Quatrième de Couverture
Dans l'antique ville de Troie, Cassandre, fille du Roi Priam, a le don de voir l'avenir. Elle devient alors prêtresse d'Apollon. Mais un jour, mécontentant le Dieu, elle reçoit une terrible punition : elle a toujours son Don, mais plus personne ne la croira...
C'est alors que son frère, Pâris, ramène sa nouvelle femme, une certaine Hélène...
Cassandre a beau prévenir ses proches, personne ne la croira...
Mon avis
Cassandre, fille du roi Priam, fait partie des mortels choisis par le dieu Apollon. Douée du don de prophétie, elle voit le tragique destin de Troie et sa famille se préparer. Après avoir suivi les Amazones, famille de sa mère, pour grandir, elle devient prêtresse d’Apollon, mais retrouve aussi Pâris. Son frère jumeau va provoquer la chute de Troie, elle le sent.
Au fil des épreuves, Cassandre va voir le destin s’accomplir, impuissante, tiraillée entre sa dévotion pour les dieux et son amour pour les siens.
J’ai démarré cette lecture après avoir entendu maintes fois les louanges de Marion Zimmer Bradley, notamment de la part de ma coloc d’amour (on n’est plus en coloc depuis des années mais c’est un détail). J’avais envie de lire un livre autant pour le fond que pour la forme, en poursuivant sur ma lancée après avoir lu Neil Gaiman. Et c’était une très bonne pioche (non Lo, promis, je n’ai jamais douté de tes recommandations).
La trahison des dieux est une réécriture passionnante de la Guerre de Troie, apportant un nouvel éclairage au mythe. Je n’ai jamais lu L’Iliade mais j’ai eu travaillé sur de nombreux extraits durant ma scolarité et cette réécriture du point de vue féminin sonne juste.
Depuis plusieurs mois, je me tiens éloignée des lectures féministes, que ce soit des essais ou des romans, mais aussi d’autres sujets qui me tenaient à cœur, mon esprit subissant déjà un trop plein de faits d’actualité à digérer. J’appréhendais un peu de me trouver face à une réécriture forçant un peu trop sur le sujet mais cela n’a pas été le cas. Marion Zimmer Bradley montre l’entendu de son génie en faisant passer ses messages de manière naturelle, sans violence, en plantant çà et là les graines de ses réflexions. Les questions qu’elle soulève sont pertinentes et poussent à l’interrogation, par exemple sur le rôle des femmes dans l’histoire.
À travers le personnage de Cassandre, la Guerre de Troie se joue à nouveau sous nos yeux, dévoilant l’étendue de son absurdité, de ses règles sans fin mais, surtout, de la cruauté des Dieux. Marion Zimmer Bradley nous offre un mythe où la tragédie domine, où Cassandre affronte un destin sombre auquel elle ne peut échapper. Elle voudrait lutter mais n’y parvient pas : parce qu’elle est une femme, parce qu’elle connaît la nature implacable de l’avenir, parce qu’elle s’est dévouée aux dieux mais aussi à ses proches.
Cassandre est touchante mais aussi inspirante. Sa force nous guide à travers les épreuves et montre les difficultés de jongler avec chacune de nos prises de position, avec nos choix mais aussi nos doutes. Quoi qu’il arrive, Cassandre reste fidèle à elle-même, malgré le prix qu’elle doit en payer. Elle encaisse les coups la tête haute et sait saisir les miettes de bonheur concédées par les dieux lorsqu’elles sont à sa portée.
Cette réécriture place les femmes au premier plan sans les rendre surhumaines : elle permet simplement de donner une voix à ces actrices trop souvent oubliées par l’Histoire.
Une lecture succulente qui rend justice à celles qui ont été trop longtemps invisibilisées, notamment en mettant en lumière la réappropriation patriarcale faite par les Grecs des divinités d’autres peuples. La Déesse mère de Cassandre est sous les ordres de Zeus dans le panthéon grec, brisant son symbole de source de vie des Hommes, de déesse indomptable.
Un livre remettant bien plus en cause que les messages de la Guerre de Troie. Un livre de génie qui a aussi la très belle qualité d’être écrit avec une douce fluidité, une poésie douce amère décrivant avec beauté l’horreur d’un destin tragique.
« Elle eut alors pour lui un déchirant sourire. Un sourire d’une infinie tendresse, où se lisait aussi l’acceptation sereine de la fatalité. »