Dans une démarche qui se situe à mi-chemin entre la poursuite de sa stratégie de diversification et une simple opération marketing, la russe Tinkoff annonce ce mois-ci l'intégration de Spotify – a minima, toutefois – au sein du catalogue de sa super-app mobile, en complément de sa galerie de boutiques virtuelles et de sa messagerie sociale.
Dans son volet superficiel, la collaboration, qui est présentée comme une première du genre pour la plate-forme de musique en ligne, consiste essentiellement en une option de souscription à la version payante du service depuis les applications web et mobile de l'établissement, assortie d'avantages promotionnels, dont le plus significatif est le remboursement (sous une forme de « cash-back »), chaque mois, d'une partie du prix de l'abonnement (25% pour les clients d'une offre pro ou premium, 5% pour les autres).
Cependant, en arrière-plan, la démarche comporte également une dimension attractive pour la banque, dans la mesure où cette dernière prend en charge les versements (récurrents) des utilisateurs, depuis leur compte courant, en toute transparence et sans requérir la moindre intervention de leur part. La simplification de la gestion apportée de la sorte à ses clients représente simultanément un facteur d'adhérence supplémentaire (qui, incidemment et s'il était nécessaire, profite probablement aussi à Spotify).
L'initiative est naturellement alignée avec la stratégie d'expansion de Tinkoff hors de son secteur d'activité principal et sa tentative ambitieuse d'émulation des dragons chinois, avec leurs approches d'agrégation tentaculaires. De ce point de vue, elle souffre pourtant de ne pas être totalement aboutie : en ne proposant qu'un point d'entrée vers l'univers de son partenaire, sans embarquer la musique au cœur de l'expérience qu'elle délivre aux adeptes de sa solution, elle rate le coche et s'avère ainsi peu convaincante.
Il s'agit peut-être là d'un signe d'échec (au moins partiel) du modèle de la super-app portée par une banque. En effet, d'une part, les synergies dégagées avec les fournisseurs existants ne semblent pas tenir toutes leurs promesses et, d'autre part, la réserve qu'exprime implicitement Spotify par son investissement très limité tend à démontrer une faible capacité à séduire les participants potentiels. Le seul lien par les paiements ne suffirait donc pas à créer une plate-forme, comme je le soupçonne depuis longtemps…