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Les fuites harmoniques

Publié le 22 août 2021 par Comment7
Les fuites harmoniques

Fil narratif à partir : Emma Van Roey, 233 kilo 2u05’, Isabel Carvalho, Langages Tissés, Centre d’art Le Lait Albi ( œuvres : Des vagues de bonnes fortunes. La littérature sauvée de la mer et des feux. Quel privilège ! – L’interminable mèche de tous les livres brûlés. Les cendres restantes nous mènent à nous questionner : quel était donc le danger de leur existence ? – Vecteur 2. Physiologie de la voix : Trachées & glottes – L’esthétique du chant, la Transfiguration de Sainte Cécile. Les foulards sont comme des pièces de vêtements ornementaux contenant la promesse d’une expression collective plus adaptée.) – La photo d’une rêveuse – Christian Prigent, Chino au jardin, P.O.L – cols et nuages en Ariège…

Les fuites harmoniques

C’est sa source de légèreté autant que son leste dépressif, ne revoir sa vie que comme autant de précipités précaires, aléatoires, ce qui les relie entre eux trop ténu, arbitraire, parfois, oui, « sautant aux yeux », souvent introuvable. En eux-mêmes, chacun de ces instants hésite entre consistance et inconsistance, paraître ou s’effacer, épousant la sensation que l’on éprouve à prendre du sable entre les mains, fugace promesse de forme, malléable, qui, aussitôt ses grains rassemblés, coule vers l’informe. Attraction irrésistible et irréversible. Dans ces flux et reflux ordinaires, son activité aura consisté en la tentative de retenir, de faire tenir ensemble, avec des bouts de ficelle, quelque chose qui soit « lui », tout en agrégeant ce qui de cette parcelle individualisée aura été commun à tout ce qui l’entoure. S’il cherche à se figurer cela mentalement, aussitôt, resurgit une installation d’une jeune artiste, Emma Van Roey – jeune à l’époque où je découvre cette œuvre, moins aujourd’hui. Ce n’est pas une question d’interprétation ou de compréhension après coup de ce que lui suggérait la création plastique, non, dès qu’il la vit, il dit « c’est à cela que ressemblent le journal de ma vie ». L’œuvre, circonscrite aux dimensions du lieu d’exposition, il la projette en lui comme infinie, une paroi blanche indéterminée, vierge, où s’agrippent des « moments » selon toujours le même processus et combinaison : une planchette de bois, du sable, des fils de couleur (bleu, rouge, vert, orange…). Ils se ressemblent et sont tous différents, singuliers. Pas deux planchettes les mêmes, parfois des morceaux de bois massif, parfois des récupérations de menuiseries ou des compositions. Le tracé des fils n’est jamais semblable, il ne correspond pas à une tentation répétée de ficeler les choses selon la même technique, non, ils entourent, traversent, jaillissent, tendus strictement ou en guirlande.  Parfois ils jaillissent de la masse sablonneuse en pelote échevelée. La masse résiduelle de sable est chaque fois unique, elle a tenu compte de la surface du bois et de la contrainte exercée par les fils. N’y voir qu’une collection d’instants qui fuient, qu’une obstinée chute vers l’informe est exagéré. Car planche, sable et fils sont aussi, entrelacés, tissés, ils forment des ensembles réfléchis, les matériaux interagissent entre eux, sont empreintes de toutes les lois naturelles qui ont pesé sur eux et ils restent évocation de ce qui faisait leur initiale singularité, configurations uniques. Là, ils sont immobiles, figés dans une inertie solidaire. La désagrégation est retenue, s’interrompt. Éparpillés sur la paroi blanche – falaise du vivant vierge -, esthétique fourmillante de micro-habitats troglodytes ou constellation d’ex-votos, autant de témoignages de sa volonté de faire son nid aux creux des événements, enfin, de ces événements qui se présentaient à lui et qu’il ressentait comme des opportunités de nouer quelque chose, d’esquisser un ancrage événementiel, parce qu’ils éveillaient en lui des énergies, des « savoirs » et « savoir-faire » qui lui étaient propres, formels ou informels, avérés ou simples promesses, le rendant aptes à dialoguer avec ces occurrences (humaines, animales, végétales, minérales, paysagères, contextuelles). Exactement comme en ces heures où il commence à se demander ce qui restera de sa vie, ce qu’il a pu y construire, et que le regard rétrospectif aperçoit bien des silhouettes, des ombres, se rappelle des instants où il s’est passé quelque chose, mais sans plus aucune précision, juste des traces désormais informelles, suggestives, à la manière d’un visage aux traits caractéristiques estompés, des sortes de tombes muettes. Mais jamais complètement retournées au néant, juste au bord. Un travail de mémoire pourrait-il reconstituer les « originaux » ? C’est d’abord un sentiment de panique qui l’envahit devant ce spectacle du « il ne reste rien de ce que j’ai vécu ». avant de, peu à peu, s’y faire, et y trouver même un relatif confort à vivre ainsi parmi les traces érodées de ce qui a jalonné son parcours, la construction de lui-même, bois, sable et ficelle, désormais dédié à cette alternance, panique et réconfort. Son histoire est celle de cette érosion, érigée en narration à rebours. Sans cesse chercher à ressaisir ce que ses actions n’auront cesser d’engendrer comme oubli, absence et vide, cherchant à le préparer, à son insu, à l’ultime disparition. Ainsi, dans sa solitude, la fascination éprouvée pour une photo envoyée il y a longtemps par son amante, portrait en rêveuse, visage ouvert malgré les yeux clos et les lèvres entrouvertes. Ou encore, la surprise inusable devant le fait qu’il oubliait systématiquement ce qu’il lisait ou écrivait, la page blanche ne cessant de se reconstituer, présentant toujours la « première fois » d’une surface vierge et ce, malgré les années s’accumulant. Finalement, s’il écrivait quotidiennement, c’était pour retrouver et s’incorporer des bouts de tout ce qu’il avait déjà écrit au cours de sa vie, exhumer des ph(r)ases de sa biographie, tendre et retendre des fils retenant un tant soit peu le sable de ses actions, de ses tentatives de comprendre ce qui lui arrivait, de se projeter en telle ou telle direction, rassembler des bribes grâce au mécanisme de l’écriture et réécrire. Activité s’apparentant aux tonneaux des Danaïdes. Cela ne visait pas exclusivement le maintien désiré mais impossible d’une certaine consistance consciente. Ce qu’il croyait être un trait idiosyncrasique, il découvrit bien plus tard qu’elle était comprise par d’autres comme participant à l’essence du littéraire, à savoir une dynamique de fuite, « fuite incessant de concepts, de formes, d’expériences », comme dans cet extrait où Alexandre Gefen cite Roland Barthes : « Barthes, reprenant la vieille question philosophique du bateau de Thésée, décrivait la littérature « tel le vaisseau Argo qui gardait toujours le même nom bien que toutes les pièces en eussent été changées peu à peu », avant de conclure que « la littérature n’est au fond que le nom stable d’une fuite incessante de concepts, de formes, d’expériences ». » Cela étant, la tâche qu’il s’assignait de reconstituer sans cesse une écriture perdue, venue de lui et, néanmoins porteuse de multiples provenances et contributions, n’était pas animée par l’amour d’une littérature « pure » et au-dessus de tout, mais soutenait d’autres désirs dont celui de rejoindre la part rêvée qu’il expérimenta en vrai il y a quelques années et dont le substrat reste préservé sous le visage rêveur de la femme aimée dont il conservait, comme une relique, une photo ancienne qu’elle lui avait envoyée, l’air de dire, « regarde-moi en rêveuse, comme je veille bien sur tout ce que tu as déposé en moi, il y a si longtemps, scrutant ce point intérieur où nous sommes toujours ensemble, enlacés ». Une photo imprimée, placée dans un cadre, posée jamais loin de lui, bien entendu, il ne la voyait plus distinctement, elle infusait dans le décor. Sous ce masque, bien entendu, reposait tout ce qui lui avait importé, en amoureux transi et « hors de lui ». Voilà les objectifs le taraudant plus que tout et que progressivement noyait la catastrophe climatique, écologique, envahissant tous les domaines de la vie. La « casse du siècle » comme écrivait Yves Citton.

Cette précarité ressentie, à la fois germe d’extinction et de renouveau, n’est donc pas sans lien avec son penchant naturel à oublier ce qu’il lit, ce qu’il écrit, le sentiment de devoir sans cesse relire et reprendre le fil de ses écritures. Une fois, il entra dans une exposition et eut l’impression de voir représenté exactement ce dont il s’agissait. Car, ce n’était pas que tout texte absorbé s’effaçait, retournait au néant, mais intégrait son métabolisme et devenait autre chose (peut-être, au fond, la finalité de tout texte, phrase, écriture ?). Il y avait, dans le texte de présentation de cette exposition, une phrase qui le titilla d’emblée : « combien de livres avons-nous eu la chance de lire et combien sont arrivés jusqu’à nous ? ». Et le fait que les diverses œuvres installées avec soin et sens dans la maison lumineuse donnant sur le parc venaient lui parler de sa relation avec les innombrables livres constituant l’humus de son imaginaire, cela lui parut évident, d’emblée, face à quelques dessins et schémas où se réunissaient le chant central de certains êtres, le cheminement de l’âme au long de ses psaumes ordinaires du quotidien, l’errance inévitable de tout lecteur à l’intérieur du cosmos illimité des textes lus et à lire. (« … le matelas des livres où sommeillent ces mondes vus en peinture est pour le bureau une sorte de muqueuse prête à s’émouvoir et même à te rendre au centuple l’émoi si tu lui touches d’un doigt curieux les plis. », C. Prigent, Chino au jardin) Mais, d’abord, il s’arrêta devant un alignement de courtes colonnes, des « trachée et glottes », sculptées, ouvragées, vestiges sans âge, qui lui fit dire après déglutition des formes devant lui : « mon dieu, oui, c’est par là que ça passe, que ça entre dans le corps, c’est évident, voilà la porte d’entrée du corps pour tous les textes lus, ils rejoignent les poumons, avec eux s’engouffre l’oxygène dans toutes les alvéoles, ils infiltrent directement le mécanisme vibratoire, par où ça bruisse, murmure et ventile ». Et à force de passer là, de se mouler dans ce conduit, ils le façonnent à leur image, « trachée et glotte » finissent par ressembler à ce que les textes inspirent au lecteur, à le traduire dans ses organes, en commençant par ceux par où passent l’air de la vie et les sons du langage. Ce que montrent diverses moulages de plâtre, comment ça grouille et travaille dans le conduit central. Comment, une fois happés par les yeux, déchiffrés par le cerveau, comment le corps mange les mots, leurs images, leurs sons, leurs structures, leurs concepts et comment la matière textuelle colonise la chair, les muqueuses, les fibres, les muscles, entre-dévoration constitutive. Cela ressemble à des restes de colonnes et chapiteaux de temple très anciens, remontés des entrailles. Cela évoque aussi des carottes de pierre puisées au centre de la roche terrestre ou des abysses de corail. La masse de textes lus décomposés, agrégés, constituant bien en son centre de solides couches minérales, des abîmes et ténèbres semblables aux fosses marines, peuplées d’existences embryonnaires inconnues, non répertoriées, en devenir. En écho, l’étrange ossature labyrinthique – la mèche interminable des livres brûlés, disons, en ce qui le concerne,  « brûlés » par la lecture même, carburant de l’organisme -, que confectionnent les myriades de phrases englouties, digérées, sédimentées. Voilà, le squelette d’un lecteur, d’une machine humaine à lire des livres, mimant le schéma d’une circulade un peu embrouillée. En tout cas, ainsi s’est développée la structure de sa machine à lire. « Oui, l’ossature qui fait de moi un organisme-lecteur doit ressembler à ça, rien de linéaire, du circulaire emmêlé propice à l’errance infinie, à l’entre-greffe de différents structures mortes et vives, multipliant les possibilités d’infiltrer d’autres dimensions du vivant. » Chemin de ronde où se perdre, littéralement, marmonnant des restes de lectures, perdant la notion du temps, recherchant en vain ce qui tant de fois jaillit des livres comme révélations définitives. Depuis, évanouies.

La matière des livres lus, pulvérulente – masse de fragments magnétiques mélangés modulés par les courants d’humeurs -, une fois métabolisée, quitte le registre de l’écrit imprimé, est avalée par la voie lactée de l’oralité à l’origine de toutes les culture et correspond vaille que vaille à ce qui « chante » en lui, à sa capacité de chanter en accord ou désaccord avec telles ou telles ondes. C’est pourquoi le travail d’Isabel Carvalho sur l’esthétique du chant lui sembla si proche des réseaux de murmures bourdonnant en lui Ce sont des schémas d’entretissements de matière et d’immatériel, de chair et d’esprit, d’intérieur et d’extérieur, d’humain et de non-humain, des matrices à déconstruire le binaire, le linéaire, et à impulser des corporéités plurielles, hybrides, à partir de ce qui chante dans n’importe quel corps, écho de « tous les sons du monde ». Ce ne sont pas des matrices génériques, mais spécifiques, individuelles, pathologiques. Voilà comment les particules charnelle-spirituelle, germes de non-binarité, circulent avec leur oxygène à travers toutes les cellules d’un organisme déterminé. A chacun-e de découvrir en son propre corps la manière dont un tel circuit s’invente et s’autonomise, selon quelles variations. Du reste, ces schémas, évoquent les partitions visuelles que certains musiciens créent en-dehors de la notation musicale conventionnelle et sont aussi des propositions de composition à interpréter librement selon les matières chantantes que chacun-e accumule en soi (à partir des expériences esthétiques plurielles, à partir des attirances ou répulsions magnétiques que suscitent les choses rencontrées, la capacité à transformer tout ça en « harmoniques »). Intuitivement, il se sent plus attiré par telle ou telle partition, son intériorité se sentant à même d’imiter tel ou tel dessin et pas d’autres, suivre des yeux les entrelacs pneumatiques-acoustiques réveillant les besoins primaires d’orchestrer de vastes et transcendantes harmoniques au sein de ce qui constitue son (petit) monde. Rappelant des extases qu’il voudrait revivre, renouer, des instants de transfiguration partagée, dans l’amour. « Comment une autre parole expressive et dialoguante, celle qui est chantée, à travers d’autres utilisations du corps où réside la voix, plus proche de ce que nous appelons concrètement la musique, et qui occupe tout notre être, crée-t-elle un espace réel pour accomplir une si grande harmonie ? » (Isabel Carvalho, L’esthétique du chant/La transfiguration de Sainte-Cécile, texte de l’exposition, où elle espère aussi que le dialogue chanté entre les différentes parties puisse créer « l’attraction qui provoque l’éveil vers l’union de toute séparation ».) 

C’est devenu une habitude, au moment de la sieste, il ferme les yeux après s’être intensément recueilli devant le selfie de la femme rêveuse, la mimant en quelque sorte, s’en faisant le miroir, de façon à mieux se glisser en elle, hypnotisé. C’est son rituel d’endormissement et il ressemble, ceci dit, au type de contemplation qui se déclenche, par exemple, face à une statue polychrome de Sainte-Cécile, presque voluptueuse. Il se faufile sous les paupières mi-closes, se téléporte dans la fabrique de rêve de son amante (désormais virtuelle et qu’il peut, en effet, déplacer/replacer dans telle ou telle autre icône féminine, gisant de sainte ou autre). Il espère y rencontrer des vestiges tangibles de ce qui leur fut commun dans l’amour. Il recrée ainsi artificiellement leur entre-deux. Dans cet espace indéfinissable, sorte de rivage vierge toujours à explorer, il aperçoit des formes noires plissées, comme posées sur des fonds marins, alignées, groupées, esquissant un parcours. Familières et indéchiffrables comme dans les songes. Restes de toiles ou de coques d’embarcations coulées. De ces formes étonnantes, inexplicables, que l’on ramasse, marcheur, au bord des chemins, que l’on ramène, plongeur, à la surface, fruits d’une fabrication élaborée que l’on ne parvient pas à expliquer (de quelle culture ? quel animal ? quel végétal ? quel minéral ?) Objets à la conjonction, à l’intersection de tout ce que l’on souhaite. Leurs constitutions plissées, variables, sont des pièces d’articulations métaphoriques entre les choses. Entre monde humain et non-humain, postures de phrases tordues par les éléments, eau, froid, vent, feu. Des phrases-sésames. Ce sont des objets trouvés dont l’esthétique superbe semble la finalité même, et qu’on aime ramener chez soi, exposer en vitrine, ou sur un vieux plancher. Énigmes. Ce qui ressemble à des fragments fossilisés de vagues sont les silhouettes/coquilles de livres lus sans lesquels il n’aurait jamais eu les impulsions nécessaires à nouer une aventureuse amoureuse. En tout cas, pas celle-là. Pour la plupart, il ne se souvient plus de leurs titres, de leurs personnages, de leurs trames, de leurs styles. Des livres perdus. Ce sont là des structures anonymes, des fantômes de livres. Juste le souvenir de la force qui en émanait et lui donnait le courage d’avancer dans la vie. Résidus de ces lectures qui l’ont toujours porté comme de puissantes vagues, mais jamais en lignes droites affirmatives, plutôt indécises, brisées, curieuses de toutes les directions. Par à-coups. Il n’en reste que les ombres ondulées, proches de soufflets d’accordéon, encalminés, d’anciens organes respiratoires. Il n’est pas étonné de les retrouver, innombrables, sans doute mêlés à d’autres ouvrages égarés , ayant joué le même rôle pour d’autres lecteurs-trices, dans cet entre-deux. Ces formes gisent inertes – tandis que la substance même des livres, leur chair, s’est répandue, diluée dans l’atmosphère -, à la manière de ces os blancs, galets légers de calcaire rejetés sur les plages, séparés de ce qui tenait autour et grâce eux, autant de seiches vivantes, animal des ondes marines, fabricantes d’encre noire.

S’aventurer dans l’espace mental d’une rêveuse qui lui fut proche et bien physique, au départ d’une photo – dispositif de voyance -, tout en invoquant l’ensevelissement du sommeil, s’apparente à l’ascension cycliste d’un long col, raide, sinueux, dans le brouillard. Là où l’altitude grignotée peu à peu à coups de pédale devait livrer les vues imprenables sur les vallées et les sommets lointains, tout est bouché, étouffé dans le nuage. Les sensations se résument à l’essentiel. Les signaux corporels à surveiller en plein effort prolongé, souffle, circulation, pulsation cardiaque, ressource musculaire. Seul en selle ! La balance entre souffrance et plaisir, sur un fil. La visibilité est limitée, impossible d’anticiper ce qui vient, accentuation de la pente ou redoux. L’humidité du nuage se pose sur la moindre tige et fleur, la couvrant de perles limpides, argentées. Quelques kilomètres plus loin, il constate qu’il en est de même avec les poils de ses bras et jambes, sans doute barbe et cheveux. De fines perles presque gelées mêlées à sa sueur. L’engloutissement du paysage dans la purée de pois n’empêche pas qu’il sente où il est. Le silence caractéristique des hauteurs est bien là, presque matériel, opacifié dans la brume. A force de se concentrer sur ce qui manque, il parvient presque à deviner certaines lignes panoramiques. Il imagine. Surtout, les sons lui parviennent, ouatés, bétails à l’estive, parfois une vache surgi au bord de la route, bruits d’activités humaines lors de la traversée d’un hameau, échos de travaux forestiers très lointain, rapaces égarés, feuillages secoués au profond d’une partie boisée. Des formes furtives dans les accotements, là-bas, au prochain virage. Et le sommet ne vient jamais, disparu, avalé, absent.

Pierre Hemptinne

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