Tsui Hark, pour les connaisseurs, est une des personnes qui a le plus influencé le cinéma chinois de la deuxième partie du vingtième siècle. Producteur des meilleurs John Woo, réalisateur très porté sur l’expérimentation, responsable de quelques uns des plus beaux films de Honk Kong, Tsui Hark est définitivement un homme incontournable là-bas. En 2001, il a décidé de tourner un polar remettant en cause un certain nombre d’éléments et de poncifs jusqu’ici gravéd dans le marbre. Accrochez-vous, l’expérience est hallucinante, et en plus elle vieillit bien !
Time and Tide – Film complexe et polymorphe
Après une nuit de beuverie Tyler, un jeune glandeur, met enceinte Jo une femme policière rencontrée ce soir-là. Celle-ci demandant de l’aider financièrement, il accepte un travail de garde du corps auprès de Hong, le chef d’une triade locale. Tyler va petit à petit se lier d’amitié avec Jack, le beau-fils de Hong, un mercenaire dont les anciens associés sont chargés d’éliminer Hong. Entre tentatives d’assassinat et trahisons, la situation va vite devenir inextricable…
Le titre Time and Tide, n’a pas de rapport avec le scénario, mais est une illustration parfaite de l’énergie qui anime le film. Le temps et la marée, à savoir un va-et-vient incessant, une mobilité permanente, le refus d’une situation posée. Time and Tide est ainsi un film sans temps mort, qui ne prend jamais le temps de se poser et file à 200 à l’heure pendant deux heures. L’expérience est éprouvante pour nous autres spectateurs habitués à un rythme ménageant des phases de pause. Mais si elle est éprouvante, l’expérience est aussi foncièrement captivante.
Tsui Hark a toujours tenté d’expérimenter dans ses films. Il tente d’exploser la cadre habituel de la caméra suivant l’action, pour en faire une partie intégrante de sa mise en scène… quitte à tomber dans le n’importe quoi, comme pour ce plan en vue subjective d’un pied rentrant dans une chaussure dans Piège à Honk Kong avec Van Damme (au passage l’un des meilleurs films du kicker belge). Ici, Hark se lâche en se lançant des défis timbrés. Comme par exemple de ne jamais avoir une caméra statique, ou encore de filmer de manière ultra dynamique une fusillade en rappel sur une paroi d’immeuble. Cet homme est barge, et en même temps totalement génial.
Mais cette énergie a également un défaut. En voulant donner au spectateur une impression constante de mouvement, Hark complique à outrance un scénario plutôt simple, le rendant assez incompréhensible de prime abord. Il faut arriver à la moitié du film pour arriver à comprendre un peu mieux ce qui se passe. Et c’est malheureusement un peu frustrant. Les personnages sont nombreux et leurs motivations pas évidentes. Mais petit à petit, les pièces du puzzle se mettent en place et on gagne en compréhension.
Avec son énergie débordante, le film laisse KO à la fin de sa vision. On a l’impression de s’être pris un uppercut en pleine figure, d’être totalement lessivé. Quand je l’avais vu au cinéma, lors de sa sortie, je n’arrivais à décider si j’avais trouvé ca génial ou nul. Avec un peu de recul, et après l’avoir revu plusieurs fois en DVD, le constat est plus clair : génial et totalement barré en même temps. Ce qui peut être un peu déstabilisant.
Le casting, puisqu’il faut néanmoins en parler, permet pour une fois à Nicolas Tsé (aussi vu dans New Police Story avec Jacky Chan) d’avoir un rôle conséquent et de bien jouer. En support, Anthony Wong, ici dans un rôle mineur, est toujours aussi bon. Il faudra d’ailleurs que je revienne un jour sur un film totalement taré dans lequel Wong a pu jouer : The Ebola Syndrome. Mais ca sera pour une autre fois.
Pour résumer cette chronique, les amateurs de cinéma HK n’ayant pas encore eu l’occasion de regarder Time And Tide devraient se ruer sur le DVD disponible n’importe où. C’est à la fois une belle claque et une belle leçon de cinéma et de prise de risque. Pas si mal pour un film d’action, non ?