Les "incidents nucléaires" expliqués avec les pieds !

Publié le 29 juillet 2008 par Showshoes

Chronique d'un incident nucléaire expliqué avec les pieds...

En lisant les dépêches qui tombaient depuis deux heures, ce 8 juillet, lors du premier incident à la centrale de Tricastin,  je n'étais pas très alarmée. On me parlait d'un incident, donc pas d'un accident, et de type 1 qui plus est. Incident classé 1 sur une échelle qui en compte 7. L'incident a eu lieu à 6h30, il est 9h00, la communication de la  SOCATRI (sous traitant d'Aréva) est comme le dit l'ASN, transparente. Après tout c'est l'essentiel, au moins, qu'on soit informé en temps et en heure.
Puis comme toute internaute qui se respecte, je surfe sur le web et je découvre le site de l'IRSN (Institut National de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), cette info :
Le 7 juillet 2008 vers 23 h 00, le débordement d'une cuve d’entreposage de la station de traitement des effluents uranifères a entraîné le déversement, dans la rétention de cette cuve, d'un volume d'environ 30 m3 de solution contenant de l’uranium (teneur en uranium de12 g/l). La perte d'intégrité de la rétention a conduit au déversement d'une partie de la solution dans le bâtiment, avec écoulement dans le sol ainsi que dans le réseau d'évacuation des eaux pluviales. Ce réseau rejoint la rivière « La Gaffière », puis le « Lauzon » et enfin le Rhône.

Euh... question bête, (de pieds) : comment se fait-ce qu'Areva et Tricastin parlent d'un incident le 8 alors que l'IRSN parle d'un incident le 7 ? On nous aurait menti ?
Aussitôt, je vérifie... et mis à part quelques sites sur l'environnement, personne n'évoque encore le 7 juillet.

Le lendemain, le 9 juillet tout s'accélère.
La Criiad (organisme indépendant) confirme. L'incident a bien eu lieu le 7 juillet. Areva et l'ASN ne sont donc pas si transparents que ça qu'ils veulent dissimuler des infos. Mal, c'est vrai, mais l'intention est réelle. La pollution de l'eau a donc commencé vers 23h00, le 7 juillet, et ils ne s'en sont rendus compte que le 8 à 6h30. Il devient dès lors difficile de faire confiance à des gens aussi distraits et qui sont en charge de matériaux aussi sensible...

Mais la lecture des infos de la Criirad m'apprend autre chose de beaucoup plus alarmant :
Aux termes de l’arrêté du 16 août 2005, la SOCATRI ne doit pas rejeter sur un an, dans le canal de Donzère-Mondragon, plus de 71,7 MBq en isotopes de l’uranium.


Or l'incident classé de type 1 qui a eu lieu le 7 juillet est 128 fois supérieur à la limite annuelle.

Explication extraite du
communiqué de presse de la Criirad sur l'incident du 7 juillet.

Les communiqués des Préfectures et de l'ASN indiquent que ces effluents contenaient 12 grammes d’uranium par litre. L’utilisation de l’unité de masse au lieu de l’unité de mesure de l’activité (le becquerel) ne rend pas compte de l’ampleur de la fuite. Il est utile de comparer le rejet accidentel aux limites annuelles que doit respecter la SOCATRI. (71,7MBq)

En prenant l’hypothèse d’un rapport isotopique naturel (soit 0,7% d’uranium 235) et de l’absence d’uranium artificiel (ni uranium 236 ni uranium 232), l’activité massique correspondant à 12 grammes par litre est d’un peu plus de 307 000 Bq/litre, soit pour 30 mètres cube d’effluents, une activité totale en uranium de plus de 9 200 000 000 becquerels, soit 9 200 MBq (mégabecquerels)

Euh question bête (de pieds, encore, mais j'en ai deux) : on est très très loin des 71, 7 et l'incident de niveau 1 me semble soudain très alarmant.  D'autant que la Criirad insiste. L'arrêté du 16 aôut 2005 a été violé doublement :

Précisons par ailleurs (cf Arrêté du 16 aôut 2005), que les rejets doivent être effectués dans le canal de Donzère-Mondragon, où le débit doit assurer une dilution suffisante des effluents radioactifs. Ici le rejet a été effectué en partie dans un canal débouchant sur le ruisseau de La Gaffière (qui ne présente pas les capacités de dilution requises) et pour partie sur le sol (aucune précision n’a été donnée sur les volumes de terre contaminés, ni sur la profondeur des infiltrations : la nappe alluviale n'est qu'à 2 ou 3 mètres de profondeur).


Par ailleurs, si les effluents contenus dans la cuve proviennent d’installations qui travaillent sur l’uranium de retraitement (un uranium qui comporte des radionucléides artificiels) les rejets sont strictement interdits.

Cette fois-ci, c'est clair, on nous balade... Je me rends sur le site de l'ASN. Niveau 1 ça correspond à quoi exactement. Autrement dit, le premier niveau de gravité, ça veut dire quoi pour l'Autorité de Sûreté Nucléaire?


Quand le niveau 1 commence à 2 ?!
Explication :

Quand dans les communiqués de l'ASN et d'Aréva on lit que l'incident est classé de type 1 sur une échelle qui en compte 7 (7 étant le maximum et correspondant à l'accident de Tchernobyl), on comprend que ça va de 1 à 7. Or, l'ASN est très claire, l'échelle ne commence pas à 1 mais à 0. L'incident de type 1 n'est donc pas si léger que ça...

Mes pieds sont soudain glacés... et se posent la question : et pourquoi qu'on réfléchit pas à d'autres sources d'énergie ?

Car pour reprendre le titre d'un article de DD Magazine, on a l'impression qu'en France on s'est  dit : Tous dans l'avion du nucléaire... La piste d'atterrissage n'est pas construite !


Alors on aura beau me dire comme Pyrox, que le nucléaire n'est pas plus dangereux que de traverser une route, je n'y crois plus. Car les incidents nucléaires quand ils ont lieu, ne tuent pas sur le champ. Ils tuent petit à petit, lentement mais sûrement. C'est manipuler le débat que d'opposer le présent d'un accident au futur d'une contamination. Et c'est le discours biaisé que les industriels du nucléaire nous impose.

Quand il ne nous impose pas celui-ci trouvé sur le site d'Arnaud Gossement (avocat spécialisé dans le droit à l'environnement). Il s'agit d'une chronique de Jean-Pierre Gauffre diffusée le 21 juillet sur France Info :

Faut-il s’inquiéter de la sécurité des installations nucléaires en France ? Pas le moins du monde. Parce qu’en France, on n’a que de l’uranium gentil...Croyez-moi ou pas, mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter des fuites d’uranium dans les centrales nucléaires en France… Ecoutez plutôt ce que vous dit Areva… Ce n’est pas dangereux, ça n’a aucune incidence néfaste sur l’environnement… Vous savez pourquoi ? C’est très simple… C’est parce qu’il y a deux sortes de nucléaire dans le monde… Y a le nucléaire méchant et le nucléaire gentil… Qu’est-ce que c’est que le nucléaire méchant ? C’est le nucléaire qu’on trouve à l’étranger… C’est le nucléaire de la bombe atomique, Hiroshima, Nagasaki… Très méchant, ce nucléaire-là… Le nucléaire de Tchernobyl… Très méchant aussi, celui-là…Alors que nous, en France, on n’a que du nucléaire gentil… Celui qui donne de l’électricité, celui qui fait marcher la télévision et le four à micro-ondes… Et pourquoi on n’a que du nucléaire gentil, en France ? Parce qu’en France, on a des très bons acheteurs d’uranium… Quand le gringo de chez Areva, celui qui travaillait avant chez Jacques Vabre, il va au Canada, en Australie ou en Russie acheter de l’uranium, il fait bien la différence entre le gentil et le méchant… Sur les marchés où il y a tous les producteurs, quand on essaie de lui refourguer de l’uranium méchant, le gringo d’Areva, il n’en veut pas… Il dit : non, ça, c’est pas bon pour Areva… Moi, je ne veux que de l’uranium gentil…C’est pour ça qu’après, quand il y a des fuites chez nous, quand ça part dans les rivières, ou que ça s’évapore dans l’air autour des centrales, ce n’est pas grave… C’est de l’uranium gentil… Y a des petits morceaux d’uranium qui se baladent comme ça dans la nature et qui rencontrent les animaux, ou les fruits, ou les fleurs… Et ça se passe comme dans les films de Walt Disney… Le poisson, dans la rivière, ou l’abricot, dans l’arbre, ils disent : bonjour, gentil petit uranium, viens te promener avec nous… Et le petit uranium se promène comme ça un peu partout, sans que MamanAreva s’inquiète… Petit uranium est bien élevé et bien gentil… Il ne fera aucune bêtise dans la nature…C’est même mieux que ça… Dans le Tricastin, quand on fait son marché, on peut faire sa radiothérapie rien qu’en tripotant les fruits et les légumes… Ca fait faire des économies à la Sécu… C’est vous dire s’il est gentil, cet uranium-là… C’est pour ça qu’il ne faut pas s’inquiéter des fuites d’uranium dans les centrales nucléaires… Mais évidemment, vous n’êtes pas obligé de me croire…