Libéraliser les marchés de l’agriculture, c’est faire tomber la gestion de l’offre, l’aide du gouvernement accordée aux agriculteurs. Inévitable?
Libéraliser, c’est jouer dans la cour avec de grands dumper, ces pays qui produisent au rabais en subventionnant l’industrie agricole ou en payant les travailleurs 1 ou 2 $ de l’heure. En plus, ces pays surproducteurs ne respectent souvent pas les normes environnementales. Ils produisent donc à bas prix et dump leur produit sur les marchés mondiaux, déstabilisent l’industrie locale, et prennent petit à petit le contrôle des tablettes d’épiceries.
Par exemple, en Jamaïque, les producteurs laitiers locaux ne sont plus capables de rivaliser avec le lait provenant des États fortement subventionnés et doivent le jeter. En gardant des tarifs douaniers élevés, le Canada empêche le lait américain de traverser la frontière pour être vendu en dessous du prix de nos producteurs laitiers. On garantit ainsi un marché de vente aux locaux. C'est ce qu'on appelle la gestion de l'offre.
L’idée derrière la mondialisation est de faire baisser les tarifs douaniers partout dans le monde pour créer un libre marché. Un marché sans arbitre que sont les États qui règlementent actuellement l’import-export par des règles protectionnistes.
L'auteur de Mort à la Globalisation, John Saul, dénonce et qualifie de trompeur le discours de « l’inévitable mondialisation contre laquelle l'on ne peut rien. » Il est plutôt optimiste dans l’idée de bâtir des liens commerciaux internationaux sans pour autant abolir toute forme de protection aux productions locales.
Les pays qui veulent protéger leurs productions locales sont invités par l’OMC et son directeur Pascal Lamy, à ouvrir leurs douanes et à accueillir les produits agricoles de l’étranger. Selon l’idée de mondialisation, c’est inévitable de faire du commerce avec le plus de pays possible.
Au Québec, les produits protégés par une politique de gestion de l’offre sont principalement le lait, les volailles et les œufs. Ils représentent 40 % des recettes agricoles, liées à 70 000 emplois, selon André Pratte de la Presse. Selon lui, il ne faut pas s’entêter à protéger les produits agricoles de la concurrence, car les producteurs savent s’adapter aux défis de la mondialisation. Ils l’ont déjà prouvé dans d’autres domaines.
Christian Lacasse de l’Union des producteurs agricoles pense le contraire. Il dit craindre une déstabilisation du marché intérieur bombardé de produit agricole à bas prix venant de l’extérieur. Partisan du statu quo, il ajoute que les prix payés à la caisse pour les produits sous la politique de la gestion de l’offre sont déjà compétitifs par rapport à un pays qui fait du dumping, les États-Unis.
Pour qu'un accord sur la libéralisation des marchés agricoles par la baisse des tarifs douaniers entre en vigueur selon les conditions de l’OMC, elle doit obtenir l’aval des 153 pays membres. L’Inde s’y oppose pour l’instant. Les États-Unis, fier partisan de la baisse des tarifs douaniers, avec son possible changement de président pourraient revoir leur position selon le résultat des élections à venir.
Enfin, ce ne sera pas après la présente conférence de l’OMC en cours ces jours-ci à Genève qu’on verra la libéralisation du commerce de l’agriculture prendre la forme d'un accord. Les pays membres l'ont rejetée.