Le roman graphique
La bombe relate les quelques années de recherche et de fabrication de la bombe atomique, de l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933 à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. De la découverte de la fission des atomes aux explosions d'Hiroshima et Nagasaki, en passant par le projet Manhattan (dans lequel l'Université de Montréal fut impliquée!), l'histoire nous est racontée par la bombe elle-même, ou plutôt, par son composé, l'uranium, narrateur omniscient. Difficile d'imaginer à quel point cette course à l'armement a été intense, difficile d'imaginer à quel point les forces engagées dans la guerre, États-Unis en tête, ont participé à cette escalade, en flirtant souvent avec la morale et en dépassant parfois l'éthique. Dans ces 472 pages en noir et blanc, magnifiant les détails par les ombres, les pleins et les traits percutants, cette découverte scientifique de premier ordre mènera les hommes qui développeront cette arme à de nombreux questionnements éthiques, conférant un aspect philosophique à cette œuvre somme. Au départ se voulant une arme de dissuasion, les artisans de cette catastrophe annoncée ne se doutaient pas au départ de l'utilisation qui en serait faite. Progressivement, plusieurs d'entre eux se sont retirés du projet et d'autres ont voulu interdire l'utilisation concrète de la bombe, sans succès comme on le sait. Ces acteurs de l'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, des scientifiques chevronnés, certains Prix Nobel (Fermi, « pour ses démonstrations de l'existence de nouveaux éléments radioactifs produits par l'irradiation neutronique, et pour la découverte corrélative des réactions nucléaires causées par les neutrons lents. » Source : Wikipédia) se sont retrouvés à travailler sur l'élément et l'arme qui bouleverseront le monde contemporain, positivement et négativement.
À la lumière de cette bande dessinée, on se demande s'il n'aurait pas mieux valu qu'ils laissent tomber toute recherche sur cette énergie, devenue une arme de destruction massive et qui plane aujourd'hui quelque part au-dessus de nos têtes à tous. On referme ce livre avec un sentiment de peur et d'inquiétude pour la suite. Les images des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki nous font sentir l'inconscience et la folie humaine lorsqu'il s'agit d'imposer son pouvoir sur les autres. Le fait de mêler l'Histoire avec un grand H et ses acteurs avec le destin de citoyens exclus de celle-ci permet d'aborder les événements de manière plus globale et nous oscillons sans cesse entre l'admiration pour les découvertes scientifiques et les conséquences de celles-ci sur la vie de citoyens innocents.
Cette bande-dessinée ultra documentée recèle de détails scientifiques, tout juste assez complexes. L'univers dépeint reste tout le long très masculin, les personnages étant des scientifiques, des militaires ou des hommes politiques. Les femmes ne sont que des personnages secondaires, "femmes de", faire-valoir, et c'est tout juste si Marie Curie est abordée au début de la bd. C'est malheureusement le reflet de la société à l'époque et la représentation de cet univers de pouvoir, de décideurs et de scientifiques qui ont mené le monde depuis toujours...
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Compléments :Reportage de Louis-Philippe Ouimet pour Radio-Canada : L'histoire de la bombe d'Hiroshima en dessins
Denis Rodier : Comment j'ai dessiné la bombe?
La bombe, Didier Alcante, LF Bollée et Denis Rodier, Éditions Glénat, 472 pages.
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Découverte musicale : À mi-chemin entre Satie et Tiersen : Mathieu Bourret, Pamplemousse (InTempo musique, 2021)