à ce que tu manges
à ce que tu portes
et comment tu te portes
fais gaffe à qui tu parles
à qui te hante
aux saisons en pente
attention à ne pas perdre tes clefs
ton frère
les années
à ne pas perdre la tête
le coeur
pour je ne sais qui
tu risques de ne plus les retrouver
attention à tout ce qui bouge
ou qui ne bouge pas
car tu ne sais guère ce que te préparent la concurrence
le hasard
ou le diable déguisé en homme de bonne foi
attention à l’école
au feu rouge
au travail
aux étoiles qui brillent encore
attention à la marche
au marché
à la pluie
à la file d’attente
au volant
aux voleurs
au verglas
aux arbres qui fleurissent
dans l’orage
et n’oublie pas la porte ouverte
l’enfant sur la banquette arrière
n’oublie pas d’éteindre le feu
de te laver les dents et les péchés
en péchant avec bonté
n’oublie pas le printemps sur un banc dans le parc
n’oublie pas de rire de la malchance
n’oublie pas les nuages qui te tiennent chaud
et de lire une poésie
quand la réalité te sort par les orifices
n’oublie pas les êtres chers
les gens malheureux
dignes sincères droits
mais n’oublie pas non plus les imposteurs
qui essorent ton existence
pour leur bénéfice
n’oublie pas d’espérer
malgré ceux qui te mettent mille bâtons dans les roues
n’oublie pas de te réjouir
de t’émerveiller d’être encore en vie
quand tous les éléments semblent comploter
contre tes rêves
mais surtout
n’oublie pas de dire « notre père »
à ta mère
tant que tu as encore le temps
n’oublie pas de dire « je t’aime »
tant que tu as encore à qui
n’oublie pas de dire bonne nuit
au soleil
car il veillera
ton sommeil
***
Radu Bata – Le fou rire de la pluie (Unicité, 2021)