationales) m'ont appris le sens de la communication, de la médiation et de la diffusion d'une culture vivante, d'un savoir via divers supports. Il s'agit là de répondre à des commandes sous contraintes, de format, de lisibilité, d'adéquation avec une collection et des collaborations avec des auteurs qui fournissent des textes, à destination de publics larges et ciblés.

Du Roman Graphique au film d'animation

Toujours en quête de création de situations imaginaires je requestionne constamment mes savoirs techniques pour extirper la gravure de la catégorie des arts graphiques et de sa restrictive connotation technique. Formé à ce média traditionnel et maîtrisant ses arcanes je renouvelle le genre en pratiquant des re-visitations de genre comme le roman graphique. Inventer des récits sans mots, uniquement générés par une suite d'images de bois gravés, c'est inventer des possibles. Il m'a semblé évident que mon travail devait convoquer le film animé. L'artiste graveur que je suis, sur le fil de l'estampe, tend à porter d'autres casquettes comme celle de réalisateur.

La gravure imprimée revêt sa robe de mariée

Lorsque l'on pratique la gravure, on ressent ce charme mystérieux qui, à la période médiévale entoura l'invention de l'imprimerie.

Les gravures sur bois " Épuisement du paysage " série entamée en 2019.

Cette nouvelle tentative d'épuisement est une recherche qui porte sur la représentation du paysage et sa transformation. Depuis 2019, je combine pratique de la marche et pratique de la gravure sur bois dans une approche documentaire et graphique à la lisière de l'abstraction. Je prélève en dessinant in situ sur la matrice en bois de tilleul et j'opère la transformation en gravant une fois dans l'atelier sur la base de mes souvenirs et impressions. Cela confectionne une collection de fragments extraits des territoires proches et lointains dont j'ai fait l'expérience physiquement. Le paysage, le point de vue, le végétal, la matière et la lumière composent une archive d'instants privilégiés et proposent une lecture sensible de nos manières d'être face à la nature.

Marc Brunier-Mestas

Marc Brunier-Mestas est né en 1968, il vit et travaille en Auvergne. Étudiant à l'Ecole des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand et diplômé en 1993, il est aujourd'hui l'un des chefs de file de la gravure alternative mondiale. Il enseigne, entre autres, l'estampe, le graphisme, l'édition à l'Ecole d'arts plastiques de Riom.

Le graveur incise la vie contemporaine telle qu'il la voit, telle qu'il la redoute, telle qu'il l'envie, telle qu'il la vit. C'est à travers une voracité d'images que Marc Brunier-Mestas s'inscrit dans la lignée des graveurs noirs modernes : Jarry, Dix, Kirchner...

Son travail est présenté dans de nombreuses expositions personnelles en France et à l'étranger (Chenshia Museum de Wuhan - Chine, Corpus Christi Gallery - Texas, Arts Factory - Paris...). MBM est diffusé entre autres par le Dernier Cri, United Dead Artists et les éditions Derrière la salle de bain.


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