Au moment des derniers tests médicaux, un problème apparait: des signes anormaux sont détectés sur l'électrocardiogramme de mon commandant… Lui partait pour un vol de 6 mois, et les médecins décident de ne pas prendre le risque de le laisser partir. Il s'était entraîné spécifiquement pour un programme opérationnel complexe avec l'ingénieur de mission, qui ne pourra donc pas partir non plus. S'est donc posée la question de savoir si on remplaçait tout l'équipage ou seulement ces deux personnes. Heureusement, comme j'étais ultra formée pour le programme scientifique, j'ai été conservée pour cette mission et j'ai donc pu partir, avec deux autres collègues russes Valery et Sacha que je connaissais bien, avec un complément d'entraînement de dernière minute. C.H.: Le 17 août 1996, la fusée Soyouz décolle. La propulsion des 3 étages dure 8 minutes et 45 secondes, à ce moment-là on atteint la vitesse de 28 000 km/h, on est alors injectés en orbite à environ 200 km et on découvre la si attendue apesanteur. Je n'ai pas été surprise par ce décollage, je l'ai même trouvé plutôt doux, avec des facteurs de charge progressivement croissants jusqu'à 4 G. C'est quand j'ai regardé par le hublot que j'ai été époustouflée par la beauté de ce que je voyais, c'était encore plus beau que ce à quoi j'avais pu rêver. J'ai assisté à une aurore boréale depuis l'espace, c'était merveilleux. La sensation d'apesanteur, de liberté du corps et des mouvements était également incroyable. À cette époque, il fallait compter 48 heures entre la mise en orbite de notre capsule jusqu'à l'amarrage à la station MIR, située elle à une altitude orbitale de 400 km. Aujourd'hui cela ne prend plus que 3 heures (2 orbites de 90 min). J'ai vécu l'arrivée à la station comme de la science-fiction. On observe la station à l'approche d'abord de très loin, on ne voit qu'un point brillant dans le noir, puis on s'approche, et on voit les modules et les panneaux solaires illuminés par le soleil. Elle était énorme : plus de 120 tonnes en orbite, 7 modules, 300 m3 de volume pressurisé, avec des dimensions de 19 par 31 par 28 m. L'arrivée est très impressionnante. Je découvre donc la station, la possibilité de me déplacer dans ce grand espace, volume en 3 dimensions. Il faut apprendre à se repérer entre le haut, le bas, la droite, la gauche, l'avant, l'arrière, ce qui n'est pas habituel pour notre cerveau de terrien. C'était magique, mais je l'avoue un peu déstabilisant le premier jour. C.H.: Nous avions un gros programme scientifique, élaboré par le CNES en coopération avec nos partenaires russes, dont une partie sur les sciences du vivant pour comprendre comment un organisme, qu'il soit humain, animal ou végétal réagit à l'apesanteur et s'y adapte. J'avais aussi un programme en physique des fluides et en physique des plasmas. Nous avions également des manips technos : déployer une structure complexe pour voir comment elle se comportait (expériences Castor et Treillis). C'était une manière pour les ingénieurs de tester une structure complexe pour ensuite déployer des panneaux solaires sur des satellites. Une technique pour tester en situation réelle de futurs déploiements de matériel en orbite.
J'étudiais également la physiologie humaine : le fonctionnement du système nerveux sur le plan cognitif (expérience COGNILAB), comment on se représente en 3 dimensions, comment se fait la prise de références et le contrôle de la posture. Il faut savoir qu'au sol, nous avons des capteurs multiples, notamment dans l'oreille interne (système vestibulaire), mais aussi sur la peau (exteroception) ou les articulations et muscles (proprioception) qui nous permettent de nous tenir debout, de nous déplacer, de lancer des objets. En apesanteur, ces capteurs fonctionnent totalement différemment, et il s'agissait d'étudier l'adaptation à ces nouvelles conditions de fonctionnement. Le programme PHYSIOLAB s'intéressât aux modifications du système cardio-vasculaire et, l'expérience FERTILE m'a permis d'embarquer des pleurodèles (sortes de salamandres) pour étudier le développement des œufs pondus à bord en absence de gravité. À cette époque, on faisait plutôt de la science qui observe, sans avoir la possibilité de tout expliquer, un peu “science en camping”. Aujourd'hui, à bord d'ISS, grâce à de très performants laboratoires embarqués, on est capable de faire de la science qui va expliquer, donc comprendre les différents phénomènes étudiés, et le travail en coopération scientifique avec les 5 partenaires de la Station spatiale internationale permet de répéter les expériences et conforter les résultats, une vraie recherche comme dans un labo au sol. Et quel bonheur de vivre ensemble dans notre diversité culturelle, la vie d'équipage en microgravité et l'observation de la terre si belle et fragile par les hublots de la station C.H.: Contrairement à la mise en orbite, que j'avais trouvé plutôt douce, la rentrée dans l'atmosphère terrestre a été un peu plus éprouvante et sportive, un mélange de fortes sensations qui me restent encore en mémoire. N'ayant passé que 16 jours en microgravité, mon corps n'avait pas souffert du déconditionnement musculo-squelettique (atrophie musculaire, fragilisation osseuse des expéditions de longue durée, 6 mois). À l'atterrissage, il faut quelques heures pour se réhabituer à la présence de la gravité dans le contrôle des mouvements et de l'équilibre. Tout paraît si lourd! sa tête à porter, son tee-shirt à enfiler, le verre à soulever! Mais tout comme l'adaptation à la microgravité m'a surprise par sa rapidité, la réadaptation à la gravité est également très rapide. Le médecin que je suis reste fasciné par ces capacités d'adaptation à des situations. Et la terrienne que je suis a retrouvé avec bonheur également… les odeurs de la Terre. Dans la station, l'air est filtré et purifié, il n'y a quasiment pas d'odeurs. Alors, quand on a ouvert l'écoutille du module dans les steppes du Kazakhstan, j'ai été frappée par les senteurs de la terre et des champs de blé. De retour, après un voyage magique et un séjour merveilleux. Nous savons tous que le droit de vote est à la base de notre système démocratique auquel d’ailleurs, beaucoup aiment ajouter l’adjectif «républicain». Nous savons tous aussi que bon nombre de nos aïeux ont accepté de mourir pour l’établir et le...